Etats-Unis: L'IE agit contre les attaques envers les droits syndicaux
La menace présentée par le Gouverneur républicain du Wisconsin, Scott Walker, de supprimer les droits des enseignants à la négociation collective, leurs prestations d'assurance médicale et leurs droits à la pension, a jeté des milliers de manifestants pro-syndicats dans les rues aux Etats-Unis.
La mobilisation résolue des associations membres de l'Internationale de l'Education, l’ American Federation of Teachers(AFT) et la National Education Association(NEA), dont les responsables et militants ont mené une vigoureuse campagne aux niveaux local et national, a eu pour effet, selon les sondages d'opinion, de ranger l'opinion publique aux côtés des syndicats. Une enquête d'opinion montre que 53% des personnes interrogées sont opposés à la réduction des avantages sociaux et des salaires des enseignants; selon une autre enquête, 61% des personnes sont opposées à la suppression des droits des enseignants à la négociation collective.
Même les sondages conservateurs ont montré que la majorité de la population du Wisconsin est opposée à la tentative de Walker d'éliminer les droits à la négociation collective. Dans la foulée des succès électoraux des Républicains au niveau fédéral et à celui des Etats, le Gouverneur du Wisconsin a pu s'imaginer qu'il lui serait facile de se distinguer en cherchant à exploiter les difficultés économiques du pays.
Mais nous vivons une époque qui n'est pas ordinaire. Si certains peuvent remettre en question le rôle des syndicats, bien moins nombreux sont ceux qui croient que le licenciement de 12.000 personnes promis par Walker est la bonne réponse. L'argumentation de Walker est aussi prévisible que faible. Les enseignants, prétend-il, ont des salaires plus élevés et des avantages sociaux supérieurs à d'autres dans un Etat « en surpoids » qui devrait donc suivre une « cure d'amaigrissement » pour pouvoir continuer à fonctionner. Tout cela est loin de la vérité.
En fonction de l’âge et de la formation, les travailleurs des pouvoirs locaux américains gagnent 4% de moins que leurs homologues du secteur privé. Certes, les problèmes des pensions sont réels, mais si la volonté politique existe, la catastrophe pourrait être évitée par une augmentation modeste des moyens budgétaires. Oui, les membres des syndicats bénéficient généralement de prestations supérieures. C'est précisément le but de l'existence d'un syndicat : améliorer notre niveau de vie grâce à l'action collective. Et c'est précisément pour cette raison que Walker les a pris pour cible. La démarche de Walker n'a pas grand-chose à voir avec le souci de redresser le déséquilibre budgétaire, mais elle a tout à voir avec la volonté d'exploiter la crise pour porter un coup fatal au mouvement syndical. Si la résorption du déficit budgétaire était vraiment sa priorité, Walker n'aurait pas gaspillé 140 millions de dollars en cadeaux fiscaux pour les multinationales, ou en refusant d'utiliser les fonds fédéraux pour le développement.
Comme 10 autres Etats, il aurait même pu envisager de relever progressivement les impôts. Aucune de ces contradictions n’est spécifique au Wisconsin: des histoires similaires pourraient être racontées dans des pays aussi éloignés que l'Equateur et l'Irlande, ou dans un lieu aussi proche que l'Ohio, où des projets de loi anti-syndicats ont été mis sur la table. Un tel contexte aide à comprendre pourquoi les messages de solidarité et de soutien se sont multipliés, émanant des syndicats membres de l'Internationale de l'Education, et destinés à l'AFT et la NEA. Ce que le Wisconsin nous présente est une illustration manifeste des sophismes idéologiques et des mensonges politiques qui inspirent ces attaques. En ayant entamé le combat d'une manière aussi brutale, Walker n'a guère d'autre choix que de le poursuivre jusqu'à ce qu'il connaisse une amère défaite. Les syndicats de l'éducation, l’AFT et la NEA l'ont bien compris: c'est pourquoi leurs leaders et militants se sont multipliés sur les ondes et dans les rues pour manifester jusqu'aux portes des hôtels de ville et dans les capitales des Etats. Les syndicats comprennent qu'ils doivent s’adresser aux gens et les convaincre que ce combat est mené pour la défense de leurs normes essentielles de travail, et que c'est seulement en résistant ensemble qu'ils gagneront ce combat et cesseront la course au « toujours moins » social.
C'est pourquoi la lutte des enseignants américains a pris une telle importance internationale; c’est aussi pourquoi l'Internationale de l'Education a maintenu un contact quotidien avec les syndicats américains et qu’elle se prépare en effet introduire une plainte auprès de l’Organisation internationale du Travail (OIT) contre les autorités américaines pour violation des normes essentielles du travail et auprès du Comité conjoint OIT-UNESCO d’experts sur l’application des recommandations concernant sur le personnel enseignant. Confrontés à une menace existentielle, le mouvement syndical a élargi ses horizons et a galvanisé une opposition nationale pluraliste.
Cette mobilisation est une condition nécessaire pour le succès, mais elle ne garantit en rien celui-ci.