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La profession enseignante a indubitablement souffert à la suite du début de la récession économique en 2008, une récession qui plane toujours au-dessus de la tête des personnels de l'éducation de par le monde. Les salaires des enseignant(e)s ont été réduits ou gelés, les heures d'enseignement ont augmenté dans plusieurs pays sans rémunération supplémentaire, les droits de négociation collective ont été restreints ou supprimés dans certains pays, et des heures de cours ont été retirées dans les matières « non indispensables ». En conséquence, le niveau de formation ne possède plus aujourd'hui la qualité d'antan.

Alors que telle semble être la situation à travers le monde, de nombreux syndicats d’enseignants essaient d'inverser cette tendance, notamment les affiliés de l'IE en Amérique du Nord, l'American Federation of Teachers (AFT), la National Education Association (NEA) et la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE). Ceux-ci font entendre leur voix, au nom des enseignant(e)s qu'ils représentent, en affirmant que la profession enseignante et le concept de syndicats d'enseignants sont toujours vivants et forts. Les personnels enseignants et leurs syndicats de par le monde devraient contempler ces exemples pour les guider en temps de crise. Les syndicats d'enseignants du monde entier peuvent faire preuve de solidarité pour répondre aux attaques perpétrées contre l'éducation.

Le cas de Chicago: le plaidoyer américain pour des mouvements syndicaux forts

Le plaidoyer en faveur des droits des enseignant(e)s est le principal objectif de tout syndicat de l'éducation, et dans la foulée de la plus importante grève d'un syndicat d'enseignants américain de ces vingt-cinq dernières années, un mouvement national de solidarité s'est constitué et a réaffirmé la force de la profession enseignante. La grève était menée par le Chicago Teachers’ Union(CTU), un affilié de l' American Federation of Teachers(AFT), pour protester contre les réformes éducatives visant à baser les évaluations des enseignant(e)s sur les résultats de leurs étudiant(e)s à des tests standardisés. D'autres questions, telles que les prestations des enseignant(e)s et le gel des augmentations salariales étaient également sur la table. La grève a incité les responsables législatifs et le Maire Rahm Emanuel de Chicago à entamer des négociations immédiates avec le CTU.

Après plusieurs tentatives de négociation infructueuses entre le CTU et les administrateurs/trices scolaires, sur une période de huit mois, la motion de grève a été jugée nécessaire. « Ce n’est pas une façon de mesurer l’efficacité d’un éducateur », a déclaré la Présidente du CTU, Karen Lewis.

Elle a poursuivi en expliquant qu’« il y a de trop nombreux facteurs qui échappent à notre contrôle et qui influencent les résultats de certains étudiants aux tests standardisés, comme la pauvreté, la violence, l’absence de domicile, la faim et d’autres problèmes sociaux ».

La lettre de soutien de l'AFT

L'AFT, représentant 1,5 million de membres, a rapidement émis une lettre de soutien vis-à-vis de son affilié. Dans cette lettre, la Présidente de l'AFT, Randi Weingarten, a déclaré: « L' American Federation of Teachers et ses membres de l'ensemble du pays se tiennent résolument aux côtés du CTU. Nous soutiendrons ses membres dans leurs efforts en vue d'obtenir un accord équitable leur permettant d'offrir les meilleures opportunités possibles à leurs étudiantes et étudiants ».

Elle a ajouté: « Les membres du CTU – ces femmes et ces hommes qui passent chaque journée aux côtés des enfants de Chicago – souhaitent que leur opinion et leur expérience soient respectées et valorisées. Ils veulent être considérés comme des partenaires égaux pour garantir la réussite de chaque étudiant(e) de Chicago. C'est sur cette volonté qu'a reposé la philosophie du CTU tout au long des négociations. Aujourd'hui encore, elle constitue la pierre angulaire de cette grève. Les étudiants, les enseignants, les personnels de soutien à l'éducation, tout comme la ville de Chicago, méritent un système scolaire qui convienne à tous. En fin de compte, voilà l'essence-même de cette grève. »

