Résolution sur la migration et la mobilité enseignantes
Le 6ème Congrès mondial de l'Internationale de l'Education (IE), réuni au Cap, en Afrique du Sud, du 22 au 26 juillet 2011: 1. Notant que la migration et la mobilité internationales sont devenues des phénomènes mondiaux, représentant un défi notable pour de nombreux pays, et une priorité de l'agenda politique dans de nombreuses parties du monde; 2. Constate avec préoccupation qu’il est possible que les graves effets de la crise économique qui sévit depuis 2007, entraînant des licenciements massifs, une hausse du chômage (en particulier des jeunes), des reculs dans les politiques sociales, le démantèlement progressif des États-providence, contribuent à susciter, dans les sociétés, des sentiments et des attitudes de rejet envers la population migrante. 3. Souligne le rôle fondamental que peut jouer une éducation publique de qualité, fondée sur des valeurs visant à la construction de la citoyenneté pour tous et toutes dans les processus d’intégration positive des migrant(e)s. 4. Constate avec préoccupation le nombre croissant de professionnel(le)s de l’éducation (enseignant(e)s et chercheurs/euses) qui abandonnent le pays où ils/elles ont été formé(e)s pour des raisons économiques, culturelles, religieuses ou politiques et viennent grossir les rangs de celles et ceux qui se voient contraint(e)s d’exercer des activités éloignées des études et des disciplines pour lesquelles ils/elles se sont préparé(e)s. 5. Reconnaissant, d'après les données des Nations Unies, que les migrant(e)s internationaux/ales constituent plus de trois pour cent de la population mondiale, et que près de la moitié de ces migrants sont des femmes; 6. Notant la féminisation croissante et accélérée du phénomène migratoire, dans la mesure où les femmes (très souvent accompagnées de leurs enfants) représentent actuellement plus de la moitié de la population qui vit en dehors de son pays d’origine; 7. Reconnaissant l'établissement du Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD) par les Nations Unies en 2006 et son potentiel pour offrir une tribune au dialogue international sur les politiques et les pratiques relatives à la migration et au développement; 8. Rappelant que le Protocole du Commonwealth sur le recrutement des enseignants a été reconnu par l'IE et l'OIT en 2006, comme un instrument de bonne pratique dans le traitement des questions relatives à la migration des enseignant(e)s; 9. Motivé par le désir de protéger les travailleurs/euses migrant(e)s, en particulier les enseignant(e)s et les autres travailleurs/euses de l'éducation et leur famille; 10. Notant que peu de pays ont ratifié et pleinement mis en œuvre la Convention des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et les Conventions de l'OIT n°97 (Convention sur les travailleurs migrants - révisée - 1949) et n°143 (Convention sur les travailleurs migrants - dispositions complémentaires - 1975); 11. Observant que la fuite des cerveaux, surtout en conséquence de la migration, peut avoir des effets néfastes, en particulier sur les économies et les systèmes éducatifs des pays en développement et des petits Etats; 12. Considérant que les enseignant(e)s migrant(e)s sont souvent bien qualifié(e)s ou ceux/celles qui traitent des matières telles que les sciences, les mathématiques et les technologies de l'information et de la communication, et que de ce fait les pays d'origine, dont la plupart sont des pays en développement et/ou des petits Etats, sont privés de personnels d'éducation hautement qualifiés; 13. Affirmant que les migrant(e)s, notamment les enseignant(e)s migrant(e)s et leur famille, contribuent au développement à la fois de leur pays d'origine et du pays d'accueil; 14. Reconnaissant que la mobilité dote les étudiant(e)s et les enseignant(e)s migrant(e)s de facultés, d'expériences et de compétences nouvelles et promeut l'échange culturel et d'informations, l'innovation et la création de réseaux internationaux indispensables pour améliorer la qualité des systèmes éducatifs et stimuler le développement économique, à la fois dans les pays d'origine et dans les pays d'accueil; 15. Admettant la nécessité de promouvoir la mobilité des enseignant(e)s, tout en sauvegardant l'intégrité