Ce que le FMI et les gouverneurs des banques centrales savaient, mais ne nous ont pas dit
Une des premières annonces suite au Sommet du G20 à Londres en avril dernier a été le lancement du Conseil de stabilité financière (CSF), destiné à assurer la stabilité financière mondiale et, en particulier, à établir des mesures qui empêcheraient une nouvelle crise de se produire à l'avenir. Il rassemblera des acteurs internationaux majeurs : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l'OCDE, les Ministères des Finances de 25 pays et autres.
Le Secrétaire général du nouveau Conseil de stabilité financière est Svein Andresen, qui dirigeait auparavant l’impénétrable Forum de stabilité financière basé à Bâle, en Suisse. Dorénavant, suite au G20, il bénéficiera de plus de personnel ainsi que d’un mandat prolongé : sauver le monde de nouvelles catastrophes financières, rien de moins !
Après le lancement du CSF, Svein Andresen a rencontré la Commission syndicale consultative auprès de l'OCDE. Avec soin et détail, il a présenté le nouveau rôle du CSF, ses structures et ses projets pour réaliser le mandat du G20.
Une des tâches du Conseil sera de mettre au point un « système d'alerte précoce », nous a-t-il dit. Cependant, alors que mes collègues syndicalistes autour de la table le mitraillaient de questions, il nous a fait une saisissante révélation : le FMI disposait déjà d’un « système d’alerte précoce ».
Quelques années auparavant, le FMI avait préparé « un rapport pointu » décrivant précisément les risques qu’encourait le système financier mondial. Les forts déséquilibres du système qui l’empêchaient d’être viable avaient été analysés. Autrement dit, la question n’était pas de savoir si une crise majeure allait surgir, mais quand.
Les économistes des syndicats tiraient la même sonnette d’alarme depuis au moins deux ans. Les représentants syndicaux avaient alors été qualifiés d’excessivement pessimistes. Personne ne voulait gâcher la fête !
Mais voilà qu’Andresen nous révélait à présent que le FMI avait fait précisément la même analyse ! Il est certain qu’un tel avertissement n’aurait dû être ignoré. Que s’est-il donc passé ?
« Eh bien », nous a-t-il répondu, « le rapport a circulé dans les circuits internes des banques centrales et des principaux Ministères des Finances, mais personne n’a agi en conséquence ».
Il a poursuivi avec un commentaire elliptique sur la prudence avec laquelle les gouverneurs des banques centrales et les Ministères des Finances devaient manier les informations afin de ne pas troubler les marchés. « Mais le rapport sera probablement publié un jour, bientôt peut-être », a-t-il cherché à nous assurer.
J’ai souligné que le CSF était beaucoup plus visible que son prédécesseur, suite à la façon dont le G20 l’avait mis en avant. Le mouvement syndical mondial doit obtenir une place à la table du débat, avons-nous dit. Si le plan Marshall, qui a donné naissance à l’OCDE actuelle, a pu établir des mécanismes consultatifs avec les syndicats, ainsi qu'avec le milieu des affaires et l'industrie, le CSF peut en faire de même.
Les réunions privées ne sont plus acceptables, avons-nous dit, pas plus que les rapports confidentiels ignorés et gardés secret par peur de « troubler les marchés ».
Aujourd’hui, les portes auparavant closes sont légèrement entrebâillées. Nous avons obtenu l’autorisation d’observer certains rouages internes d’institutions qui n’avaient jusqu’alors pas ressenti la nécessité de parler avec les représentants syndicaux. Ces portes doivent maintenant être grandes ouvertes.
Il y a quelques années, dans « The March of Folly », l’historienne Barbara Tuchman montrait comme les grands bouleversements de l’histoire humaine avaient été précédés par des avertissements qu’on avait ignorés. C’est ce qui s’est passé avec la crise financière : une illustration supplémentaire de la folie collective et de l'échec des institutions. C’est la raison pour laquelle ces dernières doivent être transparentes et les représentants syndicaux obtenir une place autour de la table.