Une solution simple pour l’éducation
« Le plus gros problème dans la communication est l’illusion qu’elle a eu lieu. » - George Bernard Shaw
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Nous avons fêté la Journée internationale de l’éducation le 24 janvier.
En cette période sans précédent, en ce début de troisième année de la pandémie, je suis heureux d’être enseignant. Je suis heureux d’avoir un travail que j’aime et qui apporte quelque chose de positif dans la vie quotidienne de mes élèves.
Je suis également conscient que je n’ai pas le « droit » à un emploi et que tout le monde n’a pas été en mesure de travailler ou de travailler de façon ininterrompue. Je sais aussi que tout le monde n’a pas un travail passionnant. Tout le monde ne connaît pas cela. En dehors des entreprises de haute technologie et des grandes chaînes d’alimentation ou de distribution, je pense que pas un seul groupe d’âge, une seule profession ou un seul groupe socio-économique n’a échappé aux conséquences négatives provoquées par la COVID. Cette nouvelle vague exaspère même les plus résilient·e·s d’entre nous. Certain·e·s doivent faire face au deuil. D’autres luttent simplement pour gagner leur vie. D’autres encore se battent pour survivre à la journée. Et d’autres se battent pour respirer.
Faire face à des attentes accrues
La vie des enseignant·e·s ne fait pas exception. Les demandes imposées à notre profession ont été considérables. Les attentes à l’égard des enseignant·e·s et leur charge de travail ont augmenté de manière spectaculaire. Nous tentons de trouver un équilibre entre éduquer, donner cours et protéger nos élèves, nous-mêmes et nos familles. Nous écoutons les médias pour obtenir des informations qui concernent directement nos élèves, nos salles de classe, notre charge de travail et les protocoles sanitaires à respecter, tout cela sans que les responsables aient la courtoisie de nous inclure dans la planification et la prise de décisions qui vont affecter nos élèves, nos salles de classe et nos écoles.
Ces facteurs de stress supplémentaires ont entraîné une hausse des cas de burn-out chez les enseignant·e·s, ce qui a incité les ministères de l’Éducation à redéfinir ce qu’est réellement un « remplaçant ». Oui, je sais que l’enseignement n’est pas le seul métier de première ligne à avoir dû faire des sacrifices et que nous ne sommes pas les seul·e·s à constater un exode massif de notre profession en raison de ces attentes irréalistes et de ces directives impossibles à appliquer.
Les attentes à l’égard des enseignant·e·s échappent à tout contrôle et c’est par fierté, compréhension, crainte ou sens du devoir que nous sommes resté·e·s relativement en silence. Fierté, parce que nous croyons que, quelle que soit la situation, nous pouvons aider nos élèves et nos communautés. Compréhension, parce que nous savons que tout le monde se bat d’une manière ou d’une autre, et beaucoup bien plus que nous, alors nous avons décidé de montrer la voie par nos actes. Crainte, parce que nous ne sommes pas à l’aise à l’idée de sortir du rang, parce que nous ne voulons pas être considéré·e·s comme « n’ayant pas l’esprit d’équipe ». Sens du devoir, parce que nous sommes là pour nos élèves et nos communautés dans l’espoir de pouvoir construire un avenir meilleur, inclusif, équitable et durable.
Ce que nous ne pouvons pas supporter et que nous ne devrions pas avoir à supporter, ce sont les surprises, chaque nouvelle directive, chaque nouvelle collecte de données qui affecte notre enseignement et l’apprentissage des enfants. Ces surprises, qui sont généralement annoncées lors d’une conférence de presse, affectent directement la manière, le moment et le lieu où nous exerçons notre profession. Et il est particulièrement irritant que ces changements soient décidés par des personnes qui ne comprennent absolument rien à notre métier.