des systèmes d'éducation, en particulier dans les pays en développement, comme indiqué dans la Recommandation OIT/UNESCO concernant la condition du personnel enseignant (1966) et la Recommandation de l'UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l'enseignement supérieur (1997); 16. Préoccupé par l'exploitation des enseignant(e)s migrant(e)s, notamment celle exercée par les agences de recrutement et d'autres organismes d'emploi dans de nombreux pays d'accueil; 17. Préoccupé par la non-reconnaissance des qualifications et la perte de statut professionnel auxquels les personnels de l'éducation qualifiés font face en migrant, en particulier de pays moins développés vers des pays développés; 18. Préoccupé par les traitements discriminatoires que subissent les enseignant(e)s migrant(e)s dans le cadre de leur emploi; 19. Reconnaissant le rôle fondamental joué par les syndicats d'enseignants en matière de défense des droits humains et syndicaux des migrant(e)s - enseignant(e)s et autres employé(e)s de l'éducation et leur famille; et 20. Convaincu que l'ampleur et la complexité croissantes de la migration internationale, ainsi que les défis et les opportunités présentés par le mouvement transfrontalier des personnes, notamment des enseignant(e)s et des autres travailleurs/euses de l'éducation, nécessitent une action immédiate au niveau international pour faciliter la mobilité et réguler une telle migration; Le 6ème Congrès mondial de l'IE, 21. Réaffirme sa conviction, exprimée lors du 5ème Congrès mondial (Berlin, 2007), que « les migrant(e)s contribuent au développement aussi bien de leur pays d'origine que de leur pays d'accueil » et que « la migration a un potentiel de stimulation des échanges culturels et économiques entre nations et de promotion de la paix et de la compréhension mutuelle »; Toutefois, les aspects positifs de la migration humaine ne sont pas spontanés ou automatiques. Par conséquent, le Congrès reconnaît qu'un travail important est nécessaire pour les réaliser; 22. Affirme, dans ce sens, sa conviction que le phénomène migratoire doit être abordé dans une politique de respect des droits humains, conformément aux instruments fournis par la démocratie; 23. Condamne catégoriquement les messages et les actions promouvant le racisme, la xénophobie et la discrimination et réaffirme, en particulier, que les écoles doivent être mises à l’abri de ce type de situation; 24. Exhorte les gouvernements à adopter des mesures concrètes contre l’émergence de toute forme de racisme et de xénophobie, en particulier dans le domaine de l’éducation; 25. Encourage les gouvernements des pays d’accueil à prendre des mesures concrètes en vue de garantir à tous les enfants (y compris les enfants de migrant(e)s avec ou sans papiers) le droit à une éducation de qualité, dans des conditions d’égalité, conformément aux engagements pris dans les conclusions de Dakar et les Objectifs du Millénaire pour le développement; 26. Rappelle, en outre, aux autorités des pays d’origine les engagements pris à l’échelle internationale et locale en vue d'éliminer les causes qui sont à l’origine de l’exode de leurs concitoyen(ne)s, notamment la pauvreté, l’injustice sociale et la violence liée au genre. 27. Souligne que la crise ne doit pas être utilisée pour retarder les efforts déployés jusqu’à présent pour respecter ces engagements et atteindre ces objectifs d’ici 2015; 28. Encourage toutes les institutions éducatives à ne laisser aucune place au racisme et à la discrimination; 29. Décide que les pays membres devraient unir leurs forces avec les organisations de la société civile pour démasquer le racisme et la xénophobie et pour éduquer leur population à cet égard; 30. Encourage les organisations membres de l'IE à inciter les autorités éducatives à s'engager dans l'élaboration et la mise en œuvre de programmes scolaires ayant une perspective de droits humains, d'intégration, de multiculturalisme et d'interculturalisme. Le Congrès mondial, par conséquent, 31. Mandate le Bureau exécutif, en collaboration avec les organisations membres, pour: (i) faire campagne en vue de la ratification et la mise en œuvre des instruments internationaux qui promeuvent les droits humains et syndicaux des migrant(e)s, en