Résolution sur un nouvel instrument international pour l'enseignement supérieur
Préambule
1. L'enseignement supérieur a depuis longtemps eu une portée internationale. En tant qu'enseignants et chercheurs, nous reconnaissons que la communication, l'échange d'idées et d'informations, la collaboration et l'échange de personnel et d'étudiants à travers les frontières, sont essentiels pour le développement de l'enseignement supérieur et de la recherche, et devraient être encouragés.
2. La recommandation de l'UNESCO concernant le statut du personnel enseignant de l'enseignement supérieur, demande de stimuler la “coopération universitaire internationale au-delà des barrières nationales, régionales, politiques, ethniques ou autres, qui s'efforce d'empêcher l'exploitation scientifique et technologique d'un État par un autre et qui favorise le partenariat sur un pied d'égalité entre les communautés universitaires du monde entier en vue de di?user et de mettre à pro?t la connaissance et de préserver le patrimoine culturel.”
3. La Déclaration universelle des droits de l'homme affirme que “toute personne a droit à l'éducation et que l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite”. En tant que droit humain, l'enseignement supérieur ne doit pas être traité comme une simple marchandise économique, mais comme un bien public qui doit être fourni de manière équitable et sur une base non commerciale.
4. La Convention des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels demande aux Etats d'assumer pleinement la responsabilité qui leur incombe de financer l'éducation et stipule: “L'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous de la même manière, sur la base de la capacité, par tous les moyens appropriés, et notamment par l'introduction progressive d'un enseignement gratuit.”
5. La recommandation de l'UNESCO concernant le statut du personnel enseignant de l'enseignement supérieur cherche également à promouvoir l'emploi et les droits académiques des enseignants des écoles supérieures en: donnant un aperçu des droits, libertés, obligations et responsabilités du personnel enseignant de l'enseignement supérieur; en identifiant les conditions nécessaires à un enseignement, une érudition et des recherches efficaces (telles que sécurité de l'emploi, évaluation, procédures disciplinaires et de licenciement, salaires, charge de travail et sécurité sociale); et en établissant les droits et obligations des institutions d'enseignement supérieur.
Le 4e Congrès mondial de l'Internationale de l'Education, réuni à Porto Alegre Brésil, du 22 au 26 juillet 2004:
Affirme:
6. L'internationalisation continue de l'enseignement supérieur devrait être basée sur la coopération et les échanges, plutôt que sur la concurrence et le commerce. Elle devrait promouvoir la diversité et l'entente culturelles et linguistiques, élargir les opportunités éducatives et l'accès à l'enseignement, enrichir l'expérience éducative des étudiants et du personnel, faciliter le développement international, et renforcer la libre-circulation et l'échange de connaissances et d'idées.
7. La vision de l'IE de l'internationalisation de l'enseignement supérieur est, dès lors, fondamentalement différente du processus actuel de mondialisation et de commerce. L'application des principes commerciaux à l'enseignement et l'intensification de la libéralisation commerciale transforment de façon radicale l'environnement international pour les institutions, le personnel et les étudiants de l'enseignement supérieur. Les accords commerciaux multilatéraux, régionaux et bilatéraux, parfaitement illustrés par l'AGCS, menacent d'imposer un programme de libéralisation large, non seulement par l'élimination des obstacles au commerce et aux investissements, mais également par l'établissement de la libéralisation et de la commercialisation nationales via la privatisation, la sous-traitance des services publics et la déréglementation.
8. Toute rénovation de l'enseignement supérieur, nécessairement liée à la promotion d'une recherche de qualité, exige la participation efficace des enseignants-chercheurs, par le biais de structures universitaires élues, à la gestion démocratique des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, à la mise au point des orientations et des stratégies appropriées, des programmes d'enseignement et de recherche, des critères et des procédures d'évaluation permettant d'assurer la qualité du service dans l'enseignement supérieur et la recherche, pour le développement au plus haut niveau du savoir et du savoir-faire ainsi que du patrimoine culturel national et universel.
Recommande:
9. L'IE et ses organisations affiliées continuent de s'opposer à l'inclusion de l'éducation dans les accords sur le commerce et en retour propose une alternative, un instrument juridique international contraignant pour l'enseignement supérieur. Bien que l'idéal serait d'avoir une convention internationale régissant l'éducation au niveau international, les principes énoncés ci-dessous peuvent être poursuivis dans le cadre de tout accord international.
