« Faire de l’inclusion une réalité: le rôle central des enseignant∙e∙s », par Anna D’Addio.
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De nombreux facteurs interviennent dans la conception d'un système éducatif réellement inclusif. Certains facteurs déterminent la manière dont les systèmes d'éducation sont mis en place, tels que les lois et les politiques ou encore les mécanismes de gouvernance et de financement. D'autres fonctionnent à l'intérieur des murs de l'école, sous la forme de programmes et de matériels d'apprentissage, mais également d'enseignant·e·s, de chef·fe·s d'établissement et de personnels de soutien à l'éducation. Le bon esprit communautaire et l'engagement parental sont essentiels au bon fonctionnement d'un système éducatif inclusif.
Le Rapport GEM 2020 sur l’inclusion et l’éducation couvrira chacun de ces facteurs, en identifiant les facteurs contribuant à l'inclusion complète, ou à l'exclusion, des apprenant·e·s, et en aidant à équilibrer les budgets pour tou∙te∙s. Mais le rôle central des enseignant·e·s dans l'accueil des étudiant∙e∙s de tous les niveaux et en provenance de tous les horizons est clair, et avait également été mis en exergue dans notre rapport de 2019, Bâtir des ponts, pas des murs, qui mettait l'accent sur les migrations et les déplacements.
Nos recherches de l’année dernière nous ont appris que la diversité socio-économique, ethnique et culturelle est en augmentation, de même que la diversité des besoins des apprenant·e·s potentiel·le·s. L'Enquête internationale de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur l'enseignement et l'apprentissage de 2018 (TALIS) nous a récemment montré que le pourcentage d'enseignant·e·s donnant cours dans des classes comptant plus de 10 % d'étudiant∙e∙s dont la langue maternelle est différente de la langue d'enseignement variait de 2 % au Japon et en Hongrie à 50 % aux Emirats Arabes Unis, 58 % à Singapour et 62 % en Afrique du Sud.
Mais peu d’enseignant·e·s sont formé·e·s pour faire face à une telle diversité. Dans les pays de l'OCDE, en moyenne, un peu plus du tiers des enseignant·e·s (35 %) ont déclaré que la formation ou l’enseignement formel reçu couvrait un enseignement dans des contextes multiculturels et multilingues. Cela varie de plus de 70 % des enseignant·e·sayant reçu cette formation aux États-Unis, à Singapour et en Nouvelle-Zélande, par exemple, à moins de 25 % en France, en Slovénie, en Hongrie et en République tchèque. Même quand il·elle·s sont formé·e·s, un peu plus du quart seulement se sent bien ou très bien préparé pour enseigner dans de tels contextes.
Un examen de la formation initiale et continue des enseignant·e·s portant sur le contenu relatif à la diversité mené dans 49 pays a révélé qu'un peu plus de 30 % des programmes étaient supervisés, proposés ou financés par le gouvernement. Les autres programmes étaient fournis par des universités, des syndicats d’enseignants et des organisations non gouvernementales et privées. Environ 63 % des programmes gouvernementaux, mais pratiquement aucun des autres, étaient obligatoires. De plus, les programmes mettaient l'accent sur les connaissances générales avant la pédagogie pratique. Seul un programme sur cinq préparait les enseignant·e·s à anticiper et à résoudre les conflits interculturels ou à se familiariser avec les traitements psychologiques et les orientations disponibles pour les étudiant·e·s dans le besoin, alors que notre récent article a souligné l’urgence de ce besoin pour nombre d’étudiant·e·s.
Si les enseignant·e·s ne reçoivent pas de formation, il·elle·s n'auront pas les compétences nécessaires pour réorienter leur pédagogie d'une approche centrée sur l'enseignant·e à une approche centrée sur l'étudiant∙e. Cela nécessite que les programmes soient flexibles: l'intensité, le contenu et les horaires doivent correspondre aux besoins et aux contextes individuels. Par exemple, parmi les compétences jugées nécessaires par les enseignant·e·s travaillant avec des migrant·e·s, il y a la capacité d'utiliser du matériel qui rende compte des défis quotidiens que rencontrent les migrant·e·s et la capacité d'enseigner des compétences en langue orale à des adultes peu alphabétisés. Les enseignant·e·s doivent également être conscient·e·s de l'impact des compétences en première langue sur le développement de l'alphabétisation dans une deuxième langue.
Outre les compétences que les enseignant·e·s peuvent posséder ou non, le ton de l’enseignement est presque aussi important. C’est pourquoi la motivation et l’engagement des chef·fe·s d’établissement et des enseignant·e·s en faveur de l’éducation pour l’inclusion sont essentiels et ne doivent pas être tenus pour acquis, même dans les systèmes où la formation desenseignant·e·s à l’inclusion existe. Il est impossible de réaliser l'inclusion dans l'éducation sans des enseignant·e·s doté·e·s d'attitudes, de valeurs et de pratiques inclusives, sans enseignant·e·s qui s’engagent à être le moteur du changement et les défenseur·euse·s d'un changement de paradigme.
S'assurer que les plus vulnérables fréquentent et terminent l'école n'est que le premier pas vers l'inclusion. Le principal défi à relever pour les inclure pleinement consiste à offrir une éducation de haute qualité garantissant la prévention des préjugés, des stéréotypes et de la discrimination. Cependant, le passage à un système éducatif inclusif a des implications considérables. Cela nécessite une stratégie couvrant un large éventail d’interventions allant des programmes et des approches pédagogiques aux manuels, et en particulier, à la formation et au soutien des enseignant·e·s. Nous sommes impatient·e·s d’approfondir cette question au cours de l’année à venir lors de l’élaboration du Rapport GEM 2020 et nous comptons sur le soutien des enseignant·e·s et de leurs organisations représentatives pour relayer ses messages lors de son lancement en mars de l’année prochaine.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.