Les syndicats d'enseignants combattent la crise économique: L'heure est venue pour une stratégie locale et mondiale!
Quelles que soient les bonnes ou les mauvaises nouvelles que les médias nous relatent à propos de la crise, l'éducation souffre toujours des mesures prises depuis le début de la crise économique et financière mondiale. Ces dernières ont un impact sur les enseignants et les syndicats d'enseignants à tous les niveaux de l'éducation.
L'Internationale de l'Education mène une campagne sur la crise depuis mars 2009 et travaille sans relâche à la combattre dans toutes les régions du globe. En particulier, un séminaire de haut niveau organisé en septembre à l'intention des dirigeants des syndicats d'enseignants d'Europe centrale et de l'est et d'Asie centrale a généré des résultats très utiles sous la forme d'une stratégie permettant aux syndicats d'enseignants de ces régions de lutter contre la crise. Bien que tous ses éléments ne soient pas applicables au plan mondial, elle n'en demeure pas moins utile pour nous aider dans notre travail syndical en ces temps de crise.
Cette stratégie n'est qu'une petite partie de la campagne de l'IE « Levez la main pour l'éducation », laquelle comprend des fiches d'informations, les textes de discours prononcés et un dossier de presse, l'analyse de deux enquêtes menées par l'IE portant sur l'impact de la crise économique sur l'éducation, un contrôle permanent et une pression exercés au plan international. Toutes les ressources pour cette campagne sont disponibles à www.ei-ie.org/handsup.
Contexte
Deux jours de discussions en plénière et en groupes ont permis de faire émerger de bons exemples pratiques de négociation en temps de crise, ainsi qu’une discussion sur l’impact de la crise dans la région. Un projet de stratégie a ensuite été élaboré par le Secrétariat de l’IE et a été présenté aux participants du séminaire, qui ont alors contribué à l’élaboration d’une stratégie finale. Il s'agit du résultat le plus concret à ce jour de la campagne « Levez la main pour l'éducation », à laquelle les syndicats membres ont contribué de façon constructive. Nous croyons que cette campagne va s'avérer un outil utile pour les syndicats d'enseignants en temps de crise.
Pourquoi avons-nous besoin d'une nouvelle stratégie?
Les conditions d'enseignement et d'apprentissage varient considérablement à travers le monde. Les conditions de travail médiocres et les rémunérations inadéquates sont des problèmes que l'on affrontait quotidiennement avant les débuts de la crise financière et économique mondiale. Avec la crise, la situation s'est aggravée de manière plus ou moins importante à travers la planète. Un certain nombre d'enseignants et de professeurs d'université ont dû augmenter leurs heures de travail, sont confrontés à des classes plus nombreuses, à des réductions de salaire ou de retraite, à une diminution des avantages sociaux, ainsi qu'à des licenciements, entre autres événements de même type. Avec la réduction des budgets de l'éducation, les enseignants et enseignantes ne sont pas les seuls à subir les conséquences de cette crise. En effet, les élèves et les nouvelles générations ressentiront également les répercussions de la crise au cours des prochaines années.
C'est pourquoi nous menons notre mission syndicale en recourant à des recettes qui ont fait leurs preuves de négociation et de représentation de nos enseignant(e)s et universitaires. Alors pourquoi avons-nous besoin d'une nouvelle stratégie? Parce que nous devons faire face à des menaces sans précédent.
Cette stratégie permet de se concentrer sur le travail même des syndicats d'enseignants. Elle vise surtout à partager les bonnes pratiques entre les dirigeants des syndicats d'enseignants. Elle nous incite ainsi à penser à des méthodes qui ont fonctionné chez les autres, mais que nous n'avons pas encore tentées. Cette stratégie entend renforcer les enseignant(e)s ainsi que les syndicats d'enseignants. L'objectif est de protéger la condition et les droits des enseignants en plaidant le fait que l'éducation est la clé pour sortir de la crise. Elle peut se révéler utile pour le travail des syndicats aux niveaux international, régional, national et local, et pourra être davantage développée dans ces contextes.
Le rôle des syndicats
La crise financière s'est accentuée par le déséquilibre entre le pouvoir de négociation des employés et celui des employeurs, qui a ensuite engendré une crise économique encore plus grave. Afin de surmonter cette crise, les syndicats ont ainsi besoin de renforcer leurs pouvoirs de négociation afin de combler ce déséquilibre entre les deux parties. Les bonnes pratiques au niveau international doivent être étendues à tous les niveaux de notre travail.
