Réforme de la formation des enseignants en Indonésie:
Le gouvernement s'est tout particulièrement attaché à accroître les performances des étudiant(e)s indonésien(ne)s aux tests internationaux, afin qu'ils atteignent un niveau analogue à celui de leurs voisins et concurrents économiques, tels que la Malaisie et la Chine. De plus en plus, les enseignant(e)s sont tenu(e)s responsables des piètres résultats scolaires des élèves. Le gouvernement a donc concentré son attention sur la remise à niveau du personnel enseignant, ce qui soulève un certain nombre de défis. Le succès d'un système éducatif repose sur la qualité de ses enseignant(e)s et malheureusement, les enseignant(e)s contractuel(le)s sont laissé(e)s pour compte dans l'actuel processus de réforme. Les réformes éducatives en cours sont inadéquates au regard de l'insuffisance de structures dédiées à la formation des enseignant(e)s et de la piètre considération accordée aux besoins de ces derniers/ères. En outre, d'autres facteurs contributifs à la qualité de l'éducation doivent être raisonnablement pris en compte, notamment la provision d'un financement suffisant en faveur d'infrastructures et d'équipements scolaires.
Forte d'une population enseignante de près de 3,6 million et d'environ 50 millions d'élèves répartis dans 250.000 établissements scolaires, l'Indonésie est à la tête d'un des systèmes éducatifs les plus importants et les plus diversifiés au monde, et cette situation a fait émerger un certain nombre de défis. En dépit d'une hausse substantielle des taux d'inscription en primaire et en secondaire au niveau national, de sévères disparités subsistent à l'échelon régional, pas uniquement entre les provinces mais également entre différents quartiers de ces provinces. Les enfants issus de familles à faibles revenus installées dans les régions rurales et reculées, soit les plus pauvres du pays, sont davantage susceptibles d'abandonner leur cursus scolaire en secondaire sans terminer leur éducation de base que les enfants issus de quartiers plus aisés. Selon la Banque mondiale, dans les quartiers les plus pauvres d'Indonésie le taux net d'inscription en primaire s'élève à moins de 60 pour cent. En dépit d'une augmentation régulière des taux net d'inscription dans les établissements secondaire et dans les lycées, ceux-ci restent encore très bas comparés à d'autres pays de la région.
Un avenir incertain
D'ici à 2015, le gouvernement indonésien a l'intention de n'autoriser que les enseignant(e)s accrédité(e)s à enseigner dans les écoles. Au moment de la promulgation de la loi, près des deux tiers des enseignant(e)s ne disposait pas des qualifications nécessaires pour permettre leur accréditation. Il reste donc encore à l'Indonésie un long chemin à parcourir, avant de pouvoir atteindre les standards de qualité visés. Un des affiliés nationaux de l'IE, l'Association des enseignants de la République d'Indonésie (PGRI), a fait remarquer que «le gouvernement a conscience de ce qu'il fait. Plus il y aura d'enseignantes et enseignants qualifiés et accrédités, plus il faudra les rémunérer. C'est la raison pour laquelle il ralenti volontairement le processus.»
PGRI a fait pression sur le gouvernement concernant une hausse des salaires des enseignant(e)s et la revalorisation de leur statut: «les enseignants contractuels ne sont pas membres du PGRI mais nous nous battons pour leur droit à l'accès à des salaires plus élevés. PGRI a proposé une loi en faveur d'un salaire minimum pour tous les enseignants. De nombreux enseignants contractuels enseignent déjà depuis 10-15 ans sans aucune perspective solide de carrière.» Il est peu probable que la restructuration ambitieuse du système éducatif indonésien permette d'atteindre l'objectif de revalorisation et d'accréditation de tous les enseignant(e)s d'ici à 2015. Ceci est du à l'insuffisance du processus de mise en œuvre et des structures en place pour soutenir les enseignant(e)s en quête d'une qualification minimale, en particulier dans les zones rurales et difficiles d'accès où les qualifications des enseignant(e)s sont généralement moins élevées. Les structures actuelles de formation n'offrent pas une capacité suffisante pour permettre une revalorisation des qualifications dans les temps impartis et la qualité des instituts indonésiens de formation des enseignant(e)s ont fait l'objet de sévères critiques. Enfin, les enseignant(e)s contractuel(le)s qui ont été embauché(e)s par les écoles au cours de cette décennie sont exclus du processus de revalorisation, alors qu'ironiquement ce sont eux/elles qui ont le plus besoin d'être formé(e)s.
