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Résolution sur éduquer dans une économie mondialisée

Publié 28 juillet 2001 Mis à jour 31 mars 2017

Préambule

1. L'éducation est la clé pour la participation à l'économie mondialisée du 21ème siècle. L'économie mondialisée est basée sur la révolution technologique dans les communications et la transmission d'informations ainsi que sur des changements importants dans la production, le transport et la distribution, mais aussi la valeur économique de la connaissance. Cette économie mondialisée est basée sur des niveaux de mobilité sans précédent dans l'histoire de l'humanité - la mobilité de l'information, des finances, des biens et des services, des personnes, mais également la mobilité des maladies, des crimes, des armes et des instruments de répression. L'écart entre la richesse et la pauvreté au sein des différents pays et entre ceux-ci est plus grand que jamais. Dans cette nouvelle ère d'opportunités et de menaces, chacun des principaux objectifs de l'Internationale de l'Education est plus pertinent que jamais pour bâtir des sociétés équitables et justes pour tous les citoyens, qui respectent les valeurs universelles de la démocratie et des droits humains et dont le développement social et économique sera équitable et durable. Dans chaque pays cette économie mondialisée cherche à réduire en permanence le coût du travail et met en cause le droit à l'éducation et à la qualification.

Le développement de systèmes d'enseignement supérieur de qualité dans les pays en développement (en parallèle à l'expansion de l'enseignement primaire, secondaire et professionnel) est un prérequis pour la formation des spécialistes nécessaires au développement économique et social, ainsi que pour la formation des ressources humaines au sein du secteur de l'éducation dans son ensemble;

2. L'éducation a toujours reflété et été influencée par les changements dans l'économie et dans la société, tout en étant également un acteur de ces changements. La relation entre l'éducation, l'économie et la société est interactive. Au moment où ont lieu des changements rapides et fondamentaux dans l'économie et dans la société, l'éducation doit faire face à de nouveaux défis d'envergure, tels que :

a. réaliser l'Education pour Tous;

b. faire de l'apprentissage tout au long de la vie une réalité pour tous;

c. réaffirmer les valeurs de l'éducation en liaison avec le développement personnel, le monde du travail et les droits et responsabilités des citoyens dans les sociétés démocratiques;

d. repenser le contenu et les méthodes pédagogiques, tenant compte du potentiel et des conséquences des nouvelles technologies;

e. recruter suffisamment de personnel qualifié dans le secteur de l'éducation;

f. définir le rôle clé de l'enseignant en tant que spécialiste de la proposition et de la gestion des opportunités d'apprentissage;

g. interagir avec un groupe plus large de partenaires, de parents et de communautés locales, de syndicats et d'entreprises, et d'organisations non-gouvernementales.

3. L'économie mondialisée présente également des menaces pour l'éducation, telles que:

a. la commercialisation des services d'éducation, entraînant le risque d'injustice, de discrimination et de l'élargissement du fossé numérique;

b. le non-respect de la diversité culturelle, des traditions et des langues;

c. l'introduction, sous prétexte d'une "réforme", d'une "culture d'entreprise" basée sur l'intérêt personnel, risquant de porter atteinte aux valeurs éthiques de l'éducation et de la profession enseignante;

d. une considération réduite pour les valeurs sous-jacentes à la démocratie et une attention croissante pour les valeurs de la compétition et du marché;

e. des solutions irréfléchies aux nouveaux défis, telles que le recrutement de personnel non qualifié ou le recrutement d'enseignants des pays du Sud en faveur des pays du Nord;

f. des changements dans le rôle de l'Etat, qui accorderait plus d'importance aux réglementations qu'aux garanties d'équité et de non-discrimination.

4. D'énormes fonds publics sont débloqués pour encourager le développement de l'enseignement en ligne, et la promesse d'un enseignement par le biais des nouvelles technologies est utilisée pour refuser de satisfaire les légitimes revendications en matière de construction ou de réhabilitation des bâtiments scolaires et le recrutement d'enseignants et de personnels de toutes catégories.

De plus en plus, les étudiants se voient privés de leur droit aux études en étant contraints de suivre des cours sous forme électronique et de suivre des vidéo-conférences au lieu de vrais cours. Les institutions universitaires essayent de s'approprier les droits des enseignants en matière de propriété intellectuelle et ont le projet de vendre leurs cours à d'autres universités, à des entreprises, et à des particuliers. Cela conduit à la privatisation des établissements d'enseignement et à l'apparition d'entreprises spécialisées.

Le troisième Congrès mondial de l'Internationale de l'Education, réuni à Jomtien, Thaïlande, du 25 au 29 juillet 2001:

5. lance un appel à tous les gouvernements en vue de :

a. établir, d'ici décembre 2002, des plans d'action nationaux concernant l'Education pour Tous, au moyen de procédés transparents et démocratiques basé sur le développement et l'amélioration du service public d'éducation et intégrant les différents partenaires, en particulier les syndicats du secteur de l'éducation, les parents, les étudiants et les ONG actives dans le secteur de l'éducation;

b. ratifier et mettre œuvre la Convention de l'OIT adoptée en juin 1999, interdisant les pires formes de travail des enfants, dans la perspective de l'élimination définitive de toutes les formes d'exploitation des enfants;

c. tout mettre en œuvre pour que les décisions des conférences de Jomtien et de Dakar sur l'Education pour Tous entrent concrètement dans les faits;

d. mettre sur pied une procédure de consultation avec les différents partenaires de la réforme éducative;

e. entreprendre des démarches, en consultation étroite avec les syndicats du secteur de l'éducation, concernant le recrutement d'un nombre suffisant d'enseignants et de personnel de l'éducation qualifiés;

f. entamer des négociations avec les syndicats du secteur de l'éducation afin d'améliorer le statut de la profession enseignante;

g. prendre les décisions politiques nécessaires afin d'assurer un financement suffisant au secteur de l'éducation, à tous les niveaux. Un minimum de 6 % du Produit national brut (PNB) devrait être consacré à ce financement;

h. créer une taxe sur les transactions financières (dite taxe Tobin) afin de combattre la spéculation et l'instabilité financières, tout en permettant de dégager des moyens de financement nouveaux pour les systèmes éducatifs des pays en développement;

