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Mondes de l'éducation

Photo: GPE/Kelley Lynch
Photo: GPE/Kelley Lynch

« Transformer les économies et le financement de l’enseignement public post-COVID », par David Archer.

Publié 29 avril 2020 Mis à jour 30 avril 2020
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Les systèmes publics de santé et d’enseignement, sous-financés pendant une génération, sont dépassés par le COVID-19. Nous commençons à peine à percevoir l’ampleur de l’impact que cela produira sur les pays à faible revenu, et sur les filles et les femmes en particulier. C’est aux femmes qu’incombe en grande partie la charge de prendre soin des personnes malades et des enfants à la maison après l’école - tout comme leur revient le fardeau alourdi de la collecte de l’eau pour assurer un lavage de mains régulier dans le foyer. Ces points rendent effroyablement pertinentes les preuves, l’analyse et les recommandations présentées dans un nouveau rapport d’ActionAid. Nous exposons comment, en prenant des mesures sur l’imposition, la dette et l’austérité, la plupart des pays à faible revenu pourraient doubler leurs dépenses en faveur de l’éducation, de la santé et autres services publics essentiels.

Le nouveau rapport d’ActionAid (en anglais) Who Cares for the Future: finance gender-responsive-public services a été présenté lors des réunions virtuelles de printemps Fonds monétaire international (FMI)/ Banque mondiale. Il est basé sur des recherches révolutionnaires réalisées au cours de l’année écoulée, notamment sur les conditions et les conseils du FMI au regard des politiques qui affectent les services publics dans les pays à faible et moyen revenu ; sur la nouvelle crise de la dette et son impact sur la dépense publique (avec le Jubilé de la dette) ; sur le potentiel de réformes fiscales progressives et qui tiennent compte de la dimension de genre; sur les tendances en matière de dépenses publiques dans la santé, l’éducation, l’accueil de la petite enfance et l’eau;  et enfin, sur les liens existant entre le sous-financement des services publics et le poids des tâches non rémunérées relatives aux soins et au travail ménager qui reposent principalement sur les femmes. Au cours des six dernières semaines, l’analyse et les recommandations de ce rapport ont été mises à jour à la lumière (voire, dans l’ombre) de la pandémie.

Avant la pandémie, les femmes à travers le monde dédiaient en moyenne quatre heures et vingt-cinq minutes quotidiennement aux tâches non rémunérées liées aux soins et au travail ménager, comparé à seulement une heure et vingt-trois minutes en moyenne pour les hommes. Ce chiffre a évolué de moins d’une minute par an. Si elles étaient valablement estimées, ces tâches représenteraient au moins 9 % du produit intérieur brut (PIB) total ou onze mille milliards de dollars américains. Il est probable qu’au pic du confinement la charge de travail non rémunéré incombant aux femmes et liée aux soins et aux tâches ménagères a connu une augmentation significative. Il apparait aussi plus clairement que jamais qu’en vue de mettre un terme à cette injustice, la fourniture de soins de qualité en faveur de la petite enfance, de l’enseignement public, de la santé, de l’eau, de l’énergie et de la protection sociale a un rôle fondamental à jouer.

Malheureusement, les services publics des pays à faible revenu ont été continuellement sous-financés pendant des décennies, laissant des nations à la traine au regard de la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) et dans l’incapacité de riposter efficacement face au COVID-19. Ceux qui se battent pour un accroissement des financements en direction des différents services publics s’affrontent aussi souvent entre eux, dans le but de glaner une plus grande part d’un maigre gâteau (en tant que syndicalistes de l’éducation, nous en demandons 20 %), plutôt que d’œuvrer conjointement et se pencher sur des questions de financement plus larges et plus stratégiques telles que la dette, l’austérité et l’imposition, qui pourraient soutenir un changement de système dans l’éducation comme dans tous les autres services publics.

