Rapport d’enquête | Enseigner avec la technologie : le rôle des syndicats de l’éducation dans la construction de l’avenir
L’Internationale de l’Éducation publie aujourd’hui le rapport de son enquête mondiale sur l’avenir du travail au sein de l’éducation, consacrée à l’utilisation des technologies dans ce secteur. Réalisé par Dr Christina Colclough, ce rapport a été lancé à l’occasion d’une séance spéciale du Bureau exécutif de l’Internationale de l’Éducation.
Les technologies de l’éducation – EdTech – représentent une industrie en plein essor, dont le développement s’est encore accéléré au cours de l’année 2020 en raison de la fermeture des écoles imposée par la pandémie de COVID-19. Si les technologies de l’éducation promettent d’offrir des systèmes d’apprentissage personnalisé ayant le potentiel d’adapter l’enseignement au 21e siècle, elles posent également un certain nombre de problèmes, comme le risque d’accentuer les clivages en ce qui concerne l’accès à l’éducation.
Menée aux mois de juin, juillet et août 2020, durant la fermeture des écoles à l’échelle mondiale, l’enquête sur l’avenir du travail dans le secteur de l’éducation vise à mettre en lumière le développement des technologies dans l’enseignement, les implications en termes d’accès à l’éducation, la participation des enseignant·e·s à l’évaluation de ces outils, leur impact sur les élèves et la façon dont ils transforment la profession enseignante. Le rapport met également en avant plusieurs conclusions étonnantes qui permettront d’orienter les travaux futurs de l’Internationale de l’Éducation et de ses organisations membres.
Absence de consultation des syndicats de l’éducation
Durant la mise en veille des écoles pour lutter contre la pandémie de COVID-19, une grande majorité de pays se sont tournés vers les nouvelles technologies numériques. Alors que 75 % des syndicats ayant répondu à l’enquête indiquent que des technologies numériques ont été introduites dans leur pays au lendemain de la fermeture des écoles, 45 % déclarent ne pas avoir été consultés à propos de l’adoption de ces nouveaux outils et 29 % n’avoir été consultés que pour certains aspects de l’introduction des technologies numériques dans leurs systèmes éducatifs nationaux.
Ces conclusions témoignent d’une structure de prise de décision unilatérale agissant d’amont en aval et faisant délibérément abstraction du professionnalisme et de l’expérience des enseignant·e·s et des personnels de soutien à l’éducation. Les enseignant·e·s ne se voient offrir aucune opportunité de soulever des questions ou de signaler des problèmes avant la mise en œuvre des décisions et il ne leur est donc pas possible d’avoir une influence sur la nature même de ces technologies. Cela doit changer.
Accès des enseignant·e·s à Internet : fractures numériques
L’enquête révèle d’importantes fractures numériques en ce qui concerne l’accès des enseignant·e·s à Internet avant et pendant la pandémie de COVID-19. Les clivages les plus importants ont été observés dans le cadre des comparaisons entre zones rurales et urbaines et entre communautés riches et pauvres. Sans surprise, les zones urbaines et riches disposent d’un meilleur accès à Internet.
Les résultats de l’enquête confirment également une fracture numérique entre les pays industrialisés et les pays en développement, les enseignant·e·s ayant nettement plus de difficultés à accéder à Internet en Afrique et en Amérique latine qu’en Europe ou dans la région Amérique du Nord et Caraïbes.
Formation, soutien et compétences numériques des enseignant·e·s
Dans l’ensemble, les enseignant·e·s reconnaissent que leurs besoins de formation ne sont pas suffisamment satisfaits. Les syndicats participants ont classé l’utilisation des technologies pour l’enseignement et l’apprentissage comme étant le besoin de formation le plus urgent pour les enseignant·e·s.
Le rapport met en lumière le décalage qui existe entre le déploiement rapide des technologies numériques dans l’enseignement et les compétences réelles des effectifs.
Technologies numériques et bien-être des enseignant·e·s
Interrogés à propos de l’impact des technologies numériques sur le bien-être des enseignant·e·s, les syndicats participants mentionnent que leur plus grande préoccupation concerne l’intensification prévisible de la charge de travail, suivie d’une inquiétude plus ou moins égale pour les effets négatifs sur la santé, causés par le stress technologique et le temps passé devant un écran.
Nous constatons avec indignation que 32 % des réponses indiquent que le bien-être des enseignant·e·s et des personnels de soutien à l’éducation n’est pris en compte dans aucun instrument politique et seulement 27 % dans les conventions collectives.
Gouvernance des technologies numériques
S’agissant du degré d’implication des syndicats de l’éducation dans la gestion des technologies numériques, il ressort de l’enquête que les enseignant·e·s ne participent pas à la gouvernance de ces outils.
En effet, 75 % des syndicats participants déclarent ne pas être consultés à propos des technologies que souhaiteraient utiliser les enseignant·e·s et les personnels de soutien à l’éducation. La consultation des syndicats est la plus élevée dans la région Asie-Pacifique, suivie de l’Europe. L’Amérique latine est la seule région où les syndicats ne sont pas du tout consultés.
Interrogés à propos de leur implication dans l’évaluation des technologies numériques déjà utilisées, 74 % des participants déclarent ne pas y participer, en précisant qu’il n’existe aucune structure ou processus pour le faire. Seuls 17 % des syndicats participent à l’évaluation des technologies numériques.
Les syndicats se mobilisent pour que l’avenir du travail dans le secteur de l’éducation ait avant tout un visage humain
Saluant ce rapport, David Edwards, secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation a déclaré : « En tant que syndicats de l’éducation, nous devons développer notre expertise afin de mieux pouvoir anticiper l’impact des innovations technologiques sur les enseignants et enseignantes, et nous préparer à prendre des mesures, le cas échéant. Cela n’a jamais été aussi évident qu’aujourd’hui, vu l’impact de la COVID-19 sur l’éducation. Les syndicats de l’éducation doivent jouer un rôle de premier plan pour s’assurer que les technologies plébiscitées et utilisées offrent clairement des avantages aux étudiants et aux enseignants. L’Internationale de l’Éducation s’engage fermement à travailler avec ses organisations membres pour apporter un changement positif. Nos affiliés sont engagés et prêts à agir pour faire en sorte que l’avenir du travail dans le secteur de l’éducation soit avant tout un avenir à visage humain. »