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Internationale de l'Education
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Corée: Le KTU privé de tout statut juridique

Publié 24 octobre 2013 Mis à jour 30 octobre 2013

Le 23 octobre dernier, le Korean Teachers and Education Workers' Union (KTU) se voyait officiellement privé de tout statut juridique par l’administration Park Geun-hye. Le KTU avait bénéficié d’un ultimatum d’un mois pour modifier la clause de ses statuts autorisant l’adhésion syndicale des enseignant(e)s licencié(e)s et retraité(e)s. Dans le cadre d’un sondage lancé à l’échelle nationale, quelque 60.000 enseignant(e)s et travailleurs/euses de l’éducation coréen(ne)s avaient appelé le syndicat à résister et à maintenir ses statuts en l’état.

Les statuts du KTU permettent aux travailleurs/euses licencié(e)s de rester membres du syndicat. Près de 22 membres du KTU ont été licencié(e)s au cours de l’administration précédente en raison de leurs activités, et notamment pour avoir exprimé leur opinion quant aux politiques éducatives adoptées par le gouvernement ou effectué des dons à des partis politiques progressistes. Neuf de ces travailleurs, dont les licenciements sont d’ailleurs contestables en regard du droit international, sont encore considérés comme membres du KTU en vertu des statuts du syndicat.

L’OIT se prononce contre l’exclusion des travailleurs/euses licencié(e)s et retraité(e)s

En vertu du droit international, les travailleurs/euses licencié(e)s et retraité(e)s sont autorisés à se syndiquer et à être élu(e)s à des fonctions dirigeantes du syndicat et le Comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du Travail (OIT) n’a eu de cesse de critiquer cette exclusion. Dans son rapport daté de mars 2012, le Comité de l’OIT a instamment prié « le gouvernement (coréen) d’abroger les dispositions interdisant aux travailleurs licenciés ou au chômage de demeurer affiliés à un syndicat et rendant les travailleurs non syndiqués inaptes à se porter candidats à un poste syndical » ; toutefois, il a noté « avec regret que le gouvernement n’a pas abrogé ces dispositions » et l’a prié « à nouveau instamment de le faire ».

Trois ans plus tôt, la National Human Rights Commission of Korea (NHRCK) recommandait également au Ministère de l’Emploi et du Travail de modifier l’Article 2(4)(d) de la Loi sur les syndicats et le règlement des relations de travail (TULRAA), en raison du risque de mauvaise interprétation des dispositions interdisant aux travailleurs/euses licencié(e)s de rejoindre un syndicat. La NHRCK a précisé que sa recommandation s’appuyait sur les conventions des Nations Unies et de l’OIT concernant les droits sociaux.

En 1996, la République de Corée a adhéré à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en s’engageant à garantir la liberté d’association et d’exercice d’activités syndicales aux enseignant(e)s et aux employé(e)s du gouvernement. La légalisation du KTU en 1999 est intervenue dans la droite ligne de cet engagement international imposé par l’OCDE.

En janvier 2013, le Ministère de l’Education, des Sciences et des Technologies (MEST) avait déjà menacé d’annuler l’enregistrement du KTU avec effet immédiat si ce dernier ne modifiait pas ses statuts.

La fin de la démocratie coréenne

Le processus actuel de radiation (ou de retrait de la certification) du KTU représente une régression importante. « Nous y voyons la fin de la démocratie et de l’éducation coréennes, » a déclaré Kim Jeonghun, Président du KTU.

Le KTU condamne la décision du gouvernement de le priver de son statut juridique et il a déposé une injonction devant un tribunal de district de Séoul pour faire appel de la décision et obtenir son annulation. Le syndicat a également fait savoir qu’il allait continuer à se battre contre le gouvernement pour recouvrer son statut juridique. « Nous allons poursuivre nos efforts afin d’améliorer le système éducatif du pays, que notre action soit légitime ou non, » a précisé Kim Jeonghun.

Solidarité internationale

A la suite de l’annonce de l’ultimatum posé par le gouvernement, l’IE a lancé sur LabourStart une campagne en ligne de soutien au KTU et à ses membres, aux côtés de la Confédération syndicale internationale (CSI) et de l’Internationale des services publics (PSI). Plus de 8.800 messages ont été adressés à la Présidente coréenne Park Geun-hye, qui a également reçu des lettres de protestation officielles rédigées par plus d’une vingtaine de membres de l’IE.

Cet élan de solidarité énorme de la part de la communauté syndicale internationale a été accueilli avec reconnaissance par le KTU et ses membres. « Mes chers frères et sœurs, je tiens à vous exprimer ma profonde gratitude. Un grand merci à tous pour votre solidarité et votre soutien ! » a déclaré Kim Jeonghun.