Le financement d’une éducation de qualité pour toutes et tous passe par l’impôt et l’investissement.
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Il est temps de parler impôts. Sans recettes nationales supplémentaires, les Objectifs de développement durable (ODD), et en particulier l’ODD 4 sur l’éducation de qualité, rejoindront les nombreuses promesses internationales non tenues.
Accroître les recettes fiscales...
La plupart des pays ne prélèvent aucun impôt progressif sur le revenu, et ceux qui le font – à quelques rares exceptions près – ont mis en place des impôts moins progressifs pour les niveaux de revenus les plus élevés.
Il en va de même pour les impôts des sociétés, qui ont connu des réductions compétitives en plus de la fraude et de l’évasion fiscales qui font rage. L’accord du G20 consistant à fixer un taux d’imposition minimum pour les sociétés à 15 pour cent constitue une avancée majeure pour inverser la tendance, même si ce niveau reste faible.
Le diable se cache toutefois dans les détails. Par exemple, la plupart des géants du numérique que sont Google, Amazon, Facebook, Apple ou Microsoft sont basés sur la Côte Ouest des États-Unis. Ce sont des entreprises mondiales qui gagnent de l’argent partout dans le monde. Si ces sociétés comptent parmi les entreprises les plus riches du monde, avec leurs homonymes chinois, elles ne paient toutefois que très peu d’impôt, lorsqu’elles en paient. Si cela venait à changer, d’importantes quantités de ressources pourraient être collectées et affectées à l’éducation ainsi qu’à d’autres services publics.
Bien que la solidarité mondiale joue un rôle important pour l’éducation, son impact ne doit pas être surestimé, puisque 97% du budget alloué à l’éducation provient des ressources nationales.
Les aides et les prêts représentent des solutions à court terme et imprévisibles. Il n’est possible de bâtir des systèmes éducatifs efficaces et de haute qualité qu’à l’aide d’investissements nationaux publics, qui constituent une source fiable et sûre.
À l’heure actuelle, les investissements nationaux publics dans l’éducation demeurent très en deçà des besoins et des objectifs fixés. Cette tendance s’observe dans de trop nombreux pays développés, mais la situation est bien pire dans les pays en développement. En moyenne, les pays n’investissent que 4,4 pour cent de leur PIB dans l’éducation, alors même que le minimum recommandé est de 6 pour cent du PIB ou de 20 pour cent du budget national pour les pays en développement. Dans les pays africains, l’éducation ne représente que 16,8 pour cent des dépenses publiques totales, soit bien moins que le minimum de 20 pour cent fixé.
... pour investir durablement dans une éducation inclusive de qualité et du personnel enseignant qualifié
Éducation de qualité et personnel enseignant de qualité vont de pair. Les élèves et les parents le savent, et toutes les études internationales sérieuses et faisant autorité abondent en ce sens. Qui paie les salaires des enseignantes et des enseignants ? D’où vient cet argent ? Qui paie leur formation initiale et leur développement professionnel continu ? Les impôts constituent la seule source de financement durable, prévisible et à long terme.
Même si les salaires dans la profession enseignante sont souvent bien trop faibles, ils constituent fréquemment le poste budgétaire le plus important dans les budgets consacrés à l’éducation. Cela tombe sous le sens : rien n’est plus important pour un enseignement de qualité qu’un·e enseignant·e de qualité dans chaque salle de classe.
Les aides et les prêts peuvent payer des bâtiments ou des livres, mais les gouvernements n’embaucheront pas davantage d’enseignant·e·s tant qu’ils n’auront pas la garantie que l’argent continuera à entrer. Ainsi, pour pouvoir remédier à la pénurie accrue de personnel enseignant qui frappe le monde entier, il faudra mener des actions afin d’augmenter les recettes fiscales et veiller à ce qu’une juste part de ces ressources reviennent à l’éducation.
Ce sous-financement de l’éducation et l’incertitude régnant autour du financement de celle-ci ont mené à la déprofessionnalisation ainsi qu’à la précarisation du métier, tout particulièrement en Afrique. Nombre de gouvernements continuent d’embaucher des personnels non qualifiés. Le personnel enseignant est souvent engagé sous des contrats à court terme qui garantissent à peine un salaire décent, et est forcé de travailler dans des conditions presque impossibles à tenir.
Cela doit cesser. Nous devons refaçonner la profession enseignante, mettre un terme aux pénuries d’enseignant·e·s et verser des salaires décents équivalents à ceux des professions d’autres secteurs aux qualifications similaires. Cet objectif ne pourra être rempli qu’en augmentant les recettes fiscales, car on ne peut pas bâtir à long terme sans une base de financement à long terme.