Nous nous efforçons de faire confiance au monde politique et aux responsables dans de nombreux pays, mais la crédibilité n’est pas monnaie courante. Il est malheureux que des responsables politiques comme la Première Ministre néo-zélandaise, Jacinda Arden, semble être l’exception et non la règle ces temps-ci. Elle a annulé son mariage après avoir annoncé le dernier confinement et je pense qu’elle tiendra parole. Quelle comparaison avec le Premier Ministre britannique, qui a participé à des soirées et à sa fête d’anniversaire alors qu’il imposait un confinement à la population ! Cela m’a mis profondément en colère. En fait, j’étais furieux en pensant au nombre d’enfants qui n’ont pas pu célébrer des étapes importantes de leur vie avec quiconque depuis trop longtemps ou qui ont renoncé à leur activité sportive, à la musique, à leur vie sociale, aux personnes qui pleurent la perte d’un proche sans la possibilité d’un dernier salut. Il n’est pas étonnant que les gens soient frustrés.
Les enseignant·e·s ont un sens aigu du devoir. Nous avons le devoir d’incarner des qualités telles que l’inclusion, l’équité, l’intégrité et l’honnêteté, que nous souhaitons voir se développer aussi chez nos élèves. Nous comprenons l’importance de montrer ces traits de caractère aux petits yeux qui nous regardent chaque jour. Ces élèves ont des noms, des besoins, des espoirs et des rêves. Alors, nous allons tranquillement travailler, sacrifier notre propre santé et nos relations parce que nous comprenons toutes et tous que le respect des protocoles/directives sanitaires signifie que nos élèves et nous-mêmes sommes en contact avec bien trop de monde. La distanciation est impossible dans des salles de classe remplies et faire porter un masque tout le temps à tous nos élèves est irréaliste et démontre une fois de plus une absence totale de compréhension de la situation.
Les enfants ont besoin de routines, de rituels et de structure. Ils ont besoin de la salle de classe pour avoir des directives et des règles qu’ils peuvent apprendre, tester et appliquer dans la vie. En temps normal, les protocoles applicables en classe sont élaborés et développés collectivement avec les élèves, dans le cadre de la structure scolaire. Nous le faisons avec nos élèves parce que c’est une bonne leçon de civisme et nous savons que l’adhésion de nos élèves est essentielle pour le bon fonctionnement de nos classes. Nous créons une culture de classe, mais aujourd’hui, nous nous retrouvons souvent à nous excuser pour des décisions que nous n’avons pas prises et qui, parfois, ne riment à rien.
On aurait pensé que nous aurions compris à la cinquième vague que les actes ont leur importance, que les mots ont leur importance et que notre contrat social a de l’importance.
Le chemin vers le leadership et la responsabilisation
Alors que nous célébrons la quatrième Journée internationale de l’éducation, je pense que nous avons une solution. Une solution tellement simple qu’elle paraît presque incroyable ou impossible.
Tout comme les enseignant·e·s communiquent et responsabilisent les élèves en les faisant participer à l’élaboration d’une culture de classe et à des protocoles en leur donnant une voix, un choix et de l’autonomie, le gouvernement devrait lui aussi impliquer les enseignant·e·s dans tous les aspects de l’éducation. Quand je parle de communication, je veux vraiment parler d’une communication transparente, sans agenda caché (c’est-à-dire honnêtement). Et par responsabilisation, j’entends nous traiter comme la force de travail professionnelle et éduquée que nous sommes et croire que nous savons le mieux comment faire notre travail, sans qu’il soit nécessaire de nous imposer constamment des mesures et des politiques de reddition de comptes basées sur des données.
Les enseignant·e·s travaillent dur pour former les citoyens d’aujourd’hui et de demain. Nous prenons cette responsabilité à cœur. Nous espérons que nos objectifs d’un système éducatif inclusif et équitable, qui prépare les enfants à entrer et à gérer un monde démocratique et durable, sont partagés par le gouvernement. Le gouvernement et les enseignant·e·s doivent tirer (ou pousser) ensemble dans une seule direction, si nous voulons y parvenir. Nous ne pouvons pas permettre que cela devienne un nouveau Sisyphe. Et la communication est la clé.
