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L’éducation, et non pas le profit : réponse à la privatisation et à la commercialisation de l’éducation en Amérique latine

Publié 18 juillet 2018 Mis à jour 18 septembre 2018

Si l’éducation publique, gratuite et universelle est l’une des réalisations majeures de l’Etat providence, elle est également l’un des rares services publics qui, jusqu’à ce jour, a résisté à la commercialisation et à la déréglementation.

Toutefois, la valeur marchande qu’elle représente la transforme en objet de convoitise aux yeux des entreprises commerciales actives sur tous les continents. Que ce soit avec ou sans l’assentiment des Etats, ou à la suite de catastrophes naturelles responsables de la destruction des infrastructures éducatives, l’ingérence des entreprises privées dans les services d’éducation demeure indéniable.

Face à cette réalité, mettant en péril tant l’éducation et les droits humains que le statut de la profession enseignante, l’Internationale de l’Education a décidé d’adopter une résolution durant son 7e Congrès mondial, marquant le coup d’envoi de sa campagne Réponse mondiale à la privatisation et à la commercialisation de l’éducation.

L’Amérique latine participe, elle aussi, à ce projet majeur depuis son lancement, au travers d’une stratégie régionale tirant sa force politique du Mouvement pédagogique. Dans le cadre de la stratégie mondiale, plusieurs enquêtes ont été conduites dans plusieurs pays, dont les résultats ont amené à la formulation de recommandations politiques, à la création d’alliances et à la mobilisation syndicale et politique. Dans tous les cas, l’urgence et la gravité du phénomène sont manifestes.

De l’investigation à l’action

La première enquête, intitulée « La privatisation de l’éducation en Amérique latine : cartographie des politiques, tendances et trajectoires», établit un relevé des différents modèles de privatisation de l’éducation en Amérique latine. Il apparaît que ce continent et les Caraïbes forment la région enregistrant dans le monde les plus hauts taux de scolarisation dans l’enseignement primaire privé et la croissance la plus forte depuis le milieu des années nonante.

D’autres enquêtes ont ensuite été menées au niveau national, comme celle intitulée « Privatisation de l’éducation en Uruguay : politiques, acteurs et positions», mettant en lumière ce processus latent qui se déploie dans le pays au travers de la politique éducative nationale, marquée par l’influence croissante des acteurs privés ou des organisations non gouvernementales et philanthropiques au sein des instances de gouvernance et décisionnelles qui orientent les programmes politico-pédagogiques pour l’éducation publique.

Stratégie régionale

La privatisation était le thème prioritaire de la réunion du Comité régional de l’Internationale de l’Education pour l’Amérique latine (IEAL), convoquée à Cochabamba en Bolivie, au mois de juillet 2018. Hugo Yasky, Président du Comité régional de l’IEAL, a dénoncé la complicité entre les intérêts des entreprises et les gouvernements de certains pays latino-américains dans le cadre de la mise en œuvre de mesures visant à réduire à néant les avancées réalisées au cours de la décennie précédente par les gouvernements progressistes. « Aujourd’hui, en Amérique latine (…), le débat tourne autour de la survie de l’éducation et du droit social qu’elle incarne », a-t-il déclaré durant son intervention. Il a en outre pointé du doigt le rôle des institutions financières internationales, qu’il apparente à « une forme de gouvernement supranational exerçant son contrôle sur les gouvernements nationaux » et ayant une influence majeure sur le déploiement des mesures encourageant la privatisation de l’éducation dans la région.

La campagne Réponse mondiale en Amérique latine, marquée par trois ans d’enquêtes, d’initiatives et d’actions politiques, a permis de rassembler divers mouvements syndicaux, sociaux et politiques autour d’un objectif commun : intégrer à l’ensemble des programmes et plans d’action des  membres la défense de l’éducation publique de qualité contre la course aux profits. La Déclaration adoptée à Cochabamba résume cette stratégie comme suit : « Dans une région telle que l’Amérique latine, où la lutte contre les inégalités et la promotion de l’inclusion sociale demeurent des défis de taille, il importe d’appeler, entre autres, à renforcer les droits ». Adoptée par le gouvernement bolivien, cette déclaration suppose de reconnaître le rôle central des syndicats de l’éducation, en tant qu’agents de la transformation, capables de mobiliser les forces à la fois politiques et sociales.