#jeunesenseignants « Un jeune enseignant et syndicaliste tchèque enthousiaste ! », par David Navrátil (ČMOS-PS/République tchèque).
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Je m’appelle David Navrátil et je suis professeur d’anglais, de géographie et d’allemand dans une petite ville de la République tchèque. J’ai décidé de devenir enseignant alors que je faisais mes études dans l’enseignement secondaire. Mes sujets de prédilection étaient les langues étrangères, l’éducation physique et la géographie. Le seul moyen de pouvoir étudier ensemble toutes ces matières était de s’inscrire à la faculté de pédagogie. J’ai également participé à des camps d’été, où je m’occupais généralement de petits groupes d’enfants. Je trouvais cela passionnant. Cela me plaisait tellement que l’idée de devenir enseignant me semblait être une excellente option pour moi.
Ce fut mon premier choix de carrière. Aussi ai-je commencé à enseigner dans notre école aussitôt après avoir décroché mon diplôme. Comme j’étais heureux et enthousiaste d’avoir obtenu ce poste et de pouvoir enfin réaliser mon rêve ! Je me rappelle à quel point j’étais nerveux les premiers jours à l’école, ces moments où j’étais debout, face aux élèves qui me regardaient. Je me souviens également de mes premières impressions : il·elle·s n’attendaient pas que leur professeur leur dise quelque chose, mais tentaient plutôt de deviner ma personnalité, de savoir qui était ce jeune enseignant debout devant la classe. Était-il sympathique, amusant, gentil ? Ce sont là mes premiers pas dans la réalité. Ensuite, tout a pris une autre tournure, tout s’est accéléré. Une montagne de documents, les programmes d’études, les manuels scolaires, la législation, les obligations, les supervisions, la préparation des leçons, les diverses activités et, bien entendu, l’enseignement lui-même : tests, examens, matériel, livres, etc. J’entends encore ma mère m’appeler « Komensky » (célèbre enseignant au Moyen-Âge). Elle m’observait, alors que j’avais la tête plongée dans mes documents. Toujours un stylo à la main. Elle n’arrêtait pas de rire. Et, en effet, ce n’était pas la réalité à laquelle je m’attendais. J’avais espéré entrer dans ma classe, donner mon cours et repartir le sourire aux lèvres, laissant derrière moi des élèves brillant·e·s et épanoui·e·s, heureux·euse·s de me saluer. Un monde merveilleux, en somme. Mais la réalité était tout autre. Mes collègues plus ancien·ne·s me conseillaient de lever le pied, d’ouvrir les yeux et de me montrer ouvert d’esprit. Je savais qu’il·elle·s étaient d’excellent·e·s enseignant·e·s et que, surtout, les élèves les appréciaient. Je me demandais alors: « Mais comment ont-ils fait? ». D’accord, j’étais supposé les écouter car je me sentais vraiment déprimé. Je ressemblais à un vieil homme ne sachant vraiment plus que faire. J’étais perdu. J’ai cru que j’allais mourir.
Et ensuite ? Je suis toujours bien vivant. Cette période a été difficile pour moi, mais j’ai accepté de relever le défi et j’ai fait de mon mieux pour devenir un excellent enseignant : j’ai commencé à écouter mes élèves. J’avais le sentiment d’entrer dans une autre réalité. J’ai ralenti la cadence et j’ai cessé de m’attarder à des futilités. Je me suis concentré sur les principaux sujets importants, sur mes élèves, sur ma communication avec eux·elles. J’ai pris conscience de leurs personnalités différentes et surtout de la confiance qu’il·elle·s m’accordaient. C’était là ma principale motivation et source d’inspiration.
Aujourd’hui, la situation est différente (du moins, je l’espère). Mes élèves sont calmes, m’écoutent généralement, me font confiance et savent que je suis là pour les aider et répondre à toutes leurs questions. Il·Elle·s savent aussi qu’il·elle·s ne doivent pas déranger les autres durant mes cours, qu’il·elle·s sont là pour apprendre, collaborer et participer en classe. Et il·elle·s le font. Maintenant je sais comment faire. C’est ce que j’ai appris et ce que tout le monde finit par apprendre : la seule chose qui importe, c’est tenir bon, être patient. En somme, c’est cela devenir un·e véritable enseignant·e!
Il m’est arrivé, évidemment, de songer à quitter la profession et j’y pense encore parfois. Mais j’essaie alors de faire quelque chose d’intéressant dans ma vie professionnelle : je me lance un nouveau défi, j’entame un nouveau projet, etc. Je me dis que ce n’est pas si mal d’être enseignant·e, que ce métier est exaltant en réalité. Parfois, j’ai l’impression que les responsables politiques ne mettent pas en pratique ce qu’il·elle·s attendent de nous : il·elle·s ne nous écoutent pas, ne comprennent pas nos besoins, se contentent de faire leur travail et ne se soucient pas de nous... Le ministère, les lois, nos salaires, le statut social des enseignant·e·s. Nous devrions tou·te·s nous lever et crier si fort qu’il·elle·s seraient obligé·e·s de nous écouter, nous voir, nous respecter et nous soutenir.
Au début de ma carrière, il y avait un homme. Un homme dont j’ai croisé le chemin. Il s’agit de mon ancien professeur du secondaire qui, au cours de mes premiers mois de travail, me disait : « Evidemment que tu deviendras un jour membre de notre syndicat ! A moins que tu souhaites rester seul dans ta vie professionnelle ? » Et qu’ai-je fait ? J’ai répondu non, je ne veux pas rester seul. Je lui faisais confiance et je n’ai jamais regretté d’avoir fait ce choix. Au cours des mois suivants, j’ai fait de nouvelles rencontres. Je suis devenu membre de la section des jeunes enseignant·e·s. J’ai assisté à des conférences et j’ai commencé à comprendre ce que représentait un syndicat: un groupe de gens qui comprennent mes problèmes professionnels (vu qu’ils rencontrent les mêmes), qui comprennent ce que je ressens (vu que leur ressenti est le même) et qui estiment que nous devons nous unir, nous battre pour notre avenir et nous soucier de notre statut social.
J’ai eu de nombreuses occasions d’assister à des congrès, de comprendre ce que signifie réellement la négociation, de participer à divers programmes et événements nationaux et internationaux, etc. Le syndicat dont je suis membre m’a permis de donner une nouvelle dimension à ma carrière et je lui en suis particulièrement reconnaissant. J’essaie d’encourager d’autres jeunes enseignant·e·s à s’affilier au syndicat.
Je comprends aujourd’hui que le principe de s’unir va bien au-delà des mots ou des formules. Il s’agit d’une nécessité. Car qui d’autre se battra pour défendre nos droits ? Ni le ministère de l’Éducation, ni la région. Uniquement le syndicat. Je suis déçu lorsque mes collègues ne comprennent pas cela. Pour moi, la chose est très simple : j’ai besoin de quelqu’un qui m’aide à me battre pour mes droits. Cela me plaît d’appartenir à un groupe de gens qui connaissent les mêmes joies et difficultés que moi. Je veux rencontrer des gens intelligents, des enseignant·e·s, qui peuvent partager leurs expériences avec moi. Je veux participer pleinement à mon syndicat.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.