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Mondes de l'éducation

Photo: GPE/Alexandra Humme
Photo: GPE/Alexandra Humme

L’impact des politiques du FMI sur la masse salariale du service public en Zambie

Publié 22 avril 2022 Mis à jour 17 juin 2024
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Nous disposons de suffisamment de données indiquant que les mesures d’austérité du Fonds monétaire international ont le potentiel d’affecter défavorablement la capacité de la Zambie à atteindre l’Objectif de développement durable (ODD) n°4. Il est ainsi paradoxal que le système mondial encourage l’investissement dans l’accès à l’éducation de qualité pour tou·te·s, alors même qu’il dresse des obstacles sur la voie de l’accès envisagé.

En 2013, le Fonds monétaire international (FMI) a conseillé au gouvernement zambien de maintenir sa masse salariale dans la limite de 35% des recettes publiques à moyen terme et de 8% du Produit intérieur brut (PIB).

La réaction du gouvernement a été de geler ou de baisser les échelles de salaires, en fusionnant certaines indemnités dans le salaire de base. Cette situation s’est également traduite par un plafonnement des salaires, limitant la capacité des syndicats d’enseignants à négocier une augmentation salariale et une amélioration des conditions de service.

Le conseil du FMI a également donné lieu à une réduction du recrutement et du déploiement des fonctionnaires, y compris des enseignant·e·s. Par ailleurs, certaines indemnités, telles que celles relatives aux travaux supplémentaires, au recrutement et à la rétention ont été supprimées. Le gouvernement n’a, depuis un certain temps, créé aucun nouveau poste, recrutant seulement pour remplacer ceux et celles quittant la fonction publique pour cause de départ à la retraite, de démission ou de décès.

L’impact de telles mesures contraignantes a démotivé de nombreux·euses enseignant·e·s et s’est traduit par une baisse de leur moral et engagement. Il a également accru la charge de travail des enseignant·e·s, contraint·e·s d’enseigner plus longtemps sans être rémunéré·e·s pour ce travail supplémentaire, en raison du nombre élevé d’élèves par enseignant·e.

Enseignant·e·s surchargé·e·s, sous-payé·e·s et dévalorisé·e·s

L’Objectif de développement durable n°4 relatif à l’éducation fixe des cibles à atteindre d’ici 2030. Bien que la Zambie ait accompli des progrès significatifs dans la réalisation de certains ODD, tels que l’amélioration des taux de scolarisation en primaire et la parité garçons-filles, l’accès à l’éducation de qualité pour tou·te·s d’ici 2030 reste peu probable.

L’analyse des résultats des examens et les discussions avec des apprenant·e·s de l’enseignement primaire et secondaire ainsi que ledu personnel dans le cadre de l’étude « Public Wage Bill Constraints- Stories from the frontline » indiquent clairement la façon dont les acquis d’apprentissage et dans une certaine mesure les progrès ont pâti du manque d’enseignant·e·s. Malgré l’existence de nombreux facteurs affectant la qualité de l’éducation, la récente étude a clairement démontré qu’un manque d’enseignant·e·s et leur faible motivation ont un impact considérable sur la qualité de l’éducation, telle que mesurée par la disponibilité d’enseignant·e·s qualifié·e·s (rapport élèves/enseignant·e) et son impact sur les acquis d’apprentissage.

Un·e enseignant·e motivé·e et engagé·e est en mesure d’improviser pour produire des supports pédagogiques et chercher des moyens de faire face aux lacunes existantes ou à une pénurie de ressources d’apprentissage et d’enseignement. Par exemple, l’évaluation du projet intitulé « Quality of Early Childhood Education and Decent Employment in Zambia Project », a mis en lumière la capacité des enseignant·e·s de l’éducation de la petite enfance (EPE) à créer des supports d’apprentissage et d’enseignement à partir de matières premières locales. Cette créativité a malheureusement été revue à la baisse à tous les niveaux d’éducation. Les enseignant·e·s n’ont plus la motivation de s’investir pleinement. Ils·elles n’en voient pas l’intérêt dans la mesure où la créativité n’est aucunement récompensée. Au cours des premières années suivant l’indépendance (après 1964), devenir enseignant·e était une réussite en raison de l’importance accordée par la société à l’enseignement. Celui-ci était considéré comme une profession noble et les éducateur·trice·s s’employaient à élaborer des supports d’enseignement et d’apprentissage à partir des ressources locales et enseignaient avec fierté. Aujourd’hui, l’enseignement est simplement considéré comme un autre moyen de subsistance parmi d’autres pour ceux et celles qui n’ont pas réussi à obtenir un emploi ailleurs.