La solidarité de la NEA

La National Education Association(NEA) a elle aussi manifesté sa solidarité avec le CTU, par le biais d'une lettre de son Président, Dennis Van Roekel: « Au nom des plus de trois millions de membres que compte la National Education Association dans l'ensemble du pays, je souhaite, par cette lettre, témoigner toute ma solidarité à votre égard, ainsi qu'envers vos collègues du Chicago Teachers Union.   Plus de 90 % de vos membres ont participé au vote d'autorisation de la grève. Quel chiffre incroyable!  Ce taux de participation illustre à quel point vos membres ont le souci d'offrir le meilleur environnement qui soit pour l'apprentissage et le développement des étudiants, et nous tenons à vous en féliciter.  Vous êtes en première ligne pour donner aux étudiants les outils nécessaires à leur réussite sur les bancs de l'école comme dans la vie.  Je souhaite de tout cœur que ce problème se résolve rapidement, afin que vous puissiez retourner à ce qui vous est cher: offrir des écoles publiques de qualité aux étudiant(e)s de Chicago. »

La position que le CTU a adoptée pour soutenir ses membres, ainsi que les plaidoyers prononcés en leur nom par l'AFT et la NEA, sont un exemple clair de la façon dont un mouvement syndical enseignant fort peut soutenir la profession enseignante. Cependant, les mouvements ne sont pas les seuls fronts que les syndicats d'enseignants doivent prendre en considération, lorsqu'il s'agit de plaider pour une profession enseignante forte. L'affilié canadien de l'IE, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE), a mis en œuvre des politiques et des actions axées sur sa conviction que  « les syndicats d'enseignants devraient jouer un rôle actif dans la préparation de nouveaux enseignants, tant avant l'entrée en service qu'au début du service ».

La solidarité de l'IE

L'IE tient à exprimer toute sa solidarité envers le CTU et son affilié, l'AFT. « L'IE représente les enseignantes et enseignants du monde entier, et ceux de Chicago doivent être entendus », a dit le Secrétaire général de l'IE, Fred van Leeuwen.  « La sécurité d'emploi des enseignantes et enseignants ne doit pas souffrir de mauvaises réformes de l'éducation. La qualité de l'enseignement dépend d'enseignantes et enseignants de qualité, efficaces, qui ne devraient pas être privés de leurs droits. Les enseignantes et enseignants de Chicago méritent un système d'évaluation juste, ainsi que des salaires et des avantages adéquats. »

Le Canada prend des mesures pour maintenir la profession enseignante

Attirer de jeunes enseignant(e)s est essentiel pour assurer la continuité des services éducatifs. Par ailleurs, l'attrait de la profession enseignante est indubitablement lié aux opportunités qu'auront les jeunes enseignant(e)s de maintenir leurs compétences tout au long de leur carrière professionnelle, sans entrave à leur salaire.

Le soutien indéfectible de la FCE à la profession enseignante

Concernant l'implication de la FCE et de ses affiliés pour préserver l'attrait de la profession enseignante, la Directrice des Communications de la FCE, Francine Filion, a indiqué:

« Au Canada, beaucoup de nos syndicats d'enseignants:

·         participent aux conseils des facultés pour déterminer le contenu des programmes éducatifs des universités;

·         participent aux présentations faites aux enseignantes et enseignants en formation initiale, dans le cadre de leur programme de formation;

·         fournissent des séances d'aide aux enseignantes et enseignants ayant entamé leur première année d'enseignement;

·         sont actifs dans des programmes de mentorat, souvent en partenariat avec les employeurs; et

·         participent à l'élaboration et à la mise en œuvre de programmes d'initiation des enseignantes et enseignants. »

Elle a poursuivi en expliquant que « les syndicats d'enseignants ont un rôle à jouer dans l'élaboration et la dissémination de matériel ressource à propos d'une carrière dans l'enseignement. Toutes les informations doivent renforcer l'image de l'enseignant et de la profession enseignante. Les syndicats d'enseignants sont les défenseurs du développement professionnel continu pour leurs membres. De nombreux événements et conférences à succès visant à maintenir les compétences des enseignantes et enseignants à jour sont organisés par les syndicats d'enseignants eux-mêmes. Certains syndicats d'enseignants canadiens ont des journées de perfectionnement professionnel prévues dans leurs statuts (notamment en Alberta). »