En juillet, l'Organisation internationale du Travail a adopté un pacte tripartite pour l’emploi intitulé Programme pour la reprise mondiale. Ce dernier implique les gouvernements, les syndicats et le patronat et explicite le rôle clé des syndicats. Ceci doit constituer un moteur vital pour conduire notre action. Dans les cas où les syndicats ont été impliqués dans la mise en place de solutions à la crise, ceci a permis d'inclure la dimension sociale dans les politiques et les mesures de réponse à la crise. A cet égard, notre rôle est clair.
Les syndicats ont des forces particulières. En général, les syndicats ont un point de vue spécifique sur les effets sociaux de la politique économique et ont la capacité de faire des contre-propositions aux mesures gouvernementales, sur la base de leurs propres recherches. En tant que syndicats d'enseignants, nous avons notre propre opinion au regard de l'impact de la politique économique sur l'éducation et nous sommes capables de connaître les points de vue des affiliés luttant en première ligne en faveur de l'éducation. En tant que syndicalistes, nous sommes capables d'expliquer des concepts complexes dans la langue de tous les jours et nous pouvons engager les éducateurs dans des débats sur les solutions éventuelles à l'impact de la crise.
Expliquons clairement aux gouvernements le but de notre combat !
Il est nécessaire que nous exposions clairement à nos gouvernements les objectifs de notre lutte. L'accès équitable à une éducation de haute qualité constitue l'un de ces objectifs, en lien avec les objectifs sociétaux et les conditions de travail. Ce dernier peut être mis en avant en plaidant en faveur d'une bonne formation des enseignants, en luttant contre la privatisation des écoles publiques si nécessaire (pour que la privatisation ne devienne pas la réponse à la crise), et en promouvant la valeur de l'enseignement public.
L'importance générale de l'investissement dans l'éducation à long terme représente un autre objectif. Il doit être utilisé en toile de fond de l'argumentation en faveur de l'augmentation ou du maintien des salaires des enseignant(e)s. Cet objectif doit également servir de contexte dans la lutte contre les réformes des retraites et la protection des droits de retraite des enseignants.
Accroître le degré d'importance du dialogue social constitue un objectif supplémentaire. Sans cela, la dimension humaine de la régénération post-crise risque d'être perdue, et l'éducation deviendra le coût de la crise plutôt que la solution clé. Cela aura un impact dévastateur à travers toute la planète. C'est pourquoi il est nécessaire que nous fassions pression sur les gouvernements afin de mettre en place une stratégie claire en vue de sortir de la crise, et que l'éducation fasse partie de la solution. A cet égard, nous devons souligner que toutes les mesures de crise négatives (telles que les réductions budgétaires) doivent être des mesures à court terme et doivent être compensées par un engagement en faveur d'un investissement futur et de la réintégration de salaires intégraux, ou d'une compensation pour les baisses de salaires des enseignants.
Nous devons également établir une politique claire pour ce qui est des valeurs démocratiques véhiculées par l'enseignement public et des responsabilités au sens large des gouvernements envers leurs citoyens les plus jeunes. Si, comme les hommes politiques le disent souvent, les enfants représentent notre futur et constituent l'atout majeur de notre société, pourquoi les gouvernements ont-ils tendance à chercher des moyens toujours moins coûteux pour leur éducation ? La croissance économique de l'ère post-industrielle doit être basée sur l'intellect et la connaissance, et l'accès équitable à l'éducation constitue un élément essentiel de la stabilité sociale. En tant que syndicats, nos objectifs et notre plaidoyer peuvent également s'étendre au delà du simple domaine de l'éducation, en traitant de problèmes tels que la privatisation et le chômage dans d'autres secteurs, dans le cadre du mouvement du service public contre la crise.
Repensons les différents moyens de négociation !
Repensons la façon dont nous négocions avec nos employeurs. Premièrement, en termes de délai : Nous pouvons négocier en faveur d'une augmentation ou d'une compensation de salaire pouvant prendre effet après la crise, lorsqu'un certain niveau de croissance aura été atteint. Deuxièmement, en termes de collaboration avec d'autres syndicats et syndicats d'enseignants, nous devons présenter un front uni de syndicats et syndicats d'enseignants, de façon que le gouvernement ne puisse pas monter les syndicats les uns contre les autres. Troisièmement, en termes de position d'influence, les dirigeants syndicaux qui sont membres d'organismes officiels au sein d'organes gouvernementaux doivent utiliser leur position pour faire pression. Quatrièmement, en termes d'action industrielle, nous pouvons simplement recourir à la menace d'action industrielle sans nécessairement entrer en grève.
