PISA: Evaluation dangereuse?
Le Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves (PISA) est une évaluation standardisée à l’échelle internationale à laquelle est soumis un échantillonnage d’élèves âgés de quinze ans. Ceux-ci sont choisis au hasard au sein de 57 pays dans le monde. Il s’agit de l’étude de comparaison internationale la plus célèbre et utilisée fréquemment de nos jours ; ses résultats ont des répercussions importantes sur la politique éducative des pays participants ainsi que dans d’autres. En tant que tel, le PISA est d’une importance croissante pour le développement des politiques éducatives.
Toutefois, il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg d’un processus plus important encore : la tendance est à développer des politiques fondées sur les résultats qui régissent les politiques à l’échelle internationale.
Dans le cadre du PISA, les élèves sont choisis au hasard pour répondre à des évaluations à l’écrit en 45 minutes. Ce processus est comparable à celui de nombreux tests qui jouent un rôle majeur dans les méthodes d’études actuelles. Cependant, l’influence de l’évaluation du PISA va au-delà du simple cliché évaluant à un moment précis la capacité des élèves à acquérir une certaine connaissance ou compétence. Les évaluations deviennent des outils de politique puissant, à la fois à l’échelle nationale et internationale.
En 2008, l’IE a mené une enquête analysant l’impact de l’évaluation du PISA de l’année 2006 sur le débat politique en matière d’éducation. Une attention particulière a été portée à la couverture médiatique apportée à PISA, à l’utilisation qu’ont fait les gouvernements de ses conclusions et à la réaction des syndicats à celui-ci, bref, à l’impact de la plus importante enquête de comparaison internationale sur l’éducation.
Les résultats ont démontré que l’évaluation du PISA a des répercussions formidables sur la manière dont les éducateurs, les parents et les gouvernements envisagent l’éducation. L’analyse des documents de presse révèle que la grande majorité des articles traitant du sujet réfère à PISA simplement comme étant une "appréciation" de la qualité de l’éducation. Les gouvernements utilisent celle-ci pour justifier leurs réformes en faisant des comparaisons entre des lieux éloignés tels que la Pologne et Singapour. Le laïus qui revient souvent est : « comme le démontre l’évaluation du PISA, notre système éducatif est en retard sur nos voisins, et voilà pourquoi, nous nous devons d’agir ». Ces actions mènent régulièrement à l’introduction d’autres tests, de systèmes d’évaluation nationaux fondés sur le modèle et la méthodologie de l’évaluation du PISA, de procédés d’enseignement plus minutieusement étudiés et conduisent finalement à associer les performances des enseignants et les résultats obtenus par les élèves aux évaluations. Cette tendance est très dangereuse et les syndicats s’en inquiètent, car cela modifie fondamentalement l’enseignement et l’apprentissage et, à vrai dire, la signification globale de l’éducation.
Les comparaisons internationales peuvent fournir des données captivantes, néanmoins il ne faut pas oublier que la base de ces données est assez simple et ne transcrit ni la complexité, ni l’étendue de l’éducation. D’autres évaluations standardisées de masse montrent des limites similaires.
L’évaluation PISA de l’année 2006 révèle des données intéressantes sur les corrélations entre les performances des élèves de quinze ans dans les branches scientifiques et mathématiques, leur milieu socioéconomique et l’organisation de leur établissement scolaire. Toutefois, elle est loin de rendre une image globale de la qualité de l’éducation. Cela peut constituer un stimulant à un débat sur l’éducation, néanmoins, toute tentative d’utilisation des résultats du PISA pour étayer des programmes politiques déjà établis constituerait une mauvaise utilisation du rapport et de ses données.
Ce sont là, les points communs entre l’évaluation PISA et de nombreux tests nationaux. Pour autant que ceux-ci permettent aux étudiants de comprendre leurs progrès, leurs forces et leurs faiblesses en matière d’apprentissage, ils peuvent constituer des outils précieux. Cependant, lorsqu’ils prétendent fournir un jugement sur la qualité d’ensemble des systèmes éducatifs, ils ont inévitablement tendance à être à la base d’injustice.
En fait, ce qui différencie l’évaluation du PISA et la rend plus dangereuse que les autres enquêtes internationales de comparaison est son évidente politique d’orientation dirigée par le principe d’augmentation de l’efficacité scolaire. Cela en fait un puissant outil d’influence politique puisque l’OCDE a la possibilité d’exercer une sorte de pression sociale et de "soft governance" (c’est-à-dire une gouvernance basée sur l’argumentation, la persuasion et le support ou la pression des pairs) sur les gouvernements nationaux grâce à son statut de source, impartiale et digne de foi, de preuves.
Vu la capacité de l’OCDE à établir des comparaisons à l’échelle internationale fondées sur des données solides collectant des mécanismes reconnus internationalement, les syndicats enseignants ne peuvent pas se permettre de s’écarter des recherches comparatives internationales et des indicateurs de l’éducation.
Ceci dit, il ne faut pas occulter la possibilité d’utiliser les rapports de l’évaluation PISA d’une manière intégrale et néanmoins créative. La richesse des données et l’éventail des conclusions du PISA laissent également de la place à une interprétation saine d’un point de vue syndical. Une meilleure compréhension du vrai rôle et de l’étendue des répercussions potentielles de l’évaluation du PISA, que l’IE a développé ces dernières années, ne permet pas de douter de l’utilisation de celle-ci pour informer qu’il est non seulement possible d’éviter la création de politiques mais que cela peut également être bénéfique pour la cause des syndicats enseignants.