Intervention de l’IE à la 96ème session de la Commission de l’application des normes de la Conférence Internationale du Travail à Genève, 30 mai-15 juin 2007
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Votre Comité examine aujourd’hui, comme il le fait tous les trois ans, le Rapport du CEART qui dresse un bilan de la mise en œuvre des deux Recommandations concernant les enseignants du pré-primaire à l’université. Deux textes qui constituent des fondements très importants pour les dizaines de millions de femmes et d’hommes qui enseignent dans le monde entier, fondements à mettre en lien avec les principes fondamentaux édictées dans les conventions de l’OIT.
Le CEART, je tiens à le rappeler, est une instance conjointe entre deux agences du système des Nations Unies (OIT et UNESCO) qui est tout à fait unique et à laquelle les enseignants sont très attachés.
Cette réunion s’est tenue en Octobre dernier alors que 40 ans venaient de s’écouler depuis l’adoption de la Recommandation concernant les enseignants du primaire et secondaire et qu’une décennie s’achève depuis qu’en 1997 les gouvernements se sont engagés sur le statut du personnel enseignant de l’enseignement supérieur
En adoptant ces recommandations les gouvernements ont reconnu l’importance fondamentale pour cette société de la connaissance que nous appelons tous de nos vœux, d’avoir des enseignantes et enseignants hautement qualifiés, formés pour préparer dans les meilleures conditions les générations futures, les futurs travailleurs bien sûr mais également les futurs citoyens informés et éclairés qui seront le garant d’une société démocratique.
À sa neuvième session, le CEART a centré ses travaux sur les thèmes principaux relatifs à l’enseignement et à l’éducation au vu des dispositions des deux Recommandations, thèmes qui sont au centre des préoccupations des enseignants
- la formation des enseignants - initiale et continue
- les relations de travail, avec un accent particulier sur l’augmentation croissante et préoccupante du nombre des enseignants contractuels et non qualifiés ;
- les salaires des enseignants, y compris la rémunération fondée sur le mérite ou la performance ;
- les conditions favorables à un enseignement et un apprentissage efficaces;
- le dialogue social dans le Secteur de l’éducation ;
- les libertés académiques, relations de travail, liberté syndicale et participation du personnel à la prise de décisions dans l’enseignement supérieur.
Nous approuvons tout particulièrement le fait que le Comité conjoint a également prêté une attention toute particulière à des questions transversales concernant l’ensemble des thèmes : l’incidence des engagements en faveur de l’éducation pour tous (EPT), la pénurie mondiale d’enseignants et la migration internationale croissante des enseignants, l’impact du VIH/sida sur les enseignants et sur les systèmes de l'enseignement, et l’égalité entre les hommes et les femmes.
Nous soutenons les efforts que le CEART et ses membres déploient pour que soient assurés la promotion et le respect des dispositions des Recommandations de 1966 et de 1997 et pour contribuer à la solution des problèmes soulevés dans les allégations. Sur ce point je voudrais simplement indiquer que nous avons noté avec intérêt que pour la première fois , un gouvernement a donné son accord pour qu’une mission du CEART soit organisée. Nous pensons qu’il s’agit là d’une bonne chose même si certains aspects de cette mission doivent encore être réglés.
Notre organisation a contribué aux travaux de la réunion du CEART en présentant un rapport et nous retrouvons d’ailleurs bon nombre de nos constats et propositions dans les recommandations élaborées par le CEART et nous avons également participé à la session spéciale d’échanges organisée avec les représentants d’organisations internationales.
Nous partageons les constats faits par le Comité et souscrivons aux recommandations formulées.
Je me permettrais cependant d’insister sur deux points :
La pénurie d’enseignants : Il y a une pénurie majeure d’enseignantes et d’enseignants. Malheureusement nous pensons que la plupart des gouvernements même si ils reconnaissent les faits n’ont pas pris la mesure de l’enjeu et ne prennent donc pas les dispositions adéquates pour remédier à ces situations. Cette pénurie a de nombreuses causes :
- Les départs en retraite nombreux,
- La pandémie du SIDA,
- Les mauvaises conditions de salaires et de travail liées à une formation initiale et en cours d’emploi insuffisante, une dévalorisation de fait, qui n’attirent plus les jeunes générations et poussent même de nombreux personnels à quitter le secteur de l’éducation.
Cette pénurie conduit les pays développés à recruter de plus en plus des enseignants qualifiés issus des pays en développement. Et ces phénomènes ont de graves répercussions non seulement sur la qualité de l’éducation dans ces pays mais nous contribuons ainsi à empêcher ces pays d’ atteindre l’objectif de l’EPT à l’horizon 2015.
L’enseignement supérieur: C’est un secteur sur le haut de l’agenda de nombreuses organisations internationales et des réformes sans précédent notamment en Europe sont mises en place aujourd’hui dans le cadre en particulier d’une mondialisation agressive, réformes qui conduisent à une précarité accrue des personnels académiques et de recherche. Les personnels académiques sont très préoccupés par le fait que, et je cite le rapport page 7 (version française) : « les violations des libertés académiques suscitées par des préoccupations sécuritaires ou commerciales se sont multipliées, parallèlement à la baisse de l’autonomie collégiale et de la participation du personnel aux prises de décision institutionnelles » Pour conclure
Ce rapport montre bien que même si des progrès sont accomplis dans presque tous les domaines traités, les deux recommandations ne sont pas correctement appliquées ou sont largement négligées dans les politiques actuelles de nombreux gouvernements.
Le Comité a fait un certain nombre de Recommandations à l’égard de toutes les parties prenantes, et nous souhaitons vivement que chacun prenne ses responsabilités. Les organisations d’enseignants au niveau national et au sein de leur organisation internationale continueront pour leur part à se faire les avocats de la mise en œuvre des deux recommandations, en préparant notamment du matériel de promotion et en organisant de nombreuses activités tout particulièrement lors de la Journée mondiale des enseignants le 5 Octobre . Nous organiserons également une Conférence internationale sur l’enseignement supérieur et la recherche qui se tiendra en novembre prochain et qui articulera ses débats autour des principes de la Recommandation de 1997.
Nous appelons les autres parties prenantes , les gouvernements les employeurs et les agences, à prendre toutes leurs responsabilités pour que les dispositions pertinentes des deux recommandations soient appliquées dans le cadre d’un dialogue avec les personnels et leurs organisations représentatives.
Monique FOUILHOUX Coordinatrice, Education et Emploi