Résolution sur l'éducation pour tous et la lutte contre l'analphabétisme
Le deuxième congrès mondial de l’Internationale de l’Education réuni à Washington D.C. (Etats-Unis) du 25 au 29 juillet 1998 :
Estime que :
1. L’éducation constitue un droit humain comme cela est exprimé dans les conventions et recommandations internationales, dont la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Convention relative aux droits de l’enfant. Les gouvernements doivent prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir que non seulement les enfants, mais tout individu puisse bénéficier de ce droit.
2. Un aspect important du droit à l’éducation est le droit d’apprendre à lire et à écrire et à une éducation de base. Être alphabétisé est une condition indispensable pour pouvoir participer au monde actuel. L’alphabétisation aide l’individu à participer à différents aspects de la vie en société et va lui permettre de remplir plus aisément ses obligations en qualité de citoyen au sein d’une société démocratique et de lutter pour ses droits. L’alphabétisation permet à l’individu de trouver plus facilement un emploi et d’être plus compétent dans n’importe quel domaine.
3. Un degré élevé d’alphabétisation constitue un élément prépondérant pour garantir le développement de la démocratie et la croissance économique au sein de chaque société. Il constitue également un élément important en ce qui concerne le pouvoir des femmes dans la société.
4. L’éducation constitue un investissement fondamental pour un avenir meilleur. Il a été démontré que l’éducation profite à la société dans son ensemble ; les frais qu’elle engendre doivent, pour cette raison, être supportés collectivement par le secteur public et non par les individus. Des analyses économiques indiquent également la corrélation qui existe entre un niveau élevé de dépenses publiques affectées à l’éducation par une société donnée et le taux élevé des profits que celle-ci peut en retirer.
Note que :
5. Malgré les mesures prises suite au programme adopté conjointement par l’UNESCO, l’UNICEF, la Banque mondiale et le PNUD lors de la Conférence de Jomtien relative à l’Education pour tous organisée en 1990, 23% de la population mondiale demeure encore analphabète.
6. Le taux estimé d’alphabétisation des femmes au niveau mondial est toujours plus bas que celui des hommes (71% contre 84%).
7. Le taux d’analphabétisme est plus élevé au sein de groupes comme les minorités ethniques, les populations autochtones, les immigrés, les nomades, les populations rurales et les populations vivant dans des régions retirées qu’au sein d’autres groupes sociaux.
8. L’accès à l’éducation dès la petite enfance aidera l’enfant à développer ses capacités d’apprentissage et facilitera l’apprentissage tout au long de sa vie.
9. Il existe encore à l’heure actuelle divers pays du monde où plus de 50% de la population est analphabète. La plupart de ces pays comptent parmi les pays les plus pauvres du monde.
10. L’analphabétisme ou un niveau trop bas d’alphabétisation ne représente pas exclusivement un problème pour les pays en voie de développement. En effet, un rapport récent de l’OCDE indique que plus de 20% des adultes vivant dans certains des pays les plus riches du monde sont incapables de lire et d’écrire, sauf au niveau le plus élémentaire.
11. Si l’idée de l’éducation tout au long de la vie doit devenir une réalité pour tous, sa concrétisation nécessitera néanmoins que chaque individu possède des compétences suffisantes lui permettant de participer à différents types d’éducation et de formation. L’acquisition des connaissances de base à un âge précoce ouvre à l’individu, plus tard dans sa vie, de nouvelles possibilités en matière d’emploi et d’éducation.
12. La seule action à long terme qui éliminera l’analphabétisme est la mise à disposition de tous les enfants, d’une éducation de grande qualité, gratuite et obligatoire. De plus, il faut cependant reconnaître que, dans de nombreux pays, d’importants groupes d’adultes n’ont jamais eu la chance d’apprendre à lire et écrire. Pour ceux qui n’ont jamais eu l’occasion d’aller à l’école ou qui n’ont pas réussi leurs études, il est nécessaire de trouver des solutions d’urgence pour leur offrir une seconde chance. L’enseignement pour adultes est crucial dans ces circonstances.
Recommande que:
13. Les gouvernements doivent accroître leurs investissements au bénéfice de l’éducation afin de garantir l’éducation de base pour tous et d’éliminer l’analphabétisme. Ces investissements doivent, à la fois, être orientés vers l’éducation de base et vers l’enseignement pour adultes. De plus, les gouvernements devraient établir un calendrier de travail en vue d’assurer la mise en œuvre de tels mécanismes et garanties.
14. Tous les enseignants doivent recevoir une formation axée sur différentes méthodes d ’enseignement de la lecture et de l’écriture. Les enseignants qui enseignent les langues doivent bénéficier d’une formation initiale d’enseignement en profondeur et de qualité ainsi que d’une formation continue afin d’améliorer leurs compétences en matière d’enseignement de la lecture, de l’écriture, de l’observation, du langage parlé et de l’écoute et pour recevoir les informations relatives aux progrès enregistrés dans ce domaine.