6. lance un appel aux pays membres de l'OCDE en vue de:

a. mettre en œuvre les propositions des Sommets du G8 et les compléter pour aboutir à l'annulation totale de la dette publique des pays les moins développés, à condition que les fonds ainsi libérés soient réattribués par ces pays aux secteurs de l'éducation et de la santé;

b. élever le niveau de l'aide publique au développement à 0,7 % du PNB, et donner priorité à la réalisation des objectifs de la campagne sur l'Education pour Tous et aux dispositions concernant la santé de base de toutes les familles;

c. accorder une attention particulière aux programmes de coopération concernant la formation des enseignants dans les pays en développement, et respecter les intérêts de ces pays lors du recrutement d'enseignants.

7. lance un appel aux Nations Unies, à ses agences et ses programmes spécialisés , et à d'autres agences intergouvernementales en vue de:

a. coordonner leurs efforts en faveur de la réalisation des objectifs de la Déclaration de Dakar - l'éducation pour tous d'ici 2015;

b. profiter du Sommet mondial sur le développement durable (Rio+10, Johannesburg 2002) pour mettre l'accent sur l'éducation de base comme instrument primordial pour faire face à des problèmes planétaires comme la détérioration de l'environnement, la croissance démographique et le gaspillage « consumériste »;

c. agir pour que dans le cadre du protocole de Kyoto des mesures concrètes et contraignantes, soumises à un régime de surveillance efficace soient prises dans les meilleurs délais;

d. mobiliser les efforts de la communauté internationale afin de trouver les fonds nécessaires pour la réalisation de ces objectifs;

e. respecter la Déclaration de l'OIT relative aux Principes et Droits Fondamentaux au Travail par le biais de tous les systèmes des Nations Unies et autres agences intergouvernementales;

f. travailler conjointement avec le mouvement syndical, les entreprises et les organisations de la société civile sur des questions émanant de l'érosion de l'assiette de l'impôt national, ainsi que sur des approches nouvelles concernant le financement des besoins dans une économie mondialisée;

g. donner la priorité à un investissement équilibré à tous les niveaux de l'enseignement sans recourir à une redistribution des fonds d'un secteur de l'éducation vers un autre;

8. Le Congrès recommande à l'IE et à ses organisations membres qu'elles :

a. poursuivent la campagne mondiale pour une éducation publique de qualité pour tous, en coopération avec leurs partenaires non-gouvernementaux et intergouvernementaux, ainsi que la campagne contre le travail des enfants;

b. prennent toutes les initiatives au niveau national, régional et international, afin de défendre et améliorer le système public d'éducation, garantissant la liberté pédagogique de l'enseignant, conformément à la recommandation conjointe OIT/UNESCO de 1966 et les droits des jeunes et des adultes à une formation initiale et à une formation continue dignes de ce nom, et qu'elles soient des interlocuteurs reconnus par les responsables politiques de l'éducation;

c. plaident, au moyen d'interventions auprès des agences intergouvernementales et des gouvernements nationaux et de campagnes destinées à l'opinion publique, en faveur d'un concept d'éducation de qualité pour tous donnée par des éducateurs motivés et basée sur le développement personnel d'hommes et de femmes libres et capables de contribuer à la société sans simplement être des unités de production;

d. s'opposent en principe à la marchandisation de l'éducation et de la recherche par l'OMC et l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), et surveillent de très près toute manoeuvre d'application de l'AGCS à l'éducation et à la recherche, et se mobilisent contre de telles manoeuvres de façon adéquate, incluant des campagnes de sensibilisation de l'opinion publique;

e.

f. prennent part à la recherche et aux échanges d'informations concernant les conditions et les tendances dans l'éducation et l'enseignement;

g. effectuent une analyse de l'impact de la mondialisation de l'économie sur les droits d'auteurs et les questions liées à la propriété intellectuelle concernant les enseignants, les normes du matériel pédagogique, y compris les logiciels éducatifs, et le respect de la diversité culturelle.

h. promeuvent la solidarité permanente parmi les organisations membres de l'Internationale de l'Education par le biais de l'aide au développement et l'aide dans des situations d'urgence, la mobilisation contre les violations des droits humains et syndicaux, et l'extension des technologies de l'information et de la communication.

i. accordent la priorité au renforcement de l'activisme des organisations membres pour leur permettre de réagir aux menaces envers l'éducation publique que représentent l'économie néo-libérale et les politiques en matière d'éducation préconisées par les institutions internationales, notamment la Banque mondiale, le FMI et l'OMC. Il est urgent de développer de nouveaux programmes en matière de droits humains et syndicaux et de prévoir des dispositions publiques de services communautaires de haute qualité, tels que l'éducation;

j. développent le rôle-clé de l'IE en tant que soutien aux organisations membres pour qu'elles fassent une campagne plus efficace par le biais d'activités d'éducation et de mobilisation des membres, et facilitent la formation d'alliances avec des ONG et d'autres mouvements communautaires partageant les objectifs de l'IE;

k. mettent l'accent sur la requête principale d'exclure l'éducation et autres les services sociaux élémentaires des accords auxquels les nouveaux gouvernements nationaux peuvent aboutir dans le cadre de l'AGCS ou des accords commerciaux bilatéraux et régionaux.