Un nouveau pas vers le libre accès aux publications scientifiques
L’Internationale de l’Education a répondu à une consultation portant sur le libre accès à la recherche, soulignant que, pour servir l’intérêt général, il importe de promouvoir la diffusion la plus large et la plus accessible possible des travaux scientifiques et des ressources éducatives.
Suite aux propositions avancées par les affiliés lors de la 11e Conférence de l’Internationale de l’Education (IE) sur l’enseignement post-secondaire, supérieur et la recherche, convoquée à Taipei, à Taïwan, du 12 au 14 novembre 2018, l’IE a répondu le 8 février à la consultation menée par cOAlition S, un consortium créé par le Conseil européen de la recherche, les principales agences nationales de la recherche et divers bailleurs de fonds issus de treize pays européens.
Ce consortium souhaitait recueillir des conseils pour la mise en œuvre du Plan S, son initiative en faveur du libre accès aux publications scientifiques, lancée le 4 septembre 2018. Ce plan demande aux scientifiques et aux chercheur·euse·s bénéficiant de fonds alloués par les institutions et organisations de recherche subventionnées par l’Etat de publier leurs travaux dans des référentiels ou journaux ouverts à tout le monde d’ici 2020.
Bien que l’IE s’aligne sur l’objectif qui consiste à garantir la diffusion la plus plus large et la plus accessible possible des travaux scientifiques, elle recommande toutefois de ne pas faire prévaloir l’accès intégral et immédiat sur la qualité. La date butoir de 2020 est peut-être trop proche et il importe de prévoir suffisamment de temps pour ouvrir des lieux de libre accès et/ou lancer des journaux conformément au Plan S, dans chaque discipline. Cet aspect, souligne l’IE, demeure crucial tant pour la diffusion du savoir que pour les carrières des chercheur·euse·s, les études récentes démontrant que 80 % des journaux ne sont pas conformes au Plan S.
Modifier les journaux existants et créer un appui éditorial de haute qualité nécessitent du temps et des ressources. L’IE se montrerait nettement plus favorable au Plan S si ce dernier pouvait mieux spécifier les moyens de garantir la qualité de la recherche, notamment les mécanismes d’assurance de la qualité à mettre en place.
L’IE insiste également sur la nécessité de prévoir le financement durable et équitable du Plan S, afin de promouvoir et non empêcher la collaboration internationale dans le secteur de la recherche. L’équité des publications scientifiques revêt une importance cruciale.
Garantir la dissémination la plus large et la plus accessible possible des travaux scientifiques et des ressources éducatives
L’IE a rappelé qu’elle soutient sans réserve le libre accès aux publications, considérant qu’il s’agit d’un moyen de promouvoir la diffusion la plus large et la plus accessible possible des travaux scientifiques et des ressources éducatives, défendant ainsi les principaux objectifs du Plan S.
Une récente étude commanditée par l’IE Démocratiser le savoir: un rapport sur l’éditeur scientifique Elsevier examine en détail les pratiques commerciales de la plus grande et plus puissante maison d’édition scientifique. Comme l’indique le rapport, le modèle commercial d’Elsevier fonctionne comme suit: les chercheur·euse·s fournissent leurs travaux gratuitement, en cédant les droits d’auteur qui y sont associés, et, au travers d’un système d’examen par les pairs, d’autres scientifiques évaluent leurs travaux, en général gratuitement. Elsevier vend ensuite les contenus aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche, aux gouvernements et à d’autres parties prenantes, en premier lieu celles qui ont financé la recherche en question. Comme le souligne l’étude, ce modèle d’entreprise a conduit à une « culture de la publication ou de l’oubli » au sein de la communauté académique, où le lieu de publication importe en général davantage que le contenu en lui-même.
Conséquence de ce type de pratique, l’IE estime que le Plan S doit se pencher sur la question de l’évaluation de la recherche et, en particulier, réformer le système actuel. Le libre accès aux publications scientifiques doit être pleinement reconnu comme étant un critère pour le renouvellement, le régime de la permanence et la promotion des jeunes chercheur·euse·s, sans quoi le Plan S pourrait représenter un risque pour leur carrière, aujourd’hui tributaire de la publication dans les journaux extrêmement influents.
Qu’en est-il des libertés académiques?
L’IE estime que la version actuelle du Plan S pourrait avoir des conséquences inattendues sur les valeurs et les principes des libertés académiques. A cet égard, le Plan S devrait faire en sorte que les auteur·e·s aient le droit de choisir les moyens et les lieux de diffusion de leurs recherches. Une option intéressante pour le Plan S serait d’ examiner le modèle mis en place par Harvard pour le libre accès, lequel s’applique automatiquement et immédiatement à l’ensemble des membres du personnel universitaire et à leurs travaux menés dans le cadre de leur profession. Ce modèle prévoit une clause dérogatoire: les publications sont immédiatement mises à disposition en libre accès dans le référentiel de l’institution, sauf en cas d’opposition des auteur·e·s. Enfin, il s’agit d’une licence non exclusive: autrement dit, elle n’empêche pas les auteur·e·s de publier leurs travaux ailleurs et ne supprime pas leurs droits d’auteur. L’utilisation de ce modèle a démontré que, si la clause dérogatoire est très rarement invoquée, elle permet néanmoins de garantir le respect des libertés académiques.
Frais raisonnables et équitables pour le traitement des articles
L’IE se félicite de l’intention du Plan S de s’atteler à la création d’une grille tarifaire équitable et raisonnable pour le traitement des articles (APC), ainsi que celle de commanditer une étude indépendante sur les frais liés aux publications en libre accès. Elle a recommandé de réduire au maximum ces frais APC et, par la suite, de les éliminer totalement, convaincue que les chercheur·euse·s doivent avoir les mêmes chances de publier leurs recherches, quelle que soit la capacité financière dont dispose leur institution pour en payer la publication.
Contexte
Dans le cadre du Plan S, les chercheur·euse·s percevant des fonds publics de bailleurs de fonds adhérant aux politiques de ce système, ne pourront plus publier leurs travaux dans toute une série de journaux majeurs, étant donné qu’ils·elles n’offrent pas la possibilité d’accéder librement et immédiatement à leurs publications.
Les défenseur·euse·s de ce projet estiment que les règles sont strictes mais néanmoins nécessaires, si l’on souhaite que les bailleurs de fonds et les maisons d’édition prennent au sérieux le principe du libre accès aux publications. Les militant·e·s revendiquent ce libre accès depuis 30 ans, mais peu de progrès ont été accomplis au cours de cette période. Selon les statistiques, seuls environ 30 % des journaux sont en libre accès dans le monde.
La Déclaration politique sur le libre accès adoptée à la 10e Conférence de l’IE sur l’enseignement post-secondaire, supérieur et la recherche, réunie au Ghana au mois de novembre 2016, appelant les affiliés de ces secteurs à promouvoir le libre accès aux publications, peut être téléchargée ici.