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Amérique latine: l’enseignement public est un droit social fondamental pour construire l’égalité

Publié 27 juillet 2018 Mis à jour 6 août 2018

L’enseignement public est un droit social fondamental pour construire l’égalité, devant être garanti, régi et financé par l’Etat. Tel est le message lancé par les éducateurs/trices convoqué(e)s à la réunion régionale de l’Internationale de l’Education Amérique latine (IEAL), organisée à Cochabamba, en Bolivie.

Selon les participant(e)s, ce droit est menacé par la privatisation et la commercialisation de l’éducation encouragées par les multinationales, qui considèrent ce secteur comme une entreprise commerciale et cherchent à démanteler les systèmes d’enseignement publics.

« Ces entreprises considèrent nos étudiants comme des clients et non comme des êtres humains ou des individus possédant des droits... Elles cherchent à se débarrasser de nos enseignants et de nos écoles », a expliqué David Edwards, Secrétaire général de l’Internationale de l’Education, au cours de la réunion parrainée par le ministère bolivien de l’Education.

« Leur but consiste à transformer les enseignants en robots, programmés pour servir comme dans les McDonald’s. Nous devons lutter contre cette menace », a-t-il ajouté devant les représentant(e)s des organisations membres de 10 pays latino-américains membres du Comté régional de l’IEAL, qui se sont penché(e)s durant 2 jours sur le thème « Evolution de l’éducation en Amérique latine: privatisation et commercialisation ».

Les syndicats de l’éducation jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la privatisation, la commercialisation et la déprofessionnalisation de l’éducation. Les enseignant(e)s de tous niveaux doivent participer concrètement à la définition des politiques éducatives, recommande la « Déclaration de Cochabamba » signée par les responsables syndicaux/ales, qui ont appelé les autorités éducatives de la région à renforcer le droit à l’enseignement public, considéré comme un instrument stratégique pour l’édification de sociétés plus justes.

En tant que professionnel(le)s, en tant que syndicats et en tant que défenseurs/euses de la justice sociale, « oui, nous avons effectivement des propositions à faire », a souligné Edwards, mais nous devons « porter la solidarité à un autre niveau », en nouant les liens de « notre profession, de notre lutte syndicale et de la justice sociale ».

« Les luttes que nous menons actuellement nécessitent de renforcer nos connaissances et de toujours obéir à l’objectif incontournable que sont nos principes et les droits humains », a souligné Fatima Silva, Vice-présidente de l’IEAL et Secrétaire générale de la Confederación nacional de trabajadores de la educación de Brasil(CNTE).

Hugo Yasky, Président du Comité régional de l’IEAL, a dénoncé la complicité entre les intérêts des entreprises et les gouvernements de certains pays latino-américains dans le cadre de la mise en œuvre de mesures visant à réduire à néant les avancées réalisées au cours de la décennie précédente par les gouvernements progressistes, notamment au Brésil et en Argentine. « Aujourd’hui, la survie de ce droit social qu’est l’éducation est au centre des débats en Amérique latine, ou disons plutôt qu’elle s’accompagne d’un grand point d’interrogation. C’est du moins le message que souhaitent faire passer les géants de l’industrie au travers des principaux médias », a déclaré Yasky.

Angelo Gavrielatos, Directeur de la campagne de l’IE contre la privatisation de l’éducation, a expliqué que le discours visant à dévaloriser l’enseignement public est encouragé par les gouvernements néolibéraux et leurs sympathisant(e)s à travers le monde. Raison pour laquelle il importe de préparer une réponse mondiale au phénomène de la privatisation. Il a également indiqué que les syndicats représentant les enseignant(e)s et le personnel de l’éducation constituent le principal obstacle au programme de privatisation des gouvernements et des entreprises.

Le Directeur de projet de l’IE a signalé que la Banque mondiale et l’OCDE avaient reconnu dans leurs rapports récents que l’enseignement privé n’offrait pas de meilleurs résultats et que, de plus, il contribuait à cimenter les inégalités au sein de la société.

Combertty Rodríguez, Coordinateur principal de l’IEAL, a rappelé les processus de la privatisation, de la marchandisation et de la commercialisation de l’éducation en Amérique latine. Il a, par ailleurs, insisté sur le rôle essentiel des syndicats de l’éducation dans la lutte contre les réformes éducatives préjudiciables à l’enseignement public.

Luis Dourado, chercheur à la Confederación nacional de trabajadores de la educación de Brasil(CNTE), a expliqué en détail lors de sa présentation la relation complexe qui existe actuellement entre la société, la démocratie et l’éducation: « Nous devons faire progresser les politiques de l’Etat qui permettent d’organiser l’éducation au travers de la collaboration et d’un engagement politique mieux défini pour garantir le droit à l’éducation de chacun d’entre nous ».

Fernando Carrión, Directeur de la formation des enseignant(e)s au ministère de l’Education en Bolivie, a décrit les processus d’évaluation dans son pays: « Nous ne pouvons pas parler d’évaluation sans penser à l’éducation que nous souhaitons », a-t-il affirmé en mettant en avant le modèle d’éducation bolivien et son rôle dans la construction d’une société centrée sur le bien-être des individus.

Heleno Araújo, Présidente de la CNTE, a décrit la situation politique actuelle au Brésil, rappelant l’incarcération arbitraire de l’ex-président Luiz Inácio Lula da Silva et la politique d’austérité budgétaire instaurée par le gouvernement de Michel Temer, auteur du coup d’Etat. Face au climat hostile envers les responsables et militant(e)s syndicaux/ales, Araújo revendique un modèle d’éducation permettant de « garantir le plein accès aux écoles » et d’y rester.

Sonia Alesso, Secrétaire générale de la Confederación de Trabajadores de la Educación de la República Argentina(CTERA), a passé en revue la situation dans son pays, à la suite des ajustements introduits par le gouvernement conservateur de Mauricio Macri. Elle a également indiqué que, face à la progression actuelle du néolibéralisme, il importe de pouvoir compter sur des syndicats forts, capables de lutter contre les réformes et de défendre l’enseignement public: « Au travers du Mouvement pédagogique latino-américain, nous devons défendre notre profession et l’enseignement public », a-t-elle conclu.

Cette réunion de l’IEAL s’est tenue les 22 et 23 juillet derniers, peu avant la rencontre des responsables et représentant(e)s des ministères de l’Education d’Amérique latine et des Caraïbes, organisée le 25 juillet à Cochabamba, en Bolivie. L’IEAL disposera également d’un espace pour exposer ses points de vue à la Conférence organisée par l’UNESCO.