Un travail à visage humain, par David Edwards
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L’apprentissage tout au long de la vie n’a pas la même signification pour tout le monde. Il demeure cependant essentiel de comprendre certains principes communs inhérents à cet aspect de l’éducation si l’on souhaite atteindre un consensus mondial portant sur un programme centré sur l’humain, en vue d’assurer l’avenir du travail.
Introduction
Après deux ans de travail intensif, la Commission indépendante pour l’avenir du travail mise en place par l’Organisation internationale du Travail (OIT) a publié son rapport le 22 janvier 2019. Ce dernier, court mais complet, expose les grandes lignes d’une stratégie visant à tirer avantage des transformations au sein du monde du travail pour faire progresser un « programme centré sur l’humain ». Cette Commission décrit son travail comme étant le début d’un parcours jalonné de dangers. Elle conclut par ce paragraphe:
« Deux choses sont certaines. Primo, dans la mesure où elle réunit les gouvernements, les employeurs et les travailleur·euse·s du monde entier et en vertu du mandat qui lui a été confié, l’OIT se trouve en bonne position pour agir telle une boussole pour orienter ce parcours. Secundo, quel que soit le mérite de notre propre rapport, les questions qu’il nous a été demandé d’examiner ont leur importance. Elles sont importantes pour tous les individus qui vivent sur cette planète, mais aussi pour la planète elle-même. Ces questions sont difficiles et nous les ignorons à nos risques et périls. Si nous sommes capables d’apporter des solutions viables, alors nous contribuerons à ouvrir de nouvelles perspectives extraordinaires pour le travail de la nouvelle génération.»
Le rapport de la Commission marque également le centième anniversaire de l’OIT, unique survivante de la Société des Nations au sein des Nations Unies et unique organisation internationale tripartite. Cent ans plus tard, les origines du tripartisme, comme le soulignait le premier directeur de l’OIT Albert Thomas, nous rappellent pourquoi ce dernier est important, compte tenu de l’échec des précédentes tentatives de définir des normes internationales du travail:
« Les discussions ont eu lieu au sein d’un cercle purement intellectuel et restreint, loin des pratiques politiques vaines et poussiéreuses, risquant de bouleverser l’ordre établi mais allant droit au but. Si l’on souhaite introduire des réformes industrielles, il doit y avoir une organisation de toutes les forces en présence: gouvernements, employeurs et employé·e·s. L’absence d’une seule de ces trois composantes suffit à rendre une organisation inefficace.»
C’est dans ce contexte de décisions sans lendemain et face au besoin vital d’appliquer concrètement les réformes proposées dans le rapport que j’avance quelques idées de nouvelles discussions. Nous nous engagerons dans le cadre de toutes les thématiques abordées dans le rapport mais, dans un premier temps, je souhaiterais me concentrer sur l’une d’entre elles: l’apprentissage tout au long de la vie.
L’apprentissage tout au long de la vie: plus qu’une formation
Si les pratiques en termes d’apprentissage tout au long de la vie varient au niveau national, les organisations membres ont néanmoins des préoccupations communes. Elles ne souhaitent pas que celui-ci se réduise à quelques compétences mesurables, elles recherchent un accès élargi et la qualité.
Une approche équilibrée de l’éducation est nécessaire pour que l’acquisition des compétences soit pleinement efficace. Une telle approche élargie et approfondie signifie, par exemple, que, outre leur droit à l’apprentissage tout au long de la vie, comme proposé par la Commission, les individus doivent apprendre à apprendre. Sans quoi, il leur faudra retourner à la formation formelle et se contenter du peu de changement qu’elle suppose pour l’emploi.
Valoriser l’expérience
Plusieurs propositions concernent la possibilité de voir les changements au sein de nos emplois se multiplier. Une des fonctions de la série de mesures proposée par la Commission consiste à réduire la crainte et le traumatisme susceptibles de réduire à néant les changements positifs. Ces mesures incluent la garantie de l’apprentissage tout au long de la vie, ainsi que la continuité des protections sociales non dépendantes d’un emploi en particulier, mais suivent les travailleur·euse·s tout au long de leur vie de travail. Lever les obstacles et les limites aux droits à la syndicalisation et à la négociation collective: autrement dit, quitter un emploi ne signifie pas pour autant perdre sa représentation. Toutes ces propositions instaurent la confiance et la sécurité.
Si une personne exerce plus d’un emploi au cours de sa carrière, il est important que son expérience soit valorisée et que celle-ci ne doive pas tout reprendre à zéro comme s’il s’agissait d’un premier emploi. Même si des travailleur·euse·s expérimenté·e·s doivent acquérir de nouvelles compétences, leur expérience professionnelle apporte souvent valeur et satisfaction dans le cadre de leurs efforts et profite aux travailleur·euse·s plus jeunes et moins expérimenté·e·s. Ceci peut faciliter la collaboration, l’inclusion et la cohésion sociale.
Un apprentissage tout au long de la vie de bonne qualité, accessible et gratuit
Les personnels de l’éducation font partie de ceux qui ont besoin d’un apprentissage tout au long de la vie. Ce devrait être un droit gratuit pour l’ensemble des travailleur·euse·s. A titre d’exemple, dans notre rapport 2018 sur le statut des enseignant·e·s, ces dernier·ère·s signalent une diminution significative des opportunités d’apprentissage tout au long de la vie au sein de leur profession, ainsi que la demande d’une participation financière.
Concrétiser: dynamiser la démocratie
Même si un environnement propice est créé, permettant de faciliter les changements, un obstacle significatif à l’action est l’inertie.
Il importe d’allier à l’éducation le sens de la justice et la passion qu’elle suscite afin d’encourager la citoyenneté active et modifier ainsi l’équilibre des pouvoirs au sein de l’économie mondiale. La transformation ne surviendra qu’à partir du moment où les individus seront prêts, volontaires et capables de jouer un rôle dans leur propre destinée.
Cela nécessite de pouvoir penser de manière claire et critique, de filtrer l’information, d’écouter, de dialoguer. Le rapport considère que « le développement des compétences nécessaires pour participer à une société démocratique » fait partie de la mission de l’apprentissage tout au long de la vie. Seule la participation à une société démocratique permettra de réaliser les ambitions de la Commission. C’est là toute la différence entre un·e acteur.rice de l’histoire et un·e simple spectateur·rice.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.