Le COVID-19 a frappé alors que l’ampleur d’une nouvelle crise de la dette est évidente. Notre nouvelle étude révèle que les pays qui consacrent plus de 12 % de leurs budgets au service la dette, ont réduit leurs dépenses en faveur des services publics au cours des trois dernières années. Ainsi, dans bon nombre de pays, les dépenses au service de la dette sont plus élevées que celles de l’éducation et de la santé confondues. Dans le contexte du COVID-19, les gouvernements des pays en développement devraient suspendre tous paiements de la dette, de sorte à pouvoir immédiatement puiser dans des sources de revenus déjà disponibles dans leur trésorerie pour apporter une réponse globale. Cette semaine, il y a eu quelques développements dans les réunions FMI/Banque mondiale, mais ils sont d’une ampleur extrêmement insuffisante. Il existe un accord de suspension du paiement de la dette qui concerne 25 pays pendant une durée 6 mois. Cependant, davantage de pays en ont besoin et il est d’ores et déjà évident que ce dispositif est nécessaire au moins jusqu’à la fin de 2021 – soit pendant vingt mois, pas six. Plus important encore, il doit exister un accord à long terme selon lequel aucun pays ne devrait dépenser plus de 12 % de son budget national au service de la dette lorsqu’il fait face à un manque cruel de financement en direction des services publics essentiels.

En dépit de nombreuses discussions ces dernières semaines au sujet de la dette, les politiques d’austérité qui ont laissé les pays à faible revenu si mal préparés pour affronter le COVID-19 font l’objet de bien moins de débats. Ces dernières années, le FMI a produit de nombreuses recherches progressives et des rapports sur des politiques. Toutefois, notre nouvelle étude révèle que dans la pratique, ce sont les mêmes vieilles politiques qui ne cessent d’être mises en œuvre. Le FMI a continué de limiter la dépense publique en imposant inutilement des objectifs de bas niveau d’inflation (dans 80 % des pays) et de déficit (dans 96 %), ainsi qu’en gelant ou coupant dans la masse salariale du secteur public (dans 78 % des pays). Où que ce soit, les groupes les plus importants qui constituent la masse salariale du secteur public sont les enseignant∙e∙s, les médecins et les infirmier∙ère∙s. Comment des nations peuvent-elles espérer parvenir à la réalisation des ODD si elles ne peuvent employer davantage d’enseignant∙e∙s, de médecins, d’infirmier∙ère∙s et de travailleur∙euse∙s dédié∙e∙s aux soins ? À l’heure actuelle, le FMI n’a fourni aucune indication sérieuse concernant le retrait de telles conditions ou l’évolution de leur orientation en matière de politiques.

Un troisième point crucial sur le financement des services public concerne l’ impôt. Les pays à faible revenu ont tendance à jouir d’un faible ratio de l’impôt rapporté au PIB (seulement 17 % en moyenne comparé à 34 % dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques et plus de 40 % en Scandinavie). En outre, l’imposition cible en grande partie les pauvres plus que les riches et ce, essentiellement en raison des conseils du FMI aux pays à faible revenu d’accorder la priorité à la taxe à valeur ajoutée plutôt qu’aux taxes redistributives. Notre étude révèle que les pays ont la possibilité d’élargir tant rapidement qu’équitablement leurs bases fiscales. En effet, pour la plupart des nations, un accroissement du ratio impôt/PIB d’au moins 1 % par an est réaliste, et reviendrait à atteindre 10 % d’ici la date butoir de 2030 pour les ODD. Ceci permettrait de doubler les recettes fiscales dans des pays comme le Nigéria et le Pakistan qui comptent le nombre le plus élevé d’enfants déscolarisés. Post COVID-19, cela peut et doit être réalisé de manière progressive, en ciblant les entreprises et les personnes privées les plus riches. En cinq ans, la plupart des nations pourraient doubler leurs dépenses publiques en faveur de l’éducation, de la santé, de l’eau etde la protection sociale.

En agissant de manière combinée sur la dette, sur l’austérité et sur l’imposition, il serait possible de doubler l’investissement dans tous les services publics. Cela serait déterminant pour la fourniture du financement nécessaire à la réalisation de l’ODD 4 et des autres ODD, ainsi que pour permettre aux États de remplir des obligations en matière de droits humains. Nous estimons que cela favoriserait également l’économie journalière de 9 milliards d’heures de travail non rémunéré lié aux soins et aux tâches ménagères, pour les femmes du monde entier.

Post-COVID, il nous faut une nouvelle économie – une économie qui ne mesure pas uniquement le progrès en termes de croissance du PIB en faisant fi des restrictions planétaires et en rendant invisible le travail non rémunéré des femmes. Nous devons construire des sociétés et deséconomies qui prennent soin des personnes comme de la planète, et qui intrinsèquement valorisent et évaluent le respect des droits fondamentaux.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.