Des enseignant(e)s contractuel(le)s laissé(e)s pour compte
De nombreux enseignant(e)s contractuel(le)s ont été exclu(e)s du processus relatif à l'accréditation des enseignant(e)s qui vise à encourager ces derniers/ères à mettre à jour leurs qualifications et compétences. En vertu de la Loi n°14 de 2005 relative aux enseignant(e)s, pour devenir un(e) enseignant(e) qualifié(e), il est nécessaire d'assortir l'obtention de l'examen d'accréditation au minimum, par un diplôme d'études postsecondaires de quatre ans. Une fois accrédité(e)s, les enseignant(e)s reçoivent une allocation professionnelle d'une valeur équivalente à leur salaire de base ainsi que des indemnités complémentaires pour enseigner dans des régions reculées. Ils/Elles peuvent ainsi doubler voire tripler leur salaire. Pour participer au processus d'accréditation, il est néanmoins nécessaire de posséder un contrat de travail de vingt quatre heures par enseignant(e), ce qui exclut les enseignant(e)s contractuel(le)s travaillant moins de 24 heures par semaine.
Bon nombre de ces enseignant(e)s contractuel(le)s sont embauché(e)s directement par les écoles en plus du quota d'enseignant(e)s fonctionnaires déjà alloué, qui permet généralement de ne couvrir que les départs en retraite. Les enseignant(e)s contractuel(le)s acceptent ces postes dans l'espoir d'être titularisé(e)s, mais bon nombre d'entre eux/elles travaillent à mi-temps depuis dix ans ou plus. Par ailleurs, il existe peu de dispositifs institutionnels destinés à soutenir les enseignant(e)s embauché(e)s par les écoles. Un représentant de la Banque mondiale a noté que «pour obtenir leur certification, les enseignants doivent être qualifiés...or, le pays étant très vaste, les enseignants sont largement dispersés à travers tout le territoire. Ainsi, la possibilité pour les enseignants travaillant dans les régions reculées de se remettre à niveau et d'obtenir leur accréditation est infime »(Jakarta, octobre 2010). Pour les enseignant(e)s contractuel(le)s doté(e)s d'un diplôme d'études secondaires ou moins, atteindre le niveau minimum de qualification requis et participer au processus d'accréditation n'est tout simplement pas une option: accès limité aux dispositifs de formation, incapacité à financer des programmes de remise à niveau de plus en plus dispensés par des universités privées, partage de contrats à temps plein comme mentionné ci-dessus, emploi dans des écoles à multi-niveaux en manque de personnels et impossibilité de s'absenter de la classe pour participer à des programmes de développement professionnel.
Une application défaillante de la Loi relative aux enseignant(e)s
Il n'est pas surprenant qu'au cours de ces dernières années, dans la lignée des tendances mondiales en matière de politiques d'éducation, le Gouvernement indonésien ait commencé à imputer les résultats médiocres des élèves indonésien(ne)s à l'aptitude des enseignant(e)s à dispenser une « véritable éducation ». Les réformes ambitieuses telles que la Loi n°14 de 2005 relative aux enseignant(e)s, et le projet (BERMUTU) soutenu par la Banque mondiale en faveur d' «une meilleure éducation par le biais d'un système de gestion réformé et d'une revalorisation universelle »ont été mis en œuvre à travers le pays avec pour objectif général « l'amélioration de la qualité et des résultats »des enseignant(e)s indonésien(ne)s. Toutefois, ces réformes n'ont pas nécessairement contribué à rehausser la qualité de l'éducation. Ceci, en raison à la fois de l'application inadéquate des réformes dont il a été question et du manque d'attention accordé aux autres facteurs contributifs à la qualité de l'éducation.
