Discours prononcé par Irene Duncan Adanusa, Vice-présidente de l’IE, lors de la Conférence mondiale sur l’enseignement supérieur organisée par l’UNESCO le 5 juillet 2009 à Paris
Au nom de l’Internationale de l’Education, la plus grande fédération syndicale mondiale représentant 30 millions d’enseignants et de travailleurs de l’éducation et regroupant 406 syndicats affiliés dans 172 pays et territoires, je suis très honorée de prendre la parole dans le cadre de cette Conférence mondiale de l’UNESCO sur l’enseignement supérieur.
Cette réunion a lieu dix ans après la première Conférence mondiale sur l’enseignement supérieur. Il s’agit également du 12e anniversaire de la Recommandation de l’UNESCO concernant le statut du personnel enseignant dans l’enseignement supérieur qui définit les droits relatifs à l’emploi et les libertés académiques fondamentales du personnel, lesquelles s’avèrent indispensables pour pouvoir garantir l’offre d’une éducation de qualité.
Malgré cela, trop nombreux sont les pays du monde qui ont ignoré ces droits fondamentaux. Et pourtant, les membres du personnel académique sont au cœur de la mission publique de l’enseignement supérieur. Aucune institution, aucun système ne peut réussir sans la présence d’un corps professoral expérimenté et motivé. Les institutions et les systèmes d’enseignement supérieur se doivent d’assurer au personnel académique un salaire approprié et de leur offrir la possibilité de développer une carrière à temps plein accompagnée du maintien et de la sécurité d’emploi qui conviennent ; ces institutions et ces systèmes doivent être des intervenants efficaces en matière de gouvernance académique et offrir des garanties solides en termes de libertés académiques.
Il est absolument scandaleux de constater que dans bon nombre de pays on assiste à une augmentation du nombre de membres du personnel académique employés sous le régime d’un contrat précaire à durée déterminée ou à temps partiel, ne leur offrant que de bas salaires, avec peu ou pas d’avantages, et sans aucune protection de la liberté académique. Cette situation constitue non seulement une injustice à leur égard, mais elle aura également des répercussions à long terme sur l’intégrité de la mission de l’enseignement supérieur.
L’heure est venue pour vous, les Etats membres de l’UNESCO, de respecter et d’appliquer pleinement les principes énoncés dans la Recommandation de 1997.
Notre réunion d’aujourd’hui a pour toile de fond toute une série d’enjeux et de défis mondiaux. En particulier, notre monde qui doit faire face actuellement à une récession économique dramatique, la plus importante au cours de la période d’après-guerre. Il s’agit d’une crise économique véritablement mondiale quant à sa portée, une crise qui détruit l’emploi et les gagne-pain de millions d’individus et qui contribue à renforcer les inégalités à la fois dans les pays et entre les pays.
La crise à laquelle nous sommes confrontés actuellement ne doit cependant pas servir de prétexte à une diminution des investissements dans l’enseignement supérieur. Elle ne peut être une excuse justifiant de reporter la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement, et notamment l’Education pour Tous. Elle ne peut servir à justifier la mise en place de politiques néolibérales qui ont échoué. À vrai dire, le financement public de l’enseignement ne doit pas être perçu comme une dépense. Il s’agit plutôt d’un investissement sûr et ayant fait ses preuves qui stimulera la reprise et contribuera à une croissance durable sur le long terme.
Nous observons malheureusement que, de plus en plus, les systèmes d’enseignement supérieur subissent les conséquences d’un financement public inapproprié. De nombreux gouvernements réduisent leurs dépenses dans l’enseignement supérieur et la recherche, conduisant ainsi à la fermeture des facultés et au licenciement du personnel, au plafonnement des recrutements, à des réductions budgétaire pour la recherche, et à une diminution de l’offre des cours proposés.
Soyons très clairs à ce sujet : de telles mesures sans aucune perspective à long terme menacent de saper la mission publique de l’enseignement supérieur et de la recherche, et d’empêcher le développement social et culturel de nos pays.
Les impacts de la crise économique se font principalement ressentir dans les pays en développement. C’est pour cette raison que nous nous félicitons de l’attention toute particulière accordée par cette conférence aux besoins de l’Afrique. Le renforcement de l’enseignement supérieur en Afrique représente un facteur essentiel pour le développement à long terme du continent et il exigera, entre autres, des engagements beaucoup plus importants en termes d’aide au développement de la part des pays industrialisés. L’UNESCO a un rôle crucial à jouer en mettant à disposition les moyens permettant de renforcer l’enseignement supérieur sur l’ensemble du continent. A l’Internationale de l’Education nous sommes déterminés à apporter notre contribution en renforçant les liens entre les syndicats du personnel, tant en Afrique que sur le plan international, et nous sommes décidés à apporter notre soutien en instaurant des conditions d’emploi et des droits relatifs à la profession qui permettent de développer de manière constructive un enseignement supérieur et une recherche qui soient de qualité.
Mesdames et Messieurs les délégués, l’enseignement supérieur et la recherche sont des services publics qui contribuent au développement social, culturel et économique des communautés, des régions et des pays. En conséquence, les établissements d’enseignement supérieur devraient travailler en s’alignant sur des principes du service public clairement définis : égalité d’accès, accessibilité en termes de coût, normes de qualité élevées et responsabilité publique.
Nous exhortons les Etats membres à saisir l’occasion offerte par ces prochains jours pour affirmer que l’enseignement supérieur et la recherche sont des biens publics et des services publics. Il est de votre responsabilité en tant qu’Etats de veiller à ce que les institutions bénéficient d’un financement public approprié et travaillent en partenariat avec la communauté académique afin de pouvoir garantir que ces institutions répondent aux critères fondamentaux de qualité, d’accès et de statut du personnel et des étudiants.
En guise de conclusion, j’ajouterai que le secteur de l’enseignement supérieur a besoin de l’UNESCO et qu’il lui accorde beaucoup de valeur. En tant qu’enseignants, nous sommes disposés à travailler avec l’UNESCO et d’autres partenaires afin de garantir que l’enseignement supérieur et la recherche soient en mesure de relever les défis qui nous attendent. Mais cela ne sera possible que si nos libertés académiques fondamentales et celles liées à notre emploi sont respectés. Et c’est à cette seule condition que nous serons en mesure de garantir que l’enseignement supérieur et la recherche pourront remplir leur mandat, celui qui consiste à instaurer la croissance économique durable, la cohésion sociale et une culture de la paix.
Je vous remercie.