Les enseignant·e·s doivent avoir les moyens de faire leur travail correctement. Armé·e·s des outils et des ressources pour ce faire, nous pouvons personnaliser et contextualiser l’éducation de nos élèves. En vérité, avant même le début de cette pandémie, la communication était dirigée vers les enseignant·e·s, vers les élèves, vers les chef·fe·s d’établissement, vers les écoles. Notre travail consistait à cocher les cases. Cela a créé un système fondé sur des données et le sentiment que, lorsque toutes les cases sont cochées, cela fonctionne et que l’apprentissage a eu lieu. Cela ne reflète pas la réalité de nos élèves ou des communautés dans lesquelles ils vivent ou l’apprentissage holistique qui a lieu dans nos salles de classe.
En novembre 2021, la commission de l’UNESCO sur les futurs de l’éducation a publié son rapport intitulé Repenser nos futurs ensemble : un nouveau contrat social pour l'éducation, dans lequel il est dit que « Les décisions concernant le fonctionnement des écoles ou des salles de classe sont trop souvent effectuées par ceux qui en sont loin, avec peu ou prou de dialogue et d’interaction. Il faut y remédier, et accueillir les enseignants comme animateurs et éclaireurs du débat public, des politiques et du dialogue sur les futurs de l’éducation. L’engagement des enseignants dans ces domaines doit être reconnu comme un élément essentiel de leur métier ; ils ont un rôle crucial à jouer dans l’instauration d’un nouveau contrat social pour l’éducation. »
Je me demandais si nous avions franchi un cap au début de la pandémie de COVID-19 et si les gouvernements du monde entier étaient enfin disposés à collaborer avec les enseignant·e·s pour construire un meilleur présent et un meilleur avenir. Mais je m’étais trompé sur presque tout. Nous n’observons une véritable volonté de travailler et de collaborer que dans une poignée de pays seulement.
Sortir du statu quo à mesure que nous reconstruisons
Au printemps 2020, les enseignant·e·s ont fait ce qu’il·elle·s font bien, comme mettre de côté leurs craintes, protéger leurs salles de classe des obstacles ou difficultés extérieurs et se concentrer sur les élèves qui sont devant eux·elles. Cela a conduit à une profusion de développement professionnel, de partage en ligne, d’idées novatrices pour compenser les fermetures d’école jusqu’à ce que nous puissions retourner en classe. Un feu avait été allumé.
Mais l’éducation s’est finalement regardée dans le miroir et ce n’était pas joli à voir. Il est apparu que notre système reposait sur la bonne volonté des enseignant·e·s à se dépasser, qu’on les culpabilisait s’il·elle·s n’étaient pas surhumain·e·s à chaque fois. L’apprentissage en ligne a révélé que l’inégalité était un problème considérable dans nos écoles et qu’enseigner était, en fait, un travail très complexe. Le monde a réalisé combien certains systèmes éducatifs étaient hors d’atteinte pour les écoles locales. Le château de cartes, construit sur la bonne volonté collective de tant de personnes désintéressées, s’effondrait. Cela a été un choc pour beaucoup, mais pas pour les enseignant·e·s ou les chef·fe·s d’établissement.
J’ai cru sottement que le premier confinement de 2020 allait nous donner le temps de repartir de zéro. J’espérais que nous allions réajuster le tir, atteindre les enfants différemment, en particulier lorsque tous les élèves du monde se sont demandé : « pourquoi je fais ça s’il n’y a pas de test ? ». Il·Elle·s n’étaient pas engagé·e·s pour la bonne raison, parce que le système était fondé sur une sélection axée sur des tests standardisés. Ne comprenant pas que l’éducation et l’apprentissage peuvent être plus que cela, il·elle·s étaient tombé·e·s dans un système qui ne récompense que peu d’entre eux·elles. Nous devons revoir notre contrat social avec nos élèves et nos communautés dans le monde entier.
En raison de la pandémie de COVID, je pense que nous devons affronter trois crises.
