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Internationale de l'Education
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Inde: les éducateurs s'opposent aux plans du gouvernement sur les PPP et la certification

Publié 17 juillet 2012 Mis à jour 19 juillet 2012

La All India Primary Teachers' Federation(AIPTF), un des affiliés nationaux de l'IE, a sévèrement critiqué les plans gouvernementaux de partenariats public-privé (PPP) dans l'éducation. Ces derniers auront pour effet de commercialiser l'éducation et de miner les efforts consentis pour atteindre l'Education pour Tous. Elle a également condamné le Teacher Eligibility Test (test d'admissibilité pour les enseignants-TET) et son impact négatif sur le recrutement d'enseignant(e)s de qualité.

Ecoles modèles réservées aux étudiant(e)s les plus riches

Le gouvernement indien a prévu de créer dans le pays 6.000 écoles modèles, dont 2.500 doivent être établies dans le cadre des PPP. Le gouvernement répond ainsi à l'augmentation de la demande au niveau scolaire, conséquence de la mise en application de la loi de 2009 sur le droit à l'éducation gratuite et obligatoire pour les enfants.

Selon cette loi, chaque école se doit d'admettre 25% d'enfants provenant des couches économiquement faibles de la société, les frais d'inscription scolaire étant payés par le gouvernement de l'état correspondant. La Cour suprême a récemment décidé que chaque année, un(e) élève sur quatre dans le secteur pré-scolaire ou la Classe-I de ces écoles doit provenir d'un milieu moins favorisé. Cette décision sera appliquée dès la rentrée académique 2012-2013.

Aucune admission

Dans certains états indiens, les écoles privées n'ont cependant pas admis d'étudiant(e)s cette année, prétextant des inscriptions complètes. D'autres écoles ont recours des tactiques différentes pour éviter d'inscrire des enfants pauvres et expliquent par exemple que l'inscription de ces enfants affecte leurs résultats.

Les enfants qui n'ont pas accès à l'éducation élémentaire proviennent aujourd'hui des couches défavorisées de la société. Ils vivent principalement dans des zones relativement éloignées et inaccessibles et ne bénéficient que d'un accès restreint à l'éducation et aux infrastructures médicales.

En mars 2010, le Ministère du développement des ressources humaines, Département de l'éducation élémentaire et de l'alphabétisation , a invité des entrepreneurs à soumettre des propositions pour créer des écoles dans certaines régions dans lesquelles l'éducation est déjà assurée. Cela signifie que les enfants des milieux défavorisés, vivant dans des zones éloignées et inaccessibles, ne bénéficieront pas de ces écoles. Elles seront hors de portée pour les enfants pauvres en raison des frais d'inscription élevés et autres dépenses annexes.

Commercialisation de l'éducation

« En ouvrant l'éducation scolaire à la commercialisation, le gouvernement va à l'encontre des avis de la Cour suprême selon lesquels l'éducation, de par sa nature même, doit rester non commerciale  », a déclaré S. Eswaran, Secrétaire général de l'AIPTF et Vice-président de l'IE. « L'AIPTF est fermement opposée à la commercialisation de l’éducation par le gouvernement indien via les PPP et demande leur abandon immédiat. »

L'AIPTF a demandé au gouvernement de révoquer le plan des PPP, car il va à l'encontre des intérêts de la société et plus précisément de ses couches les moins favorisées et élargirait encore davantage l'écart entre les nantis et les pauvres.

« Si le gouvernement continue de négliger nos demandes sur ce point, l'AIPTF a décidé de mener une action de piquet devant le Parlement lors de la session de la mousson afin d'attirer l'attention sur cette politique anti-pauvres que constituent les plans PPP », a déclaré Eswaran. « L'AIPTF espère connaître à ce sujet le même succès qu'en 2009 avec l'adoption de la loi sur le droit à l'éducation gratuite et obligatoire pour les enfants. »

Test d'admissibilité pour les enseignant(e)s

Le Ministère du développement des ressources humaines a également introduit un Test d'admissibilité pour les enseignant(e)s (TET), sensé améliorer la qualité de la force enseignante et donc augmenter les résultats d'apprentissage des étudiant(e)s. Toute personne disposant d'un diplôme dans le secteur de l'éducation ou d'une licence dans le secteur de l'éducation ou de l'enseignement primaire doit avoir obtenu au moins 60% de réponses satisfaisantes au TET avant de pouvoir enseigner dans une école privée ou publique.

