Le statut des doctorants, une question urgente pour les syndicats d’enseignants
L’amélioration des normes en matière d’emploi des doctorants est indispensable si nous voulons créer des conditions de travail décentes pour tous les personnels académiques et atteindre l’objectif d’un enseignement supérieur public de qualité.
La crise financière mondiale a servi de prétexte idéal à de nombreux gouvernements européens pour maintenir le financement de l’enseignement supérieur public à son niveau actuel, voire le réduire considérablement. En outre, comme l’on croit généralement que le secteur de l’éducation est coûteux en main-d’œuvre, les économies sur l’éducation peuvent également se traduire par des coupes sur les salaires des enseignants moyennant une augmentation des contrats de travail à temps partiel, accompagnée d’une réduction des postes titularisés.
Une baisse des coûts de l’enseignement peut toutefois être également obtenue en mettant au travail une main-d’œuvre précaire. En ce qui concerne le monde universitaire, les doctorants semblent constituer pour certains comptables une source de main-d’œuvre alternative bon marché.
Une augmentation constante mais alarmante du nombre de doctorants au sein des pays de l’OCDE a été observée ces dernières années. Le nombre de titulaires d’un doctorat a rapidement augmenté de 40% lors de la dernière décennie, les programmes doctoraux s’inscrivant dans le cadre du Processus de Bologne (études du troisième cycle) depuis la Conférence de Berlin en 2003.
Selon le Communiqué de Bergen, ceux qui prennent part aux programmes doctoraux sont considérés à la fois comme étudiants et jeunes chercheurs en début de carrière. Une déclaration politique de la structure paneuropéenne de l’IE de 2005 a clairement annoncé que: « Les syndicats appellent à la reconnaissance du doctorat comme étant la première étape dans une carrière académique/de chercheur et la seule obligation formelle pour la promotion à des postes académiques supérieurs ». Malgré cela, il n’existe toujours pas de cadre européen pour la réglementation commune d’un statut des doctorants.
D’après une enquête menée parmi les pays membres du Processus de Bologne par l’Association européenne de l’université que, dans 10 pays sur 35, les doctorants de l’enseignement supérieur ont le statut d’étudiants, notamment en Italie, en Lettonie et au Royaume-Uni. Dans seulement trois des pays examinés, ils sont considérés comme employés, notamment au Danemark et aux Pays-Bas. Et dans les 22 autres pays, les doctorants ont un statut mixte, ni étudiants ni travailleurs, notamment en Allemagne, en Belgique et en Pologne.
Beaucoup d’obligations, aucun droit
Conformément aux Principes de Salzbourg, les doctorants doivent être reconnus comme des professionnels. Peu importe le statut officiel qui leur est conféré, il est essentiel qu’ils bénéficient des droits reconnus aux travailleurs. Or, ce n’est pas le cas partout. Dans de nombreux pays, les doctorants sont considérés comme des personnes ayant des obligations à la fois comme travailleurs et comme étudiants, sans bénéficier des droits de ces deux catégories.
Un bon exemple de ce statut intermédiaire des étudiants en doctorat est celui de la Pologne, où leur nombre augmente rapidement. Durant l’année académique 2009-10, leur nombre s’est élevé à 35.600, dont 46% ont obtenu une bourse. Une bourse s’élève en moyenne à 270€ sans taxes, ni assurance maladie ni pension, dans un pays où le revenu net médian est de 557€. Ces bourses sont octroyées aux doctorants suite à la procédure d’inscription, en fonction de leur position dans le classement final. Elles peuvent être annulées ou ajournées après chaque année d’études.
Les étudiants en doctorat bénéficiant d’une subvention doivent dispenser des cours, jusqu’à 90 heures par an, à titre de formation non rémunérée. Les universitaires menant des recherches sont tenus de donner cours de 120 à 140 heures par an. Seuls les doctorants sans bourse peuvent refuser de donner cours.
On observe une diminution du nombre d’assistants et d’employés à l’université qui enseignent ou étudient en doctorat: 28% entre 1996 et 2009. Le professeur Dabrowa-Szefler indique que cette réalité est étroitement liée à l’accroissement du taux d’inscription aux programmes de doctorat.
Dans le même temps toutefois, nous constatons une baisse du taux d’enregistrement aux procédures de remise du diplôme de doctorat, passant de 32% en 1999 à 23% en 2008. Cette baisse peut s’expliquer par les taux d’abandon, de sorte que, malgré l’augmentation du nombre de personnes s’inscrivant aux programmes de doctorat, elles sont moins nombreuses à parvenir à terminer leur thèse.
Considérer les étudiants diplômés comme étant qualifiés pour entrer sur le marché normal du travail a peu de sens, en particulier dans des domaines saturés comme les sciences humaines. Ils ne sont nécessaires que dans le cadre d’emplois peu rémunérés à l’université, alors que le marché du travail, à l’extérieur, ne leur est guère utile. Cette situation motive Marc Bousquet à les appeler « les déchets du système d’enseignement supérieur ». Un autre professeur, Tomasz Szkudlarek, affirme que « l’affluence des étudiants en doctorat aux portes du monde universitaire forme un réservoir de travail d’enseignement et technique mal ou non rémunéré, [qui] diminue également la pression salariale exercée par les travailleurs à temps plein ».
La solidarité contre l’introduction des mécanismes du marché dans l’enseignement supérieur public entre les travailleurs universitaires à temps plein et à temps partiel et les étudiants en doctorat s’avère essentielle, tout comme l’effort conjoint pour garantir des formes d’emploi décentes à tous les travailleurs dans le milieu universitaire. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles la question du statut des étudiants en doctorat doit être continuellement soulevée par des universitaires syndiqués.
Par Krystian Szadkowski, chercheur du Réseau Marie Curie Eduwel à l’Institut de recherche de l’Internationale de l’Education