La première est une crise d’identité et de direction dans tous nos systèmes éducatifs. On la voit venir depuis longtemps, mais nous allons la prendre de face, que nous le voulions ou non. Cela nous imposera de repenser l’objectif de l’éducation, un enseignement public fort, inclusif et équitable ou un enseignement privé pour quelques-un·e·s, et de prendre des décisions sur le rôle que joueront les technologies numériques. La deuxième est une crise de santé mentale touchant à la fois les enseignant·e·s et les enfants et leurs communautés, dont les effets réels ne se feront sentir que dans les prochaines années. La troisième est l’exode massif d’enseignant·e·s et l’incapacité à en recruter de nouveaux·elles en raison des attentes irréalistes et de l’absence de contrôle sur l’élaboration et la mise en œuvre de ces attentes. Cela poussera de nombreux pays à appliquer des mesures manquant de vigueur pour mettre des personnes devant des enfants plutôt que les professionnel·le·s dont il·elle·s ont besoin. Malheureusement, ce seront nos enseignant·e·s les plus dévoué·e·s, créatif·ive·s et innovant·e·s qui vont partir. Je me demande si nos dirigeant·e·s se rendent vraiment compte de ces conséquences. Est-ce que cela les préoccupe même ? Est-ce qu’il·elle·s voient l’éducation comme un investissement dans notre avenir ou une dépense dont il·elle·s peuvent se débarrasser en échange de bulletins de votes ? Ou pire, vont-il·elle·s privatiser l’éducation pour que leurs ami·e·s se fassent de l’argent sans analyser l’effet que cela aura sur nos communautés et nos démocraties ?
Chaque jour, j’interagis avec de nombreuses personnes, c’est inévitable. La culpabilité que j’ai ressentie en m’efforçant de respecter un système de bulles, qui n’était pas réalisable, me hante encore et hante mes collègues du monde entier. Quand il s’agit d’écoles, les directives étaient essentiellement destinées à donner un sentiment de sécurité au public et à rien d’autre. Nous voyons comment cela a tourné aux États-Unis et ailleurs, où de nombreuses écoles doivent aujourd’hui fermer parce qu’elles ne disposent plus du personnel pour rester ouvertes en toute sécurité. Aucun·e de nous ne veut être celui ou celle qui attrapera la COVID-19 et la transmettra aux gens qu’il·elle aime, nos parents, nos enfants, nos partenaires, nos amis et/ou nos élèves. Mais, en même temps, nous ne voulons pas laisser nos élèves seul·e·s face aux nouveaux défis, sans personne pour écouter leurs craintes. Chaque enseignant·e a, à un moment donné au cours de ces deux dernières années, été pris·e entre le marteau et l’enclume et a dû prendre des décisions difficiles sur la manière de procéder. Cela vaut aussi pour chaque chef·fe d’établissement, chaque parent, chaque travailleur·euse de première ligne et chaque travailleur·euse de la santé.
Il nous faut plus qu’une simple reconnaissance des pressions uniques que subissent les enseignant·e·s. Nous avons besoin d’une véritable collaboration et d’une véritable communication entre nos dirigeant·e·s et les membres de notre profession. Pourtant, nous assistons à un retour au statu quo, avec davantage de collectes de données pour montrer que leurs décisions fonctionnent et maintiennent nos enfants en sécurité. Par ailleurs, je pense que l’apprentissage en ligne est un oxymore. Pire, il est devenu la panacée, la solution miracle, à laquelle les gouvernements reviennent trop rapidement. Il creuse davantage l’écart entre ceux·celles qui ont et ceux·celles qui n’ont pas.
Des changements radicaux et profonds doivent être apportés à la manière dont nous prenons les décisions dans l’éducation, dont les enseignant·e·s sont dirigé·e·s et dont la profession est perçue si l’on veut que nous fassions de notre mieux pour nos élèves, nos communautés et notre avenir.
Cela ne se produira pas si une communication honnête et l’autonomisation des enseignant·e·s demeurent des illusions.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.