Ce test est conduit au niveau national et fédéral. Si un état décide de ne pas l'organiser, les écoles de cet état prennent en compte les résultats des tests conduits par le gouvernement général.

« Même si l'introduction du TET est une initiative valable de la part du gouvernement général, il a des implications sérieuses pour les jeunes aspirants enseignants, leurs gardiens ou parents et la société », a expliqué Eswaran.

Test de connaissances théoriques

L'une des principales critiques du TET est que les candidat(e)s sont testés sur leurs connaissances théoriques concernant le développement des enfants, leur compréhension des étapes de développement, les divers besoins des apprenants et la pédagogie. Ce test se base sur le principe selon lequel ceux qui possèdent une connaissance théorique solide de ces aspects de la profession enseignante seront capables d'enseigner efficacement.

Eswaran considère que ce principe est erroné et que la maîtrise et le rendu du contenu représentent des compétences différentes. « La raison académique ne justifie pas le TET, car celui-ci ne permet pas de sélectionner des enseignantes et enseignants efficaces. Nous devons cependant sélectionner des enseignants efficaces qui peuvent améliorer la qualité de l'éducation. »

L'incertitude liée à la réussite du TET et le temps nécessaire pour passer le test détournent bon nombre de personnes de la profession enseignante.

« L'Inde a besoin d'environ un million d'enseignantes et enseignants de qualité pour les écoles primaires et les établissements d'enseignement supérieur », a souligné Eswaran. « Vu sous cet angle, le TET empêche de combler les postes vacants pour les enseignants du niveau élémentaire. Il constitue un obstacle important pour atteindre l'éducation de qualité pour tous d'ici 2015. » L'AIPTF a donc demandé au gouvernement d'abandonner ce test, a-t-il déclaré.

L'Inde doit investir davantage dans l'éducation et les enseignant(e)s de qualité

« La déréglementation et la privatisation des services publics, et plus précisément de l'éducation, réduisent l'accès à l'éducation et augmentent les inégalités dans la société », a souligné Aloysius Matthews, Coordinateur régional principal de l'IE pour la région Asie-Pacifique.

« L'Inde, comme tous les autres pays de la région, doit donner la priorité aux investissements dans l'éducation publique car il s'agit du moyen le plus efficace de stimuler la croissance économique, la stabilité et la cohésion sociales. C'est pourquoi la communauté mondiale des éducatrices et éducateurs apporte son soutien aux collègues indiens dans leur lutte pour une éducation de qualité à tous les niveaux dans leur pays, et pour des conditions de travail et des salaires décents pour les éducatrices et éducateurs de qualité.

Impact de la crise économique

Lors du 6e Congrès mondial, qui s'est tenu au Cap, en Afrique du Sud en juillet 2011, l'IE a adopté une résolution pour la région d'Asie-Pacifique, reconnaissant également que la détérioration de la situation économique de nombreux pays de la région met en péril la capacité des gouvernements nationaux à maintenir et à augmenter les investissements publics dans l'éducation, les services sociaux et les infrastructures publiques.

La résolution déplore que les progrès effectués dans la région pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement, et principalement l'Education pour Tous, sont mis à mal et minés par les effets de la crise économique mondiale et des catastrophes naturelles.

L'IE est d'avis que les gouvernements nationaux doivent reconnaître la valeur de la constitution d'un partenariat avec des organisations syndicales dans la planification et la mise en œuvre de programmes de redressement et de développement économiques. Avec les institutions financières internationales, les gouvernements doivent cesser de recourir à la détérioration des conditions d'emploi déjà inappropriées de bon nombres de travailleuses et travailleurs de l'éducation et des autres services publics dans la région comme méthode de redressement des économies nationales.

Pour lire la déclaration d'Eswaran concernant la position de l'AIPTF sur le statut des PPP dans l'éducation, cliquez ici.

La déclaration d'Eswaran concernant la position de l'AIPTF quant aux implications du test d'admissibilité pour les enseignant(e)s est disponible ici.