Espagne: les réformes de l’enseignement favorisent la ségrégation des élèves
La rentrée scolaire espagnole sera marquée par un débat houleux sur les nouvelles réformes de l’enseignement, imposées par décret gouvernemental. Les syndicats affirment que ces réformes favoriseront la ségrégation anticipée des élèves et l’introduction de méthodes propres aux entreprises privées dans les écoles publiques, tout en soulignant qu’elles ne reflètent aucune volonté d’améliorer la qualité de l’éducation.
Les réformes instaurées par le Ministre de l’Education, José Ignacio Wert, prévoient que des évaluations extérieures seront organisées au terme de chaque cycle d’études et que la priorité sera accordée aux matières évaluées dans le cadre du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), mis en place par l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques. Selon Wert, ces réformes de la Loi organique relative à l’éducation entraîneront des modifications importantes dans le système éducatif.
Evaluations extérieures
La modification la plus controversée est l’introduction desévaluations extérieuresà la fin de chaque cycle d’études. Les syndicats d’enseignants estiment que cette mesure va à l’encontre du principe d’évaluation continue et qu’elle entraînera une augmentation du nombre d’abandons scolaires, atteignant déjà le seuil de 31%, soit le double de la moyenne européenne.
Une autre mesure de réforme concerne la diminution du choix des matières proposées aux élèves. Davantage d’heures de cours seront consacrées à l’enseignement des mathématiques, des sciences et de la lecture – une décision que le Gouvernement justifie par le fait que ce sont les seules disciplines évaluées par les rapports PISA.
Les syndicats tirent la sonnette d’alarme
Les syndicats d’enseignants espagnols mettent en garde contre le danger que représente un enseignement uniquement axé sur la réussite aux examens, et risquant de compromettre la vocation holistique de l’enseignement dispensé aux élèves. « Le rapport PISA ne donne qu’un aperçu succinct des performances des élèves dans certaines matières spécifiques. Il ne reflète en aucun cas l’ensemble de leurs capacités et n’évalue en rien leur apprentissage global », souligne une déclaration du FETE-UGT, l’un des affiliés espagnols de l’IE.
Débat sur l’autonomie
La nouvelle réforme prône une plus grande « autonomie » en termes de gestion des établissements scolaires. Cette mesure serait appliquée en particulier lors du recrutement du personnel et du choix du programme scolaire. « La possibilité pour chaque établissement scolaire de décider, par exemple, de son propre programme scolaire, conduira à une diminution du choix des matières proposées aux élèves et à la réduction des disciplines spécialisées dans certaines écoles », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, la réforme éducative limite le rôle des conseils scolaires (composés d’enseignant(e)s, de parents et d’élèves) en les réduisant à de simples comités consultatifs – l’élaboration des politiques et la prise de décision étant confiées à la direction des établissements.
Les réformes proposées, prévoyant également une utilisation accrue des technologies et un renforcement de l’apprentissage des langues étrangères, ne sont pas crédibles aux yeux des syndicats dans un contexte où le gouvernement réalise des coupes drastiques dans les budgets de l’éducation.
Un autre affilié espagnol de l’IE, la FECCOO, soutient que ces réformes éducatives vont de pair avec le revirement idéologique néolibéral auquel assiste la société espagnole, et considère qu’il s’agit là d’un décret partisan dans la mesure où il n’existe aucune volonté de créer un consensus avec la communauté éducative.
« Cette réforme n’a fait l’objet d’aucune discussion avec la communauté éducative, étant donné le refus du ministre de la soumettre au Conseil scolaire de l’Etat, l’organe démocratique consultatif officiel pour le secteur », a déclaré José Campos, Secrétaire général de la FECCOO.
Un taux de pauvreté infantile sans précédent
Les réformes font suite à un récent rapport de l’UNICEF (en espagnol), L’enfance en Espagne 2012-2013, révélantque le taux de pauvreté infantile a pour la première fois dépassé la barre des 26%, soit près de cinq points au-dessus de la moyenne nationale enregistrée en 2011. En deux ans à peine, près de 205.000 enfants supplémentaires vivent dans des ménages dont les revenus sont situés en dessous du seuil de pauvreté.
Face à cette situation, les syndicats mettent en lumière que, au début de cette année scolaire, une famille espagnole sur trois n’aura pas les fonds suffisants pour l’achat de livres et de matériel scolaires, en raison de la diminution des aides publiques pour l’achat de manuels scolaires et de l’augmentation des prix.
Une seule voix
Pour contrer la politique de restriction des droits syndicaux et sociaux menée par le Gouvernement de Mariano Rajoy, les principaux syndicats espagnols ont joint leurs forces à celles des autres organisations sociales, au sein d’une plate-forme intitulée Sommet social.
Huit villes ont organisé des manifestations publiques au mois d’août et sont descendues dans les rues pour dénoncer les coupes budgétaires, approuvées unilatéralement par le Gouvernement.
En outre, le Sommet social organisera une marche dans les rues de Madrid le 15 septembre prochain pour demander au Gouvernement d’organiser un référendum, afin de permettre au peuple espagnol de voter et de se prononcer sur les mesures qui ont été adoptées.
« Si le Gouvernement refuse d’organiser un référendum, les organisations du Sommet social s’en chargeront elles-mêmes et prendront les mesures qui s’imposent en regard des résultats. Nous ne pouvons plus continuer comme ça », ont prévenu les syndicats.
Ils insistent également sur le fait que le Gouvernement s’est engagé sur la voie de la « trahison démocratique », étant donné que les mesures qu’il a mises en place entrent en contradiction avec le programme politique proposé durant la campagne électorale.
Pour exprimer votre solidarité avec les syndicats espagnols, veuillez signer le manifeste pour la défense de l’enseignement public maintenant.