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Internationale de l'Education
Internationale de l'Education

Fuite des cerveaux

Publié 7 avril 2005 Mis à jour 7 avril 2005

Pays riche recrute enseignant(e) pauvre

Comment un pays en développement peut-il réaliser l'Education Pour Tous s’il se vide de ses enseignants ? L’exode d’enseignants affecte particulièrement certains pays des Caraïbes, dont la Guyana et la Jamaïque, qui comptent beaucoup sur le récent protocole de recrutement adopté par les pays du Commonwealth pour améliorer la situation.

«Ils reviennent chaque année, et chaque fois, leur venue est suivie par l’exode de dizaines d’enseignants», déplore Evelyn Crawford, présidente du syndicat Guyana Teachers’ Union (GTU). Ils, se sont les recruteurs britanniques qui viennent une fois par an en Guyana rencontrer les enseignants qui ont répondu à leur appel de candidature pour enseigner en Grande-Bretagne. “Des agences de recrutement des Etats-Unis et des Bahamas commencent également à affluer. Même le Botswana recrute des enseignants chez nous», s’exclame Evelyn Crawford. Les Bahamas et les Bermudes sont les pays des Caraïbes qui recrutent le plus chez leurs voisins.

Guyana est le seul pays anglophone d’Amérique latine. Les enseignants y sont bien formés, mais surtout ils ne bénéficient pas de conditions de travail très attrayantes, et sont donc susceptibles d’être attirés par des cieux plus cléments. En Guyana, le salaire mensuel le plus élevé auquel peut prétendre un enseignant est 400€, un salaire que même un enseignant débutant des Bahamas n’accepterait jamais.

La Jamaïque figure aussi sur l’itinéraire des agences de recrutement. Byron Farquharson, du Jamaica Teachers Association (JTA) estime que 300 enseignants quittent le pays chaque année. «300 enseignants sur les 23.000 que compte la Jamaïque peut sembler insignifiant, mais ce ne l’est pas», souligne Byron, car «les enseignants recrutés sont également ceux pour lesquels la Jamaïque connaît une pénurie: les profs de maths et de sciences.»

La solution facile des pays riches «Pays industrialisés et en développement sont à égalité en ce qui concerne la pénurie, note Byron, sauf que les pays industrialisés ont une solution: recruter chez nous!»

«C’est un comble», souligne Wouter van der Schaaf, coordinateur du projet EPT de l’IE. «Les pays riches financent l’initiative d’EPT, ils expliquent aux pays en développement qu’il faut planifier l’offre éducative, et, confrontés à une pénurie, ils puisent dans le vivier d’enseignants qualifiés disponible dans les pays qui investissent dans l’éducation! Les initiatives de recrutement à l’étranger devraient être assorties de mécanismes de compensation de nature variée.»

Evelyn Crawford confirme que ce ne sont pas seulement les meilleurs enseignants qui sont recrutés, mais aussi ceux qui ont le plus d’expérience et qui sont également rodés aux tâches de direction et d’administration.

L’exode des enseignants constitue un cercle vicieux pour les pays vidés de leurs forces vives. Ce sont des pays qui ont investi dans la formation des enseignants, qui ont consacré de l’argent public pour qualifier leurs enseignants, et en fin de compte, dès que ceux-ci ont acquis l’expérience nécessaire, ils quittent leur pays.

«Nous ne pouvons stopper la mondialisation et nous ne pouvons non plus empêcher nos enseignants de vouloir améliorer leur niveau de vie, mais il faut établir des règles pour qu’il n’y ait ni gagnant ni perdant», estime Byron Farquharson. En septembre 2004, les ministres de l’Education du Commonwealth ont adopté un Protocole concernant le recrutement des enseignants à l’étranger qui précise les droits et responsabilités de tous les acteurs. Ce protocole a été adopté précisément à la demande du ministre jamaïcain de l’Education. Il prévoit que pays recruteurs et pays pourvoyeurs doivent se mettre d’accord sur des mesures mutuellement acceptables. Les pays recruteurs doivent garantir aux enseignants un statut et des conditions de travail équivalentes aux enseignants nationaux. Les pays sources ont le droit de déterminer des catégories d’enseignants qui ne peuvent être recrutés. Les recrutements ne peuvent s’effectuer pendant une année scolaire en cours. Le protocole engage tous les pays membres du Commonwealth.

Etude de l’IE sur l’exode des cerveaux Le Congrès de l’IE a mandaté l’IE d’entreprendre une étude sur l’exode des cerveaux dans le contexte de la mondialisation, mais également dans le cadre de la mobilité croissante des personnels d’éducation et de recherche. L’étude formulera également des recommandations visant à : • Protéger les pays qui perdent du personnel formé • Faciliter l’insertion des personnels qualifiés dans leur pays d’origine • Protéger les personnels de toute exploitation et discrimination dans le pays d’accueil • Assurer les droits des personnels à retourner dans leur pays d’origine dans des conditions correctes.