Les politiques du FMI entravent l’éducation de qualité

Le gouvernement zambien a réalisé d’importants investissements dans l’infrastructure, notamment dans la construction d’établissements scolaires supplémentaires et de salles de classe. Il a également adopté des politiques progressistes et positives, telles que les politiques de retour à l’école. L’accès à l’éducation de qualité, en particulier en milieu rural et dans les zones périurbaines les plus défavorisées, reste toutefois problématique, principalement en raison des frais de scolarité. Cependant, la proclamation par le nouveau gouvernement de l’enseignement gratuit, de l’éducation de la petite enfance à l’école secondaire a, dans une certaine mesure, augmenté la fréquentation à tous les niveaux et par la même occasion alourdi la charge de travail pesant sur les enseignant·e·s zambien·ne·s déjà surchargé·e·s. À la suite de la proclamation de l’éducation gratuite, le rapport élèves-enseignant·e a augmenté, en particulier dans les écoles rurales, pour dépasser légèrement 110-1.

Quant aux budgets des écoles, les frais de scolarité permettaient à la direction de lever des fonds supplémentaires. Ces recettes étaient notamment allouées pour venir en aide aux enseignant·e·s en difficulté et constituaient par conséquent une forme de motivation. Les travaux de recherche menés sur le terrain sur les contraintes relatives à la masse salariale ont révélé que le nombre insuffisant d’enseignant·e·s, les bas salaires et le rapport élevé élèves-enseignant·e affectaient la performance des enseignant·e·s et à terme la qualité de l’éducation. Il est raisonnable de conclure que, compte tenu de la situation actuelle, la Zambie pourrait rencontrer des difficultés pour atteindre les indicateurs de l’ODD n°4, en particulier ceux portant sur la qualité de l’éducation et sur les acquis d’apprentissage.

Le sous-secteur de l’EPE a le plus souffert du conseil du FMI au gouvernement, vis-à-vis du nombre et de la qualité des enseignant·e·s. À titre d’exemple, les activités relevant de l’EPE dans les écoles visitées au cours des travaux de recherche menés sur le terrain, étaient minimales. Par ailleurs, certains établissements scolaires ne comptaient aucun·e enseignant·e et l’enseignement était assuré par des bénévoles, parmi lesquels figuraient un certain nombre de personnes non qualifiées. Ces enseignant·e·s étaient souvent rémunéré·e·s par le biais d’un financement communautaire mobilisé par des comités parents-enseignant·e·s locaux. Dans certains cas, bien que tenu·e·s d’assurer un enseignement de qualité, ces enseignant·e·s devaient parfois patienter six mois avant d’être rémunéré·e·s.

Bien qu’il soit raisonnable d’avancer l’idée que le conseil du FMI sur la masse salariale publique ait contribué à de faibles niveaux de recrutement et de motivation des enseignant·e·s, le gouvernement y a également grandement participé, à travers une mauvaise planification et une utilisation inadaptée des fonds publics. Le vérificateur général a ainsi identifié ou mis en lumière des cas d’utilisation abusive ou d’appropriation illicite de fonds publics qui auraient pu être affectés au recrutement des enseignant·e·s et aux mesures visant à accroitre la motivation.

Les syndicats d’enseignants ont intensifié leurs actions de plaidoyer pour que les crédits supplémentaires au secteur de l’éducation soient également affectés au recrutement et à l’amélioration des conditions de service. Ces syndicats devraient également porter leur attention sur le contrôle et le suivi des dépenses publiques afin de s’assurer que les ressources allouées soient prudemment utilisées et atteignent bien leurs cibles, sans quoi, l’avenir de la profession enseignante serait menacé et la qualité de l’éducation pourrait être irrémédiablement compromise.

La pénurie d’enseignant·e·s qualifié·e·s et motivé·e·s a été identifiée comme l’un des enjeux les plus importants en vue d’atteindre l’ODD n°4. Le rôle de l’enseignant·e dans la mise en place de l’éducation de qualité sera, sans aucun doute, déterminant en vue de la réalisation par la Zambie des cibles de l’ODD n°4 d’ici 2030.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.