Les syndicats de l'éducation canadiens offrent du soutien au personnel enseignant débutant

En Alberta, au Canada, l'affilié de la FCE, l' Alberta Teachers’ Association(ATA), offre un programme de mentorat aux enseignant(e) débutant(e)s dans le but de les aider à « s'acclimater à la profession et de s'épanouir sur le plan professionnel ». L'Association met du personnel à disposition pour aider les instances scolaires à organiser des programmes de mentorat à l'intention du personnel enseignant débutant. Une des stratégies les plus efficaces consiste à former une équipe avec un(e) enseignant(e) débutant(e) et un(e) enseignant(e) chevronné(e), de la même matière, la même année scolaire ou la même école. En utilisant des stratégies telles que le soutien collégial, la réflexion et l'apprentissage collaboratif, le programme offre aux participant(e)s et aux mentors des opportunités de développement professionnel. L'évaluation du programme montre que tant les participant(e)s que les mentors sont convaincu(e)s que le mentorat, dans le cadre d'un programme complet d'initiation, améliore leur pratique pédagogique et l'apprentissage des élèves ( Alberta Teachers' Association). »« Healthy Interactions Program » de l'ATA

L'ATA soutient également les enseignant(e)s par le biais d'un programme dénommé « Healthy Interactions Program » (Programme d'interactions saines), qui forme tous les personnels de la juridiction sur le plan des compétences nécessaires en communication et en résolution des conflits, pour traiter les plaintes parentales et autres préoccupations. Au terme de ce programme, les participant(e)s jouissent d'une confiance accrue pour traiter ces problèmes.

Le « Healthy Interactions Program » comporte quatre modules différents de mise en œuvre:

1. Comprendre les conflits dans les écoles: Ce module donne aux participant(e)s une meilleure compréhension des conflits et de la résolution des conflits. Le cycle conflictuel est discuté et les participant(e)s identifient les facteurs qui augmentent la résistance à la résolution des conflits. Le conflit principal est séparé des facteurs aggravants. Une formulation fondée sur l'intérêt est utilisée pour définir les intérêts sous-jacents, car cette technique aide souvent à la résolution des conflits.
2. Les compétences en communication: Ce module renforcera les compétences des participant(e)s et leur permettra de développer et de pratiquer de nouvelles compétences en communication pour traiter les conflits.
3. Le processus d'interactions saines: Ce module enseigne aux participant(e)s comment mettre en œuvre un modèle à l'échelle du district pour traiter les problèmes d'une manière cohérente, globale et fondée sur l'intérêt, qui soit juste pour tout le monde.
4. Un esprit de bonne foi:Tous les membres de la communauté doivent savoir que les problèmes sont résolus d'une manière juste, pour répondre aux intérêts de chacun(e). Ce module montre aux participant(e)s comment élaborer un plan de relations publiques à l'échelle du district, en vue d'améliorer les interactions entre toutes les parties.

Programme « Surmonter les défis » de la FEEO

Un autre affilié de la FCE, la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (FEEO), soutient le personnel enseignant débutant par le biais de son programme « Surmonter les défis », une conférence gratuite en ligne pour tous les personnels de moins de cinq ans de carrière. Ce programme offre des ressources téléchargeables, telles que des cours, des présentations d'experts, des liens Internet et bien plus. Des guides à l'usage d'animateurs produits par le club de lecture de la FEEO sont disponibles sur cinq thèmes: « Making Math Happen in the Primary Years, Making Math Happen in the Junior Years, Classroom Beginnings, Teaching for Deep Understanding, and The Class That Reads ».  Ces guides sont utiles aux personnes qui tiennent un club de lecture pour leurs membres durant l'année. La conférence et des informations plus détaillées concernant le programme 2011-2012 sont disponibles ici.