L’importance du contrôle et de la transparence dans l’utilisation des fonds
En revanche, il est inutile de prélever des impôts pour financer l’éducation si ces recettes ne produisent aucune différence dans les salles de classe. Je me souviens du dirigeant d’une de nos organisations membres africaines qui m’avait signalé, lors d’une discussion avec des pays donateurs, que son pays avait atteint son objectif en matière de financement de l’éducation. Il a toutefois ajouté qu’avant cette augmentation des financements, il avait plus de 90 élèves dans sa classe et que ce nombre n’avait pas changé depuis.
Il n’est par conséquent par suffisant de prélever des impôts. Nous avons besoin de transparence ainsi que de règles et de procédures strictes grâce auxquelles des recettes plus élevées seront synonymes de progrès pour le pays. Les citoyen·ne·s doivent pouvoir faire confiance à leur gouvernement quant à l’utilisation des recettes fiscales. Celles-ci doivent servir l’intérêt général et non les intérêts personnels.
L’enseignement public joue un rôle crucial et indispensable dans le développement et la création de sociétés plus justes et plus équitables. Si certains gouvernements se sont tournés vers la privatisation ou les partenariats public-privé pour résoudre ce problème rapidement, ces tentatives n’ont cependant pas porté leurs fruits. Au contraire, elles ont souvent entravé plus encore la transparence des systèmes d’éducation et transféré les responsabilités des gouvernements vers des sociétés qui ont certes des comptes à rendre à leurs actionnaires, mais pas aux communautés dans lesquelles elles opèrent.
Comment les organismes internationaux comme le GPE peuvent-ils aider à la reprise après la pandémie ?
La pandémie de COVID-19 est venue aggraver les difficultés financières des pays, et a porté une grave atteinte à l’éducation. Nos études révèlent que dans de nombreux pays africains, la fermeture des écoles a sonné le glas de l’éducation. L’enseignement à distance a comporté un apprentissage limité, voire inexistant.
En Afrique et dans de nombreux autres pays en développement, la pandémie est loin d’être terminée. Les écarts entre les opportunités d’éducation de nos élèves et des élèves du reste du monde ne feront que s’accroître. Cette réalité renforce la nécessité de transformer radicalement les financements.
Dans notre vision intégrée du monde, les problématiques liées à la fiscalité sont nationales, mais ont des impacts aux niveaux régional et mondial. C’est pourquoi les institutions mondiales doivent se pencher, honnêtement et directement, sur la nécessité de disposer de systèmes d’imposition efficaces, transparents et justes.
Le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE, acronyme anglophone) est une institution mondiale unique. Il s’agit du seul fonds mondial dédié à l’amélioration de l’éducation dans les pays en développement. Il travaille avec 76 pays à faible revenu et bénéficie de la participation active de pays en développement partenaires, de pays donateurs, de syndicats de l’éducation, de la société civile et d’autres secteurs.
J’ai eu l’honneur de représenter l’Internationale de l’Éducation (IE) lors d’une réunion parallèle du GPE le 27 juillet. Cela a été l’occasion d’engager des discussions sincères et intéressantes avec des représentant·e·s de gouvernements, d’organisations internationales, étudiantes et de la société civile, ainsi que des expert∙e∙s en fiscalité quant à la nécessité d’engranger des revenus pour financer l’éducation grâce aux impôts. Bien que cette question préoccupe l’Internationale de l’Éducation depuis bien longtemps, il n’y a pas eu suffisamment de réflexion et d’actions à ce sujet aux niveaux national, régional et mondial.
Le GPE pourrait montrer la voie en intensifiant ses actions dans le domaine de la fiscalité. Le Partenariat peut exercer un pouvoir de mobilisation et aider les pays à faibles et moyens revenus à augmenter leur ratio recettes fiscales/PIB pour atteindre celui des pays développés, c’est-à-dire doubler les 17 pour cent enregistrés à l’heure actuelle. En outre, nous devons combattre la corruption ainsi que la fraude, l’évasion et les vacances fiscales qui font rage et continuent à drainer les ressources en dehors de nos pays.
Il est capital que le GPE se serve de ses outils pour veiller à ce que tous les pays partenaires atteignent les valeurs de référence fixées à l’échelle internationale en matière de financement de l’éducation. Aucun pays ne devrait remplacer son allocation budgétaire nationale par un don du GPE.
L’exercice du droit à une éducation de qualité pour toutes et tous passe par des investissements massifs dans l’éducation et le personnel enseignant, grâce à des impôts adéquats et justes.
Le GPE, les institutions financières internationales, les autres organismes internationaux et les gouvernements doivent agir dès maintenant pour garantir ce droit.
À une époque où notre communauté internationale connaît un état d’urgence et de stress extrême, il est inacceptable que ses promesses ne soient pas suivies d’action.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.