Nous devons découvrir ce que veulent les gouvernements et exposer clairement nos exigences. Dans ce contexte, il est important de connaître les arguments avancés par les gouvernements lors des réductions des budgets publics ou des salaires, et nous devons nous tenir prêts à argumenter contre chacune d'entre elles. Les recherches effectuées sur les questions connexes pourraient se révéler inestimables pour renforcer nos arguments. Sur cette base, en tant que syndicats d'enseignants, nous devons également soumettre des propositions alternatives. Ensuite, il nous appartient de répondre promptement aux changements de situation dans notre pays, étant donné que les développements se produisent généralement d'un jour sur l'autre.
Jouons bien avec les décisionnaires politiques! Pour faire pression, nous devons choisir le moment politique opportun, tel que la période pré-électorale, favorisant l'engagement envers des réformes positives après la période électorale. Nous ne devons pas prendre parti. Plutôt que de former des alliances politiques, il est plus judicieux de demeurer en marge des controverses politiques. Nous devons également être attentifs aux erreurs des gouvernements et les rappeler à l'ordre s'ils tentent d'invoquer la crise comme excuse à leurs erreurs.
Enfin, dans le cadre de nos négociations, il est crucial d'obtenir des résultats contraignants, tels que des accords collectifs ou une législation.
Associons anciennes et nouvelles tactiques !
Dans le cadre de nos tentatives de pression sur les gouvernements, nombreux sont ceux qui ont tenté des mesures qui ont fait leurs preuves. Nous pouvons interagir avec le grand public par le biais des médias en organisant des conférences de presse, en publiant des communiqués et en aidant les élèves, les parents et d'autres alliés à s'exprimer. Nous pouvons obtenir un soutien international, faire systématiquement pression à chaque niveau (local, national) et participer aux grèves de solidarité avec d'autres secteurs.
Nous pouvons également recourir à de nouvelles tactiques telles que les collaborations bilatérales ou multilatérales avec les syndicats à l'étranger ; travailler avec autant de partis politiques que possible ; et développer des capacités de recherche avec des chercheurs, du personnel de l'enseignement supérieur ou des syndicats de l'enseignement supérieur. Nous pouvons organiser de grandes manifestations sous la forme de grèves générales afin de montrer notre force en nombre. Nous pouvons également travailler en étroite collaboration avec des partenaires tels que les syndicats d'étudiants, les associations de parents, les syndicats généraux, les administrations scolaires et les institutions d'enseignement supérieur, de même que les associations ou les regroupements professionnels d'enseignants et les ONG œuvrant dans le domaine de l'éducation.
Dans ce contexte, nous devons considérer les différents objectifs des grèves que nous menons (tels que les augmentations de salaires, les protestations contre les réformes de l'éducation et les réductions budgétaires, etc.) et nous devons également nous demander s'il est efficace d'organiser ces grèves. Nous devons également nous montrer attentifs aux solutions proposées par d'autres personnes (telles que le patronat) au gouvernement, et susceptibles de se révéler néfastes pour les employés. Nous devons informer et impliquer les affiliés dans nos campagnes contre la crise. Et peut-être plus que tout, nous devons être patients ! Les changements positifs mettent du temps, mais lorsqu'ils se produiront, nous pourrons alors voir le fruit de notre travail.
Collaborons mondialement, agissons localement !
La campagne de l'IE « Levez la main pour l'éducation » comprend un certain nombre d'éléments, dont le plaidoyer à l'échelle internationale dans le but d'agir à un niveau local également. Il s'agit d'un élément clé de notre travail dans le cadre de la Campagne 1Goal visant à impliquer les joueurs de football, les élèves, les enseignants et la société civile dans le soutien à l'éducation préalablement au coup d'envoi de la Coupe du monde en Afrique du Sud l'an prochain. Une autre ressource utile est le kit pédagogique sur le financement de l'éducation élaboré par l'IE et ActionAid. Prenons part ensemble à la solution mondiale pour sortir de la crise !