particulier les enseignant(e)s migrant(e)s et leur famille, de la ratification de la Convention des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et des Conventions de l'OIT n°97 et 143; (ii) promouvoir le Protocole du Commonwealth sur le recrutement des enseignants et/ou ses principes, ainsi que le soutien aux autres efforts internationaux, régionaux ou nationaux afin de développer et mettre en œuvre les politiques, les programmes et les instruments visant à promouvoir et à protéger les droits des migrant(e)s - enseignant(e)s et autres employé(e)s de l'éducation; (iii) faire campagne en vue de la réglementation des activités des agences de recrutement, afin d'enrayer les pratiques malhonnêtes et l'exploitation des travailleurs/euses migrant(e)s; (iv) soutenir les initiatives internationales, régionales et nationales qui promeuvent la mobilité des étudiant(e)s et des personnels de l'éducation qualifiés, et la reconnaissance transfrontalière des qualifications comparables; (v) coopérer avec d'autres Syndicats mondiaux dans la défense des droits des migrant(e)s - enseignant(e)s et autres employé(e)s de l'éducation et leur famille -, et faire pression sur les gouvernements et les organisations internationales telles que l'UNESCO, l'OIT, l'OIM (Organisation internationale pour les migrations), la Banque mondiale et l'OCDE, afin de développer des politiques qui facilitent la mobilité volontaire des étudiant(e)s et des enseignant(e)s, tout en protégeant l'intégrité de systèmes d'éducation vulnérables, notamment ceux des pays en développement; (vi) établir un Groupe de travail sur la migration enseignante, comprenant des représentant(e)s tant des pays d'origine que des pays d'accueil, et développer un Réseau mondial virtuel d'enseignant(e)s afin de faciliter le partage d'informations et d'idées; 32. Encourage les organisations membres à prendre des décisions qui empêchent la discrimination de leurs étudiant(e)s fondée sur l’origine nationale ou ethnique, ou la condition migratoire; à organiser les enseignant(e)s et autres employé(e)s de l'éducation migrant(e)s, à les recruter et à défendre leurs droits humains et syndicaux; et à les soutenir, ainsi que leur famille, de façon à ce qu'ils/elles s'intègrent avec succès dans le pays d'accueil pour assurer que les employeurs de l’éducation n’utilisent pas les travailleurs/euses migrant(e)s comme personnel précarisé favorisant le dumping social; 33. Demande que l'Institut de recherche de l'IE entreprenne des recherches concernant divers aspects de la migration enseignante, y compris son impact sur les pays d'origine et d'accueil; 34. Encourage les organisations membres à développer leurs capacités pour mener des études sur la migration enseignante dans leur pays respectif, et élaborer une base de données accessible aux enseignant(e)s migrant(e)s; 35. Appelle les organisations membres à recueillir et à échanger des données actualisées sur la migration enseignante, notamment sur divers aspects pertinents, y compris les conditions de reconnaissance des études et des diplômes, l’accès à l’enseignement et les conditions de travail. 36. Exhorte les organisations affiliées à l’IE à manifester leur solidarité avec les collègues migrant(e)s au travers de la coopération au développement, mais également par le biais d'actions facilitant leur accueil dans de meilleures conditions (par exemple, en fournissant des informations contribuant à leur intégration personnelle et familiale); 37. Appelle les gouvernements et les institutions éducatives à améliorer les conditions de service de tous les personnels de l'éducation qualifiés, afin de réduire les facteurs à l'origine de la fuite des cerveaux, et de faciliter le retour des migrant(e)s avec des avantages mutuels, tant pour les pays d'origine que pour les pays d'accueil; 38. Appelle les syndicats d'enseignants des différents pays et régions à élaborer des stratégies bilatérales et multilatérales sur la meilleure façon d'aborder les défis de la migration enseignante et d'exercer des pressions sur les gouvernements et les organisations intergouvernementales; 39. Exhorte les gouvernements, la société civile et les syndicats à ne pas oublier la dimension de genre dans les actions qu'ils entreprennent.