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Internationale de l'Education
Internationale de l'Education

L'éducation n'est pas un produit commercialisable

Publié 5 juin 2008 Mis à jour 5 juin 2008

L'émergence du "commerce international" des services éducatifs est l'un des développements les plus importants affectant l'éducation, ces dernières années. Le recrutement agressif par les institutions éducatives, d'étudiants du monde entier soumis à des frais de scolarité; l'explosion de l'apprentissage en ligne, commercial et sans frontières; la franchisation d’institutions éducatives et de campus extraterritoriaux; et la vente outre-mer de matériel pédagogique sont toutes les caractéristiques d'un commerce émergent des services éducatifs, un commerce de plusieurs milliards de dollars.

Actuellement, ce commerce est bien plus difficile à réglementer et à codifier que le commerce des gadgets ou du blé. Cependant, des efforts sont déployés pour atteindre précisément cet objectif - mettre au point des règles qui régissent le commerce mondial des services éducatifs. Cela se produit notamment par le biais de multiples négociations et accords commerciaux bilatéraux, et, sur un plan multilatéral, au sein de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l'Organisation mondiale du commerce. Ces accords pourraient avoir des conséquences d'une portée considérable pour nos institutions éducatives, nos étudiants et nos enseignants.

Les accords commerciaux sont des traités légalement contraignants qui promeuvent la libéralisation, non seulement en éliminant les barrières au commerce et à l'investissement, mais également en encourageant la libéralisation intérieure, sous la forme de la privatisation, la commercialisation et la dérèglementation des services publics, tels que l'éducation. Les accords commerciaux ne forcent pas nécessairement les gouvernements à privatiser ou à commercialiser l’éducation, mais, par le biais des restrictions légales qu'ils leur imposent, ils peuvent avoir pour effet d'intensifier les pressions sur eux, de manière telle que la privatisation ou la commercialisation se fasse.

La plupart des traités commerciaux comprennent deux séries de règles. La première série de règles exige des membres qu'ils rendent publiques les mesures et réglementations qui risquent d'affecter le commerce, et qu'ils traitent chaque partie au traité de manière égale. La deuxième série de règles, plus pesantes celles-ci, s'applique au secteur des services qu'un gouvernement a explicitement accepté de libéraliser. Les obligations relatives au "traitement national" exigent des pays qu'ils accordent aux fournisseurs étrangers les mêmes avantages et privilèges que ceux accordés aux fournisseurs nationaux. Les règles relatives à "l'accès au marché" interdisent aux gouvernements d'empêcher les fournisseurs étrangers d'avoir accès à leur marché.

Si un pays accepte d'ouvrir son secteur éducatif, ces deux règles pourraient menacer un certain nombre de politiques importantes. Les conditions relatives au traitement national, par exemple, empêchent que des écoles étrangères imposent des conditions relatives à la nationalité, comme celle d'accorder des préférences d'engagement aux citoyens nationaux. De manière plus controversée, il a été soutenu que si les pays devaient inclure complètement les services éducatifs, le traitement national les obligerait à offrir les mêmes subventions publiques aux institutions d'outre-mer que ceux qu'ils offrent aux institutions éducatives nationales. De manière alternative, les gouvernements pourraient être contraints d'éliminer complètement ces subventions.

Les règles d'accès au marché empêcheraient les gouvernements de poser des limites au nombre d'institutions éducatives étrangères autorisées à opérer localement, permettant ainsi aux institutions et aux sociétés d'autres pays de s'engager librement dans des activités éducatives. Les gouvernements ne pourraient adopter aucune mesure qui crée une discrimination entre les institutions publiques et privées, étant donné que ce serait considéré comme une restriction à l'accès au marché.

Jusqu'une période récente, la communauté éducative a eu peu connaissance de l'AGCS et des autres accords commerciaux. Mais tout cela a changé. Les organisations d'étudiants, les syndicats d'enseignants et même de nombreuses institutions éducatives expriment de manière croissante leur opposition à la notion que l'éducation puisse être simplement considérée comme un bien commercialisable, à l'instar de tout autre.

L'IE et ses affiliés se sont fermement opposés à l'inclusion de l'éducation dans les accords commerciaux. Cela ne signifie pas que nous nous opposions à la mondialisation de l'éducation. Au contraire, nous considérons qu'il est bon d'encourager la collaboration transfrontalière, les études outre-mer, les partenariats scolaires et la coopération académique. Nous nous opposons à des accords tels que l'AGCS, car ils subordonneraient l'éducation à des valeurs commerciales, en la traitant simplement comme un bien privé en vente sur le marché mondial. Nous craignons que l'inclusion de l'éducation dans les traités commerciaux n'ait un puissant effet réducteur sur la règlementation publique, et ne promeuve la privatisation et la commercialisation.

Les enseignants considèrent par dessus tout que l'éducation n'est pas un produit commercialisable. Elle fait partie de l'infrastructure culturelle et sociale d'une société.

Par David Robinson

David Robinson est Directeur exécutif associé de l'Association canadienne des professeurs d'université et consultant à l’IE sur les questions liées au commerce et à l’enseignement supérieur. Cet article à été publié dans Mondes de l'Éducation, No. 26, juin 2008.