Trousse « A la découverte » de l'AEFO

L'Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), un autre affilié de la FCE, a élaboré une trousse à l'intention du personnel enseignant débutant. Cette trousse, intitulée « A la découverte », offre aux nouveaux/elles enseignant(e)s les informations et conseils professionnels utiles pour les guider durant leurs premières années dans l'enseignement. Elle fournit des suggestions pour gérer la taille des classes, et des directives pour établir de bons rapports, tant avec les élèves qu'avec leurs parents. « A la découverte » informe également les nouveaux/elles enseignant(e)s à propos de l'AEFO, de son fonctionnement et de ses services. De plus amples informations, ainsi que la trousse elle-même, sont disponibles ici.

Enfin, l'affilié de la FCE, le Sasquatchan Teachers’ Union, a établi une longue liste de ressources à l'intention du personnel enseignant débutant. Cette liste est disponible sur son site Internet. Ce matériel a pour but de soulager les nouveaux/elles enseignant(e)s lors de leur éprouvant début de carrière en classe. Parmi les publications disponibles: « Taking Your Place in the Professional Community »—un livret en format PDF à l'intention du personnel enseignant débutant, ou « Creating a Supportive Environment » — un livret à l'intention des administrateurs/trices pour le travail avec le personnel enseignant débutant, entre autres. Toutes ces ressources sont disponibles ici

L'IE soutient l'initiative de la FCE, qui vise à aider le personnel enseignant débutant à s'acclimater à la profession. Chaque enseignant(e) doit avoir une même voix et doit pouvoir compter sur le soutien d'un réseau d'autres enseignant(e)s. Les syndicats de l'éducation devraient également fournir ce réseau et renforcer ces voix. Par le biais de ses efforts, la FCE affirme clairement la force et les capacités d'un syndicat de l'éducation.

Controverse à propos de la rémunération liée au mérite

La rémunération fondée sur le mérite, ou le salaire déterminé par des facteurs liés à la performance, comme c'est le cas des résultats des tests des élèves utilisés comme base pour évaluer les enseignant(e)s de Chicago, est une mauvaise méthode de rémunération, qui est introduite de plus en plus dans les systèmes éducatifs. C'est une façon de « limiter l'efficacité d'un éducateur », comme indiqué précédemment par la Présidente du CTU, Karen Lewis, en rémunérant moins les enseignant(e)s pour faire plus. La rémunération liée au mérite tient les enseignant(e)s responsables de plusieurs facteurs indépendants de leur contrôle, tels que la situation socioéconomique des élèves, les conflits familiaux, ou un environnement d’apprentissage financé de manière inadaptée.

La FCE est fermement opposée au système de rémunération liée au mérite, comme indiqué dans leur règlement 2.4.5 concernant la rémunération (uniquement disponible en anglais):

· teachers should be paid according to a schedule based on qualifications and teaching experience which provides salaries high enough to attract and retain the services of well-qualified professional teachers; and

· teacher compensation should not be based on any "pay for performance" or "merit pay" scheme.

Comme indiqué dans le rapport de la Délégation canadienne au Sommet international sur la profession enseignante, qui a eu lieu à New York, en mars 2011, les recherches effectuées par le Dr. Ben Levin ( Canada Research Chair in Education Leadership and Policy, à l' Ontario Institute for Studies in Education, Université de Toronto) ont montré de manière convaincante que le concept de la rémunération liée au mérite est une approche erronée et inefficace de la rémunération des enseignant(e)s. Le rapport intégral de la Délégation canadienne est disponible ici.

L'IE soutient la position de la FCE, qui considère la rémunération liée au mérite comme un système injuste et insuffisant d'évaluation et de rémunération des enseignant(e)s. Les pratiques d'évaluation injustes qui ont récemment menacé les emplois des enseignant(e)s de Chicago en sont un exemple concret. Les enseignant(e)s devraient être considéré(e)s comme des instruments essentiels pour dispenser à leurs élèves une éducation de qualité. Ils/elles devraient par conséquent être rémunéré(e)s de manière adéquate, de façon à pouvoir exercer leur travail efficacement.

Par Abigail McGinnis, Unité Recherche, Internationale de l'Education (IE)