Zeynep Güneş & Ümit Aktaş "Nous avons découverts nos renvois sur les listes publiées sur internet"
Zeynep et Ümit sont arrivés cette année à Istanbul. Ils sont originaires de la ville de Mardin, située au sud-est du pays. Ils y ont enseigné plusieurs années à l'école primaire,y compris pendant les temps de guerre et à l'époque des couvre-feux. Leur arrivée à Istanbul était le signe d’un nouveau départ.
A commencer par un mariage qu’ils n’ont qu’à moitié célébré à Mardin avec leurs familles et leurs amis car Zeynep venait d’être suspendue de ses fonctions.‘’Tous les invités ou presque étaient aussi victimes des purges, explique Ümit‘’ Nous avons donc fait une fête de résistance. Nous portions des t-shirts sur lesquels était écrit ‘’touche pas à mon prof’’. C’était le 24 septembre. ‘’J’ai été suspendue jusqu’en décembre, puis renvoyée quelques mois plus tard. Le 7 février, le même jour qu’Umit’’ se souvient Zeynep. Tous les deux restent bouleversés par la manière dont ils ont appris leurs renvois, comme l’explique Ümit‘’c’était le soir et nous étions justement devant l’ordinateur pour préparer de nouvelles activités à faire avec les enfants. Quand soudain, une amie nous a appelés pour nous dire que de nouvelles listes de noms venaient d’être publiées. Nous avons regardé et nos deux noms y figuraient’’. Personne ne les a contacté depuis, pas même les directeurs d’école.‘’Je n’ai pas dormi pendant trois jours’’ se souvient Zeynep. La jeune femme, qui explique ne jamais avoir eu de problèmes ni avec la justice ni avec la police, ne comprend toujours pas pour quelles raisons son nom est apparu sur ces listes. Comme d’autres collègues, ils ont participé au jour de grève du 29 décembre 2015.‘’Pour dire stop à la guerre, pour que les enfants puissent aller à l’école’’ s’insurge Ümit qui n’a jamais hésité, dit-il, à faire des heures supplémentaires par passion pour son métier. ‘’Et c’est pour ça qu’on nous vire ? Si c’était à refaire, je referai exactement la même chose’’.
S’il est une chose qui caractérise ce jeune couple, c’est la détermination.‘’Je ne dis pas que j’ai de l’espoir’’ lance Ümit,‘’je suis sû r de retrouver mon travail un jour ou l’autre parce que je suis innocent’’. D’ici là, ils sont devenus propriétaires d’un petit café le ‘’Janya’’ (un mot kurde qui signifie avoir de la peine) dans le centre d’Istanbul.‘’Nous disions souvent que notre rêve serait d’ouvrir un petit café avec des livres quand nous serons plus vieux’’ explique Zeynep‘’mais je ne pensais pas que ça se ferait si rapidement. Ça me brise le cœur car je suis passionnée par mon métier de professeure. Ça arrive trop tôt.’’
Hors de question pourtant de se laisser abattre par tous ces chamboulements dans leur vie.‘’Il y a des professeurs licenciés qui passent nous voir au café. Nous discutons. Nous nous organisons pour résister et défendre nos droits’’ raconte Zeynep. S’aider les uns les autres, c’est leur manière de remonter la pente. Mais il est un doux espoir qu’ils cultivent au fond d’eux : prendre rendez-vous à la mairie pour le mariage civil. La date ?‘’Dè s que nous retrouverons nos emplois’’.