Pour bon nombre d'enseignant(e)s indonésien(ne)s, l'augmentation des salaires constitue un incitatif majeur pour motiver une procédure d'accréditation, même si beaucoup d'entre eux/elles doivent d'abord obtenir les qualifications minimales et c'est bien en cela que réside le plus grand défi. Lors de la première mise en application de la loi, le gouvernement avait estimé que seulement seize pour cent des enseignant(e)s en poste dans le primaire étaient admissible à la certification; plus de 25 pour cent des enseignant(e)s embauché(e)s détenaient un diplôme de fin d'études secondaires ou moins, et beaucoup n'avaient pas encore atteint le niveau minimum requis avant la promulgation de la loi, à savoir un diplôme universitaire de deux années d'études. Avec l'application de la Loi n°14 relative aux enseignant(e)s, la question des enseignant(e)s non qualifié(e)s s'est étendue et le nombre d'enseignant(e)s devant faire l'objet d'une remise à niveau équivalente à un cycle d'études d'au moins quatre ans a été estimé à environ un million.
En 2010, quatre ans après la promulgation de cette loi, un nombre limité d'institutions et d'universités en charge de la formation des enseignant(e)s en Indonésie furent en mesure de procéder à l'accréditation des enseignant(e)s; la majorité de ces établissements ne disposant que d'une capacité limitée pour pouvoir dispenser la formation requise, telle que stipulé par la Loi n°14. La Direction générale en charge de l'amélioration de la qualité des enseignant(e)s et des personnels d'éducation ainsi que la Banque mondiale ont abordé la question de la piètre qualité des instituts de formation des enseignants d'Indonésie et du manque de suivi de leurs programmes. Le recteur de l'Université de Jakarta a observé que « de nombreux instituts chargés de la qualification des enseignantes et enseignants sont de qualité médiocre. Afin d'accélérer le processus de revalorisation et d'accréditation, le gouvernement a tenté d'accroitre le nombre d'universités qui délivrent les certifications aux enseignantes et enseignants. Cependant, il est peu probable que l'objectif fixé à 2015 soit atteint. Au vu du nombre actuel d'établissements, cela prendra jusqu'en 2029. »
En outre, du fait de l'étendue de l'archipel Indonésien, de nombreux/euses enseignant(e)s travaillant dans de petites écoles situées dans les zones rurales les plus reculées sont hors de portée des instituts de formation des enseignant(e)s. La formation à distance a procuré une alternative aux enseignant(e)s de ces régions par le biais de l'Université ouverte ( Universitas Terbuka), dans le but d'honorer les exigences de la Loi n°14 en termes de qualification et d'accréditation. Toutefois, ces programmes doivent aussi bénéficier d'une révision fondamentale de leurs cours dédiés à la formation des enseignant(e)s. Enfin, le dispositif d'accréditation qui suit la qualification repose largement sur un processus d'examen du portefeuille, lequel a fait l'objet de sévères critiques car jugé insuffisant et sujet à la manipulation. Cette situation soulève donc la question de l'efficacité d'un tel processus au regard de l'amélioration des compétences des enseignant(e)s et du risque manifeste qu'il présente de compromettre la qualité plutôt que de l'améliorer. « Le processus d'accréditation tirerait profit de la substitution de l'examen du portefeuille des enseignantes et enseignants (souvent constitué de falsifications édifiantes) et d'une attention plus accrue accordée au processus de formation »,a ajouté le Recteur de l'université de Jakarta.
Une répartition inégale du personnel enseignant
En Indonésie, la majorité des enseignant(e)s ne possède pas les qualifications minimales requises par le Ministère de l'Education et le nombre d'enseignant(e)s contractuel(le)s en poste à travers le pays est estimé à environ 600.000. Ces derniers sont essentiellement présents dans les écoles les plus reculées du pays, c'est à dire dans les provinces et quartiers qui ont le plus besoin d'une hausse des investissements dans l'éducation. Beaucoup de ces enseignant(e)s contractuel(le)s perçoivent environ un dixième du salaire d'un(e) enseignant(e) ordinaire (soit parfois moins de 5 euros par mois). Bien qu'en Indonésie le ratio enseignant-élèves soit généralement assez bas, la répartition des enseignant(e)s de qualité à travers le territoire est grandement inégale. En conséquence, les régions les plus reculées comptent un nombre important d'écoles regroupant plusieurs niveaux d'enseignement. Les efforts visant à traiter la pénurie d'enseignant(e)s de qualité par le recrutement d'enseignant(e)s contractuel(e)s ont entrainé une offre excédentaire de soi-disant «enseignant(e)s», qui pour la plupart ne possèdent pas les qualifications adéquates ou sont contraints de partager leurs contrats à temps plein avec d'autres.