#CRC30 « Albanie: les syndicats d’enseignants œuvrent à la concrétisation du droit à l’éducation pour tous les enfants », par Nevrus Kaptelli et Stavri Liko.
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Depuis 2002, l’Alliance des syndicats d’enseignants d’Albanie, qui comprend la Trade Union Federation of Education and Science of Albania (Confédération syndicale de l'éducation et des sciences d'Albanie; FSASH) et l’Independent Trade Union of Education of Albania (Syndicat albanais indépendant de l’éducation; SPASH-ITUEA), travaille sur différents projets destinés à accroitre les taux de rétention scolaire et à promouvoir l’inclusion des élèves vulnérables. Des enseignant·e·s ont été formé·e·s à de nouvelles techniques actives d’apprentissage et même si les projets sont, pour certains, arrivés à terme, l’ethos et les pratiques en faveur d’une éducation inclusive perdurent. Les écoles s’avèrent désormais très compétentes pour s’attaquer aux attitudes culturelles qui relèguent l’éducation à une place secondaire, pour trouver des solutions aux barrières économiques qui entravent l’assiduité scolaire, pour surmonter la peur des enfants face au harcèlement et à la discrimination, ainsi que pour convaincre les familles de l’importance de l’éducation pour les filles.
En Albanie, la scolarité est obligatoire entre l’âge de 6 ans et de 14 ans. Au cours des dix dernières années, on a assisté à une baisse régulière et significative du nombre d’enfants déscolarisés [1]. Le travail des enfants dans l’économie formelle a été en grande partie éradiqué. Toutefois, la fréquence du décrochage scolaire parmi les enfants issus des communautés rom et égyptienne reste encore élevée, ce qui reflète la discrimination et l’exclusion profondément enracinées. Les enfants déscolarisés se retrouvent dans le travail informel, dans la rue ou, dans le cas des filles, victimes de mariages précoces.
Depuis 2002, dans le cadre des projets de lutte contre le travail des enfants, plus de 450 dirigeant·e·s syndicaux·ales à l’échelon national ou local, ont été formé·e·s sur ces questions dans les municipalités de Tirana, de Fier, de Korça, d’Elbasan, de Durres, de Shkodra et autres. Les enseignant·e·s ont dorénavant accès àun ensemble de matériel de référence en albanais sur les questions relatives au travail des enfants et aux techniques d’éducation inclusive, y compris par le biais de l’art, de la culture et du sport. Les activités consistent principalement à : identifier les élèves déscolarisés ou à risque de décrochage; préparer des plans d’intervention personnalisés pour ces enfants; et instaurer des groupes de surveillance sur le travail des enfants, afin de coordonner l’organisation d’activités avec les élèves, en collaboration avec les responsables d’établissements, les parents et les représentant·e·s des communautés locales. On estime à plus de 6.000, le nombre d’enseignant·e·s ayant été impliqué·e·s dans le projet, lequel a déclenché le retour en classe de plus de 2.800 enfants et évité à 6.500 autres, d’abandonner leurs études.
Nous disposons désormais d’un vivier d’enseignant·e·s correctement formé·e·s, capables d’identifier les enfants à risque d’abandonner l’école, et compétents pour traiter ces questions. Les enseignant·e·s se rendent également compte que les syndicats les soutiennent dans le renforcement de leurs capacités. En outre, le travail visant à maintenir les enfants à l’école, protège aussi l’emploi des enseignant·e·s car, ici en Albanie, le taux de natalité connait un profond déclin en raison de l’émigration, et les emplois des enseignant·e·s sont menacés.
Les enseignant·e·s organisent régulièrement des groupes de suivi pour échanger sur les moyens de créer un environnement bienveillant pour tous les enfants et d’intégrer les enfants àrisque de décrochage scolaire. Ils examinent comment communiquer de manière positive, comment accorder davantage d’attention à l’enfant et développer ses talents; et comment persuader un enfant de sa propre valeur quand certains parents eux-mêmes, ne le font pas. Ces nouvelles techniques aident aussi les enseignant·e·s à trouver les moyens de créer un environnement positif pour les enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux.