10. Les objectifs sous-jacents de ce nouvel instrument international devraient être les suivants: a. reconnaître que l'enseignement supérieur est un droit humain et un bien public;
b. respecter la diversité culturelle et linguistique;
c. trouver un équilibre entre la volonté de protéger les systèmes d'enseignement supérieur nationaux et autochtones et le désir d'encourager les échanges internationaux;
d. promouvoir et défendre l'emploi et les droits académiques des enseignants, du personnel et des étudiants de l'enseignement supérieur;
e. défendre et promouvoir la liberté d'expression et de pensée et notamment la liberté académique les droits professionnels;
f. garantir l'intégrité et la qualité de l'enseignement supérieur;
g. promouvoir l'égalité au sein des pays et entre ces derniers; assurer une égalité à part entière aux groupes qui luttent pour leurs droits à l'égalité; et protéger les droits des populations autochtones;
h. établir des institutions mondiales qui soient ouvertes et transparentes, et qui reconnaissent la priorité des droits humains, professionnels et environnementaux sur les droits commerciaux; et
i. préserver la capacité des gouvernements nationaux à réglementer leur enseignement supérieur dans l'intérêt général, et à maintenir et à développer un enseignement supérieur public indépendant des pressions du marché et des disciplines de libre-échange.
11. Un nouvel instrument international devrait renforcer et rendre juridiquement contraignant les accords, conventions, codes et déclarations existants tels qu'ils sont rejétés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Convention internationale des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels, et dans diverses déclarations, recommandations, conventions et codes de bonnes pratiques de l'UNESCO et de l'Organisation internationale du travail.
12. Le nouvel instrument international pour l'enseignement supérieur doit: a. rejéter les principes de la diversité culturelle et linguistique, tels qu'ils sont formulés dans la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle de 2001: “Toute personne doit pouvoir s'exprimer, créer et diffuser ses oeuvres dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue maternelle; toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle.”
b. inclure les droits prévus dans les Conventions suivantes de l'Organisation internationale du travail: Convention 29 (travail forcé); Convention 87 (liberté syndicale et protection du droit syndical); Convention 98 (droit d'organisation et de négociation collective); Convention 100 (égalité de rémunération); Convention 105 (abolition du travail forcé); Convention 111 (discrimination, emploi et profession); et Convention 138 (âge minimum), entre autres.
c. garantir l'intégrité et la qualité de l'enseignement supérieur international. Un modèle en est la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l'enseignement supérieur, conclue à Lisbonne en 1997 (région européenne), qui a adopté un code de bonnes pratiques pour l'enseignement transnational établissant onze principes relatifs à la qualité et aux normes académiques; à la politique et au cahier de charges des institutions d'enseignement transnational; aux informations à fournir par ces institutions; à la conscience du contexte culturel; aux qualifications du personnel; et à l'admission des étudiants.
d. s'efforcer de promouvoir l'égalité au sein des pays et entre ces derniers. Un tel accord doit encourager et promouvoir un accès équitable à l'enseignement supérieur dans les différents pays, et reconnaître explicitement que la poursuite d'études supérieures ne doit pas dépendre de la capacité à payer. De même, une égalité à part entière doit être garantie aux groupes qui luttent pour leurs droits à l'égalité, et les droits des populations autochtones doivent être entièrement respectés.
e. d'abord et avant tout promouvoir le développement de systèmes nationaux d'enseignement supérieur dans les pays en développement, y compris le véritable transfert de technologies et de connaissances académiques, et à l'exclusion de toute pénétration commerciale de la part de fournisseurs basés dans les pays développés. Un nouveau cadre devrait, dès lors, encourager l'effacement des dettes et prévoir des programmes d'assistance destinés à aider les pays en développement à construire et à maintenir un environnement universitaire soutenant et promouvant l'accès et la qualité, et fournissant des conditions de travail adéquates pour le personnel de l'enseignement supérieur dans ces pays.
f. être guidé par des institutions mondiales qui, contrairement aux institutions commerciales comme l'Organisation mondiale du commerce (OMC), soient ouvertes, transparentes et démocratiques. Toutes les institutions internationales, lorsqu'elles interprètent un litige, doivent faire passer les droits humains, professionnels et environnementaux avant les droits commerciaux.
g. doit explicitement préserver la capacité des nations à maintenir et à adopter des mesures qui répondent aux besoins de leurs citoyens. Ces mesures incluent: la fourniture d'une aide financière, de subventions et de primes aux individus, institutions, entreprises d'Etat, organisations non gouvernementales et entreprises; la limitation de la présence d'institutions étrangères privées ou à but lucratif; l'adoption de règlements, d'une manière qui soit considérée comme appropriée, visant à répondre aux objectifs éducatifs nationaux; et la demande du contenu local et des exigences en matière de résultats pour les institutions basées à l'étranger.
h. Doit être au centre de toute campagne menée par l'IE au niveau mondial et par ses organisations de l'enseignement supérieur au niveau national et local. Bien que la réalisation de cet ensemble d'objectifs prendra sans nul doute du temps et ne sera atteinte qu'au travers de plusieurs nouveaux instruments voire la révision de ceux existant, il fournit néanmoins un cadre politique pour les demandes de l'IE.
Appelle :
13. L'IE à préparer un projet d'instrument, en coopération et consultation avec ses affiliés.
14. L'IE et ses a?liés à faire campagne et à faire pression pour l'adoption de ce nouvel instrument.