L'héritage public et démocratique de l'enseignement uruguayen en danger
Le nouveau gouvernement conservateur d’Uruguay, qui a pris le pouvoir en mars dernier, a présenté au Parlement un projet de loi d'urgence (Ley de Urgente Consideración, LUC), qui est profondément antidémocratique tant dans son format que dans son contenu. Le LUC dans son ensemble nous place devant une offensive conservatrice et privatisante, visant à briser la tradition publique et démocratique qui a caractérisé l’enseignement du pays.
L'exécutif uruguayen a recours à des pouvoirs spéciaux pour contourner le débat démocratique au parlement et évite toute consultation avec les syndicats de l'éducation sur un texte qui modifiera pourtant substantiellement les lois régissant le système éducatif public.
Soixante-sept des 502 articles du projet de loi LUC concernent le secteur de l'éducation. Si elle est adoptée, la réforme conférera des pouvoirs importants au ministère de l'Éducation et limitera significativement la participation des enseignant·e·s au processus décisionnel en matière d'éducation. Elle ouvrirait également la porte à une implication des acteurs privés dans la gestion du secteur de l'éducation, alors qu'auparavant seul·e·s les enseignant·e·s ayant au minimum dix ans d'expérience dans l'enseignement public pouvaient siéger au conseil participatif.
En 2017, dans le cadre de sa Réponse globale contre la privatisation de l'éducation, l'IE a publié une étude(en espagnol) qui prévoyait la mise en œuvre de mesures permettant le financement public du secteur privé et l'introduction de politiques d'autonomie et de responsabilisation des écoles, telles que la rémunération des enseignant·e·s sur base de leurs performances.
Le projet de loi LUC prévoit un nouveau statut pour les personnels de l'éducation en transférant le pouvoir de décision aux directeur·trice·s d'école, avec pour résultat une fragmentation du système éducatif.
En outre, la loi supprimerait la disposition existante dans la loi sur l'éducation qui interdit tout accord ou traité, qu'il soit bilatéral ou multilatéral, avec des gouvernements ou des organisations internationales qui encourage directement ou indirectement la commercialisation de l'éducation.
Si elles étaient adoptées, ces réformes entreraient en vigueur au moment même où les enseignant·e·s et leurs syndicats auront un rôle de premier plan à jouer dans le retour à l'école des enfants et des étudiant·e·s après la phase la plus critique de la pandémie de COVID-19.
L’IE et ses organisations membres se solidarisent avec les affiliés en Uruguay, FENAPES et FUMTEP, ainsi que la plateforme des syndicats de l'éducation à laquelle ils appartiennent, la Coordinadora de Sindicatos de la Enseñanza del Uruguay(CSEU), en appelant le pouvoir législatif à bloquer cette réforme d'urgence qui met en péril le droit fondamental du peuple uruguayen à un enseignement public gratuit et de qualité.