Les projets mettent également l’accent sur la construction de meilleures relations avec les parents, en particulier les parents des enfants les plus âgés, qui sont les plus à risque de quitter l’école. Les enseignant·e·s nous ont indiqué qu’ils n’avaient pas réellement pris conscience de l'ampleur consternante des problèmes sociaux et des difficultés économiques auxquelles certaines familles étaient confrontées.
Il·Elle·s ont organisé des activités conjointes avec les parents, telles que des foires aux livres, des concours artistiques ou des activités sportives. Il·Elle·s tiennent des «cafés-rencontres » avec les parents d’enfants qui sèchent les cours ou qui ne viennent plus du tout à l’école. Les parents voient ainsi que leurs enfants ont véritablement leur place à l’école, ce qui contribue à renforcer la coopération avec eux. Nous débattons des raisons qui motivent l’abandon scolaire - nous évoquons les problèmes de pauvreté et des raisons économiques. Ces rencontres ont lieu régulièrement, étape par étape.
En raison d’attitudes patriarchales profondément ancrées, les enseignant·e·s sont souvent amené·e·s à convaincre les familles de l’importance de l’éducation des filles. Ici, les filles roms et égyptiennes sont mariées à 14 ans selon les mariages coutumiers. Ceci n’est pas légal, mais elles sont bel et bien mariées. En conséquence, les filles quittent l’école à l’âge de 13 ou 14 ans, et même si elles ne se marient pas, on considère qu’elles sont adultes et qu’elles ne doivent pas aller à l’école. Si l’enfant vit encore à la maison sans être marié, et bon nombre vivent chez leurs grands-parents car leurs parents travaillent à l’étranger, alors nous obtenons quelques résultats.
Les parents nous rapportent également que les projets et le nouvel ethos en faveur d’une éducation inclusive, ont eu des répercussions positives sur l’ensemble du quartier. Un parent a expliqué que quelques années auparavant, les plus jeunes enfants trainaient souvent dans les bars ou dans la rue en compagnie de jeunes plus âgés, engagés dans des activités peu respectables. Or, il a observé que les enfants avaient progressivement réintégré l’école et selon lui, les rues sont devenues plus sûres.
Alors que nous célébrons la Journée mondiale de l’enfance, nous nous réjouissons de voir ce travail significatif se poursuivre au cours de l’année scolaire 2019/2020, dans 11 provinces d’Albanie, avec le soutien de l’IE, de la Fondation pour une enfance juste du Gewerkschaft Erziehung und Wissenschaft(GEW) allemand et du Syndicat néerlandais de l’éducation, l’AoB. À Korça, le projet est centré sur deux établissements que 53 enfants ont arrêté de fréquenter cette année, mais que nous espérons faire revenir. Cent vingt élèves également considérés à risque de décrochage scolaire vont bénéficier d’un soutien personnalisé. En outre, dans le cadre du projet, il est prévu de former 60 enseignant·e·s, des élèves plus âgés et des parents de certains quartiers cibles sur la législation nationale et internationale en matière de protection de l’enfant, ainsi que 20 formateurs syndicaux issus de 10 autres régions, sur la mise en œuvre de tels programmes dans d’autres établissements scolaires. Nous sommes convaincus que de plus en plus d’écoles seront ainsi mieux équipées pour prévenir l’abandon scolaire et les répercussions négatives qui en découlent pour nos enfants et futurs citoyen·ne·s.
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Le 20 novembre 2019 marque le 30e anniversaire de l'adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Pour célébrer l’anniversaire de l’un des traités sur les droits de l’homme les plus largement ratifiés de l’histoire, nous publions une série de blogs illustrant le travail et l’engagement des syndicats de l’éducation pour la promotion des droits des enfants, et en particulier leur droit à l’éducation. Compte tenu du nombre important d'enfants et de jeunes encore non scolarisés, notre travail est loin d'être terminé. Lisez l'intégralité de la déclaration de notre secrétaire général, David Edwards.
[1] Selon le rapport de l’UNESCO, 26 672 enfants étaient déscolarisées en 2008 et 4 665 enfants en 2017.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.