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Philippines : les syndicalistes de l’éducation face à une escalade des violations des droits humains commises par le régime Duterte

Publié 19 juillet 2021 Mis à jour 13 octobre 2023

Le deuxième rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur les violations des droits humains aux Philippines (Investigate PH) a été publié ce mois-ci. Ce dernier fait état d’une recrudescence des violations des droits humains perpétrées par les agents de l’État dans la foulée des politiques sécuritaires et des déclarations violentes du président Rodrigo Duterte, adoptées en tant que décrets officiels.

Le rapport met en lumière trois aspects de ce terrorisme d’État : la guerre contre les pauvres (sous couvert de la « guerre contre la drogue »), la guerre contre la dissidence et la guerre contre le peuple Moro.

Les syndicalistes de l’éducation dans le collimateur

Le rapport relève que l’Alliance of Concerned Teachers (ACT), organisation membre de l’Internationale de l’Éducation aux Philippines, est l’une des principales victimes de violations des droits humains. Une campagne de « marquage rouge » vise à diffamer les syndicats du secteur public, entre autres l’ACT, en les étiquetant de groupes communistes.

Outre ses déclarations publiques ouvertement hostiles aux syndicats, le régime s’est également attaqué directement aux dirigeant·e·s syndicaux·ales. Le rapport prend pour exemple Rosanilla Consad, secrétaire syndicale de la région XIII de l’ACT et directrice adjointe du lycée national San Vicente, arrêtée sur la base d’une fausse accusation de tentative d’homicide en mars 2021. Soumise à un interrogatoire sans la présence de son avocat, elle a été présentée lors d’une conférence de presse comme « une haute responsable de la Nouvelle armée populaire, la faction armée du Parti communiste philippin ».

Le rapport indique aussi que des enseignant·e·s et des dirigeant·e·s syndicaux·ales ont été l’objet d’exécutions extrajudiciaires par la police et les militaires.

« La machine à tuer, sublimée dans la guerre contre les pauvres, vise à présent les défenseur·euse·s des droits humains et les opposant·e·s politiques. Lors de raids de type "tokhang" qui ont eu lieu à Negros, Panays et dans la région du Tagalog-Sud, les forces de police et militaires se sont livrées à des exécutions sommaires visant dirigeant·e·s agricoles, conseiller·ère·s municipaux·ales, enseignant·e·s, avocat·e·s, dirigeant·e·s paysan·ne·s, défenseur·euse·s des droits humains, syndicalistes, dirigeant·e·s autochtones et organisateur·trice·s urbain·e·s pauvres, dans leur propre domicile ou sur le chemin du travail. »

Réagissant au rapport, David Edwards, secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation et haut-commissaire d’Investigate PH, a déclaré :

« Ce solide rapport met en avant les exécutions extrajudiciaires, les arrestations et détentions illégales, le harcèlement et d’autres formes de violations des droits humains dont sont victimes les dirigeants et membres de l’Alliance of Concerned Teachers et d’autres affiliés de l’Internationale de l’Éducation aux Philippines. Notre contribution à ce rapport représente une nouvelle avancée pour garantir que les enseignants, les universitaires, les syndicalistes, les journalistes, les défenseurs des droits humains et les militants des droits civiques, perçus comme des membres de l’opposition, soient protégés à tout moment. »

Une action urgente internationale est indispensable

Il s’agit du deuxième d’une série de trois rapports réalisés par Investigate PH. Celui-ci s’appuie sur les conclusions du premier rapport publié en mars 2021, complément au rapport de juin 2020 du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'Homme.

Le rapport comprend une série de recommandations importantes, notamment un appel clair lancé aux Nations Unies pour mener une enquête sur les violations des droits humains commises par l’administration Duterte.

La publication du deuxième rapport fait suite à la récente demande de Fatou Bensouda, procureure sortante de la Cour pénale internationale, d’ouvrir une enquête sur la guerre sanglante menée contre la drogue par le Président Duterte. Son lancement coïncidait également avec la 47e session ordinaire du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.

Le rapport sera présenté au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, aux États membres du Conseil des droits de l’Homme, au secrétaire général des Nations Unies et à la Cour pénale internationale.

Le rapport et sa synthèse sont disponibles ici.

L’Internationale de l’Éducation soutient activement ses organisations membres aux Philippines qui défendent les droits humains et syndicaux, ainsi que les droits de tou·te·s les élèves à un enseignement public de qualité.