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Résolution sur les dangers de la privatisation des écoles publiques

Publié 22 juillet 1995 Mis à jour 31 mars 2017

Le premier congrès mondial de l'Internationale de l'Education réuni à Harare (Zimbabwe) du 19 au 23 juillet 1995:

1. Note que plus spécialement depuis les années 80, un fort courant s'est manifesté en faveur de la privatisation de certains secteurs d'activités économiques traditionnellement confiés aux services publics, sous l'impulsion de certains gouvernements et des institutions financières internationales; 2. Note que ce mouvement en faveur de la privatisation, justifié le plus souvent par la nécessité d'obtenir de meilleurs résultats économiques dans le cadre de la compétition internationale, n'a pas toujours répondu aux espoirs escomptés; 3. Note que certains gouvernements et la plupart des institutions financières internationales ouhaitentmaintenant poursuivre ces politiques de privatisation dans les secteurs sociaux, comme la santé, l'éducation des jeunes et la formation des adultes, en mettant en place des structures concurrentielles et des mécanismes de marché afin d'améliorer, selon eux, l'efficacité de ces services, mais qui suscitent une profonde interrogation chez les personnels d'éducation et leurs syndicats; 4. Note un profond trouble parmi les utilisateurs des services publics, y compris d'éducation, causé par:

a. la montée du chômage et de la pauvreté, y compris dans de nombreux pays industrialisés,

b. l'augmentation de l'inquiétude des jeunes et de leurs familles devant l'incertitude de leur avenir notamment sur le plan professionnel,

c. les graves accusations d'inefficacité des services publics exagérées à dessein par des médias trop complaisants aux intérêts économiques des promoteurs des politiques de privatisation, suscitent un profond trouble parmi les utilisateurs des services publics, y compris d'éducation.

Le Congrès affirme:

5. Qu'il reste profondément attaché aux notions de solidarité et de justice sociale et qu'appliqués au secteur de l'éducation ces deux principes impliquent, tout d'abord, l'égal accès de tous les jeunes, sans aucune discrimination, à une éducation gratuite et obligatoire; ensuite, des chances égales pour tous les jeunes de poursuivre des études au-delà de la scolarité obligatoire dès l'instant où ils en ont les aptitudes intellectuelles sans considération des possibilités financières de leurs familles; enfin, l'accès à des cours de rattrapage et de remise à niveau pour ceux qui rencontreraient des difficultés passagères dues à des handicaps physiques ou sociaux;

6. Qu'il reste également profondément attaché à la nécessité de dispenser une éducation démocratique, respectueuse des droits de la personne humaine, qui favorise la compréhension des autres cultures permettant en conséquence la réduction et même la suppression des conflits d'origine ethnique, raciste et religieuse dans des sociétés interculturelles plus prononcées, en proie actuellement à de grandes difficultés économiques et sociales;

7. Que le service public d'éducation, qui connait heureusement dans un certain nombre de pays des réussites spectaculaires mais dont il convient de toujours améliorer le fonctionnement, constitue un ensemble de structures permettant d'accueillir réellement l'ensemble des jeunes, sans discrimination de sexe, de religion, de culture et de niveau social et que, par là même, le service public d'éducation constitue un creuset d'accueil de tous les jeunes, au-delà des différences d'opinion de leurs parents qui les prépare réellement à vivre ensemble, à se respecter, à mieux se comprendre et à s'enrichir de leurs éventuelles différences;

8. Qu'à l'opposé, la privatisation du service public d'éducation qui implique une certaine concurrence entre es établissements scolaires, présente le danger de placer les jeunes dans des écoles séparées, organisées sur des bases sexistes, religieuses, culturelles, sociales et linguistiques et d'exacerber les différences au lieu de les réduire, et de préparer ainsi des sociétés où les risques d'incompréhension, d'intolérance et de conflits seront loin d'être négligeables;

9. Qu'il y a privatisation chaque fois, par exemple, que la détermination des structures et programmes des établissements scolaires; la nomination et le contrôle des personnels ainsi que le paiement de leurs salaires, la construction et l'entretien des bâtiments scolaires, l'achat du matériel scolaire, sont confiés à des personnes ou à des groupes de personnes qui n'agissent pas au nom de structures élues nationalement, régionalement ou localement et que les moyens financiers d'investissement et de fonctionnement sont majoritairement d'origine privée;

10. Que, par nature, la privatisation d'une activité économique ou de service implique l'idée de profit pour les investisseurs et que c'est méconnaître ou refuser de reconnaître les mécanismes de l'économie libérale que de considérer que ceux qui seraient susceptibles d'investir dans une certaine forme de privatisation de l'éducation ne chercheront pas à dégager légitimement des profits, comme pour tout autre investissement de caractère industriel ou commercial;

11. Que le dégagement de profit dans de tels systèmes d'éducation réduirait d'autant les fonds disponibles pour l'amélioration de la qualité de l'éducation;

12. Que la privatisation partielle ou totale des services d'éducation n'entraîne pas des coûts moindres que dans le service public, si sont pris en compte financièrement tous les services annexes, indispensables au bon fonctionnement des établissements scolaires, comme la formation continue des maîtres, les services de soutien aux élèves en difficulté, l'entretien des bâtiments scolaires, etc;

13. Que, dans ces conditions, l'acte d'éducation évoluera d'un concept de service gratuit ou quasi gratuit offert à tous au sein d'une société à un concept de produit qui sera vendu et acheté, et dont le contenu sera plus fonction de la demande du marché, de la publicité et des modes, que reposant sur les valeurs et les principes auxquels toute société démocratique est attachée.

Rôle de l'Internationale de l'Education: L'IE devrait:

14. Poursuivre ses recherches, en étroite collaboration avec d'autres secrétariats professionnels internationaux (SPI) et avec la CISL, pour déterminer les conséquences des politiques de privatisation qui peuvent déjà être observées dans des secteurs de service, comme les télécommunications, les banques, la santé et les transports;

15. Devrait développer des études comparatives sur l'organisation, le recrutement, la nature des élèves accueillis, les conditions de travail et l'efficacité de l'enseignement sur un échantillon significatif d'écoles privées et d'écoles publiques; 16. Poursuivre le travail de persuasion à tous les niveaux en démontrant que le service public d'éducation est le plus souvent efficace contrairement aux affirmations de nombreux milieux patronaux et gouvernementaux et des institutions financières internationales, et que son efficacité peut certes être encore accrue par des politiques systématiques de partenariat, aux niveaux international, national, régional et local.