Droits humains et égalité des genres dans le domaine de l'éducation
« Le financement de l’'égalité entre les genres est souvent prêché, mais rarement mis en pratique », a déclaré Jan Eastman, Secrétaire générale adjointe de l'IE, aux délégués lors de la dernière Commission de la condition de la femme de l’ONU.
Bien que les derniers chiffres indiquent une progression générale des capacités des femmes, les opportunités des femmes sur le marché du travail comme dans les organes de décision restent toujours à la traine. Les syndicats promouvant l'autonomisation des femmes sont confrontés à des défis mondiaux : l'inégalité et le manque de financements publics en faveur de l'éducation ; de profondes inquiétudes liées au manque d'accès à la nourriture, à une eau propre, à l'hygiène et aux soins de santé ; de même que la crise du réchauffement climatique.
La réalisation d'un calendrier de l'égalité est malheureusement fortement menacée par la crise financière internationale. L’année 2008 a révélé la faiblesse du modèle actuel de mondialisation. Des centaines de milliards de dollars ont été dégagés pour sortir d'affaire les banques et les institutions financières tandis qu'au même moment, le Sommet des Nations Unies sur les Objectifs du Millénaire (OMD) pour le développement ne générait que $16 millions de d'engagements pour mettre fin à la pauvreté. L'agence des Nations Unies pour l’alimentation n'a rassemblé que $8 milliards en faveur de la crise alimentaire, alors qu'il aurait fallu $15 milliards. Il en va de même pour les investissements agricoles visant à venir en aide aux agriculteurs.
Dans ce contexte actuel de crise, les gouvernements ont même moins tendance à réserver des ressources supplémentaires pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) relatifs à l'éducation pour tous et à l'autonomisation des femmes. Selon la Banque mondiale, il faudrait $13 milliards pour réaliser l’OMD n°3 relatif à l'égalité entre les genres et à l'autonomisation des femmes, et l'OMD n°2 visant à parvenir à une éducation primaire pour tous requerrait au moins $16 milliards.
Il y a 30 ans, les pays riches occidentaux ont promis de dédier au moins 0,7% de leur PNB à l'aide humanitaire à l'étranger, mais seuls les pays nordiques et les Pays-Bas ont satisfait à leur engagement. Si tous les pays développés tenaient leurs promesses, les ressources disponibles doubleraient et les OMD pourraient être financés.
La crise financière associée à l'augmentation des prix de l'alimentation et à la famine consécutive, notamment dans les familles tenues par femmes, a mis en lumière l'injustice d'une pauvreté mondiale ainsi qu'une inégalité plus que jamais présente. Ces promesses doivent être suivies de toutes les actions et mesures qui s'imposent.
Le scénario actuel laisse-t-il place à un espoir ?
Face à cette dure réalité, les organisations d'enseignants continuent d'adopter des politiques afin de promouvoir la participation égalitaire des femmes dans les instances dirigeantes et de plaider sans relâche en faveur de politiques intégrées. Ces politiques visent à rendre les petites filles et les femmes autonomes par le biais d'une éducation de qualité et d'un travail décent.
L'IE considère qu'une éducation de qualité – qui soit accessible à tous, gratuite et obligatoire jusqu'à l'âge du travail – et des services publics de qualité incluant l'eau, l'hygiène, le logement et les soins de santé, constituent des facteurs essentiels pour réduire la pauvreté et parvenir à une égalité entre les genres.
Une éducation de qualité pour toutes les petites filles et les femmes constitue la première clé permettant de rompre le cercle vicieux de la féminisation croissante de la pauvreté et de tous les abus de droits humains qui y sont associés. A moins d'être éduquées, les femmes ne peuvent trouver leur voie ou être autonomes afin de s'intégrer complètement dans la société.
Autre fait alarmant : la pénurie de 18 millions d'enseignants pour parvenir à une Education pour tous d'ici 2015. Les politiques nationales en faveur d'une égalité entre les genres devraient comprendre l'offre d'une éducation de qualité par des enseignants formés et un travail décent.
En effet, la pénurie d'emplois décents engendre une spirale descendante touchant les plus faibles, qui s'avèrent le plus souvent être des femmes. Le chômage, le sous-emploi, les emplois non productifs et de faible qualité, les salaires irréguliers, l'absence de droits syndicaux, le manque de négociations collectives, l'exploitation des enfants, des migrants et des réfugiés, le travail dangereux : tous ces facteurs mènent à l'érosion du contrat social fondamental qui lie les sociétés démocratiques. Le Zimbabwe, pays où l'effondrement général du pays a également eu un impact dévastateur sur le secteur de l'éducation, en est un exemple récent.
Les organisations d'enseignants œuvrent pour l'égalité
L'IE et les autres fédérations syndicales s'assurent que les droits des femmes sont protégés, respectés et satisfaits, et que les femmes sont entendues au sein de leur syndicat national, des organismes régionaux ou des institutions internationales telles que l'Organisation internationale du travail et la Commission de la condition de la femme de l’ONU.
De nombreuses organisations d'enseignants prennent des initiatives afin d'accroître la présence des femmes dans les organes de décision. Cette année, par exemple, le syndicat d'enseignants en Indonésie, le PGRI, a modifié sa constitution afin d'imposer un quota minimum de 30% de femmes dans son comité directeur comme au sein de tout organe décisionnel du syndicat. Le PGRI a été inspiré par les bonnes pratiques partagées lors du Caucus des femmes de l'IE en 2007.
Les syndicats d'enseignants rendent également les femmes autonomes en améliorant leurs capacités syndicales par le biais des réseaux régionaux de femmes de l'IE (voir encadré).
Dans les forums nationaux et internationaux, les syndicats exhortent les gouvernements à rechercher des investissements par le biais de politiques adaptées : dépenses en faveur de l'éducation et de la formation professionnelle, opportunités d'emploi décentes, bons soins de santé, mesures anti-corruption et soutien pour de bons services publics. La stratégie opposée visant à entrer dans une course aux capitaux par le biais de la réduction des normes de travail sera au détriment des populations et notamment des plus faibles et des plus pauvres.
Les syndicats considèrent également que la transparence et la responsabilité constituent des critères essentiels aux politiques en faveur de l'égalité. Cela signifie que toutes les politiques doivent inclure des objectifs clairs liés aux genres devant être fixés en accord avec les femmes dirigeantes et les organisations, les processus de décisions inclusifs, les budgets et pratiques liés aux genres, de même que les évaluations prenant en compte les genres.
Il est nécessaire d’avoir des leaderships modifiés, assurés par des hommes et des femmes profondément tournés vers une justice entre les genres. Ce n'est qu'ensuite que le cercle vicieux de féminisation de la pauvreté et d'exploitation au sein des systèmes d'éducation et des lieux de travail pourra être renversé.
Par Rebeca Sevilla
Cet article a été publié dans Mondes de l'Éducation, No. 28, Décembre 2008.