15. Les gouvernements doivent garantir que des ressources appropriées soient fournies à tous les étudiants, à la fois aux enfants et aux adultes; ces ressources comprennent l’accès aux bibliothèques et aux services en ligne.
16. L’IE doit développer des relations de partenariat ou de soutien aux ONG et aux syndicats qui travaillent avec des adultes dans des domaines où les gouvernements n’assument par leurs responsabilités. Là où des programmes performants soutiennent le développement de l’alphabétisation dans les communautés ou dans les environnements de travail, l’IE et/ou ses organisations membres devraient plaider pour un soutien approprié par les gouvernements afin d’assurer les arrangements transitionnels lorsque l’ONG se retire et la durabilité en ce qui concerne dans un contexte de financement publique de ’éducation des adultes.
17. Les gouvernements ont un rôle important à jouer au niveau de la coordination des différentes activités éducatives. Si une vue d’ensemble des politiques menées dans les différents secteurs de l’éducation qui, par ailleurs, oriente elle-même les efforts dans la bonne direction est inexistante, il y a risque de gaspillage de ces efforts. Il est dès lors essentiel de mettre en place une politique gouvernementale cohérente et complète qui touche tous les niveaux et secteurs de l’éducation.
18. Les gouvernements doivent prendre des mesures visant, d’une part, à accroître le taux d’inscription des filles dans l’enseignement de base et, d’autre part, à garantir que l’enseignement pour adultes joue un rôle important en offrant la possibilité aux femmes qui n’ont pu bénéficier d’aucune éducation ou d’une éducation insuffisante pendant leur enfance, d’améliorer leurs connaissances. La recherche démontre que lorsque le degré d’alphabétisation des femmes augmente, il existe une correlation directe avec la qualité des soins de santé dans la communauté.
19. Les gouvernements peuvent jouer un rôle essentiel en remédiant au problème des groupes tels que les immigrés, les réfugiés, les populations autochtones et les minorités ethniques qui ont moins bénéficié d’une éducation que d’autres groupes sociaux. Il est important que ces groupes puissent déterminer le type d’éducation qu’ils vont recevoir pour qu’elle soit adaptée aux individus concernés et disponible dans leur langue maternelle. Par ailleurs, il est important que cette éducation soit appropriée à leur culture.
20. Les gouvernements, les organisations intergouvernementales, les instituts de recherche et autres organisations qui travaillent dans le secteur de l’éducation doivent garantir que les connaissances relatives au processus de développement de l’alphabétisation soient comprises et appliquées.
21. Il faut reconnaître que la manière la plus efficace de promouvoir l’alphabétisation et de favoriser les inscriptions dans l’enseignement primaire et d’atteindre l’objectif de l’éducation de base pour tous les enfants.
22. Le développement du secteur de l’enseignement pour adultes ne peut pas, comme dans certains pays, dépendre exclusivement de travailleurs bénévoles ; il y a également un nombre croissant d’enseignants et d’employés à d’autres postes qui travaillent à temps plein au service de l’enseignement pour adultes. Afin de garantir la qualité de l’enseignement pour adultes, il est important que ces enseignants et employés aient la possibilité d’évoluer professionnellement et que leurs conditions de travail soient adaptées en conséquence. Les enseignants et employés du secteur de l’éducation pour adultes doivent recevoir la reconnaissance morale et matérielle appropriée au niveau de leurs qualifications et responsabilités et bénéficier de salaires comparables à d’autres professions qui exigent le même niveau de qualifications et de responsabilités. Ils doivent avoir le droit d’être consultés et de participer au processus de formulation des politiques à mener en matière d’éducation.
L'IE devrait :
23. Coopérer avec l’UNESCO, l’UNICEF, la Banque mondiale et le PNUD dans sa tentative de mise en œuvre du programme Education pour tous, adoptée conjointement par ces organisations intergouvernementales.
24. Promouvoir et parrainer, en collaboration avec l’UNESCO, l’UNICEF et les organisations membres dans les pays concernés, les cours d’alphabétisation destinés aux enfants, aux adultes et aux groupes défavorisés, ainsi que le développement et la diffusion des matériels d’enseignement.
25. Promouvoir et parrainer des séminaires en coopération avec l'UNESCO et l'OIT en insistant plus particulièrement sur l'égalité des conditions d'accès de tous à l'enseignement; intervenir avec le TUAC auprès de l'OCDE dans ce sens et faire valoir auprès de la Banque Mondiale les positions de l'Internationale de l'Education qui s'oppose à la privatisation et à la déréglementation.