Réclamer des progrès pour l’éducation et la recherche à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle
Cesser de faire courir des risques aux enseignant·e·s et promouvoir des réformes internationales équilibrées permettant aux personnels de l’éducation et de la recherche d’adapter et de choisir leurs ressources afin de garantir une éducation et une recherche de qualité.
Tel est en substance l’appel à l’action lancé par l’Internationale de l’Éducation lors de la 42e réunion du Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes (SCCR) de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), réuni du 9 au 13 mai à Genève, en Suisse.
Le SCCR de l’OMPI a été créé au cours de l’exercice biennal 1998-1999 pour examiner les questions de droit substantiel ou d’harmonisation dans le domaine du droit d’auteur et des droits connexes. Il s’agit précisément de ce comité international qui, au travers d’un ensemble d’instruments juridiquement contraignants, pourrait régler le plus efficacement la question des restrictions liées au droit d’auteur pour l’éducation.
Étude de l’Internationale de l’Éducation : les législations en matière de droit d’auteur sont inadaptées à l’enseignement dans un environnement numérique
À l’occasion de la réunion du SCCR, l’Internationale de l’Éducation a publié une étude réalisée par Teresa Nobre, intitulée Est-ce légal? Éducation et droit d'auteur à l’ère numérique. Ce rapport brosse un tableau plutôt sombre de la situation des législations en matière de droit d’auteur à travers le monde. Plusieurs activités pédagogiques de base telles que la présentation d’une vidéo dans le cadre d’un cours en ligne ou l’enregistrement d’un article sur une plateforme scolaire sont actuellement illégales dans bon nombre de pays. Les éducateur·rice·s en Amérique latine, en Afrique et dans certains pays d’Asie-Pacifique sont particulièrement défavorisé·e·s à cet égard.
De même, à l’échelon mondial, la collaboration transfrontalière utilisant des ressources protégées par le droit d’auteur représente un véritable défi juridique pour les éducateur·rice·s.
Éducation et droit d’auteur durant la pandémie
La 42e réunion du SCCR a débuté par une séance d’information sur la COVID-19 qui a permis aux représentant·e·s de l’éducation, de la recherche, des institutions culturelles et des industries de la création de faire part de leurs expériences durant la pandémie. L’Internationale de l’Éducation a salué le fait que la table ronde dédiée à l’éducation et le Rapport d’expert·e·s du SCCR aient reconnu les risques juridiques auxquels s’exposent les enseignant·e·s lorsque la législation de leur pays en matière de droit d’auteur n’est pas adaptée à l’éducation. Ce problème a eu des retombées majeures durant la pandémie, notamment en ce qui concerne l’enseignement à distance et celui basé sur le numérique.
Si le rapport souligne l’importance de la science ouverte, considérée comme un moyen d’élargir l’accès à la recherche, il ne fait aucune référence à l’accès aux ressources éducatives libres. Étonnamment, aucun·e expert·e du droit d’auteur n’a participé à la table ronde de cette session. Par conséquent, aucune recommandation en faveur de l’éducation et de la recherche n’a pu être formulée à cet égard.
Une représentante du Département national de l’enseignement élémentaire en Afrique du Sud, Nompumelelo Mohohlwane a souligné que prévoir une garantie pour les limitations et exceptions pour l’éducation pourrait s’avérer un moyen efficace pour permettre aux enseignant·e·s et aux établissements scolaires de planifier et se préparer aux pandémies futures.
Projet de traité en attente pour la radiodiffusion Les mardi 10 et mercredi 11 mai, le SCCR a examiné le projet du Traité de l’OMPI sur la protection des organismes de radiodiffusion. Dans sa déclaration, l’Internationale de l’Éducation juge préoccupant de constater que, si de nouveaux droits sont créés pour les organismes de radiodiffusion, les exceptions et limitations ne sont pas suffisamment prises en compte. Cette situation est particulièrement alarmante dans le contexte de la pandémie, où la radiodiffusion de programmes pédagogiques a permis à des millions d’enfants dans le monde de mettre en pratique leurs compétences en matière de lecture et d’alphabétisation. Ceci est également vrai au-delà de la pandémie, dans la mesure où des supports audiovisuels (films, documentaires ou autres) sont souvent utilisés dans le cadre de l’enseignement, de l’apprentissage et de la recherche.
Le SCCR n’est pas parvenu à un accord concernant les prochaines étapes concrètes de ce traité, mais il s’est engagé à poursuivre les discussions lors de sa 43e réunion en 2023.
Action pour l’éducation et la recherche à l’OMPI La proposition du groupe des pays africains de l’OMPI était au centre de la discussion à l’ordre du jour concernant les prochaines étapes pour les exceptions et limitations au droit d’auteur pour les bibliothèques, les services d’archives, les établissements scolaires, les centres de recherche et les personnes handicapées.
Dans sa déclaration, l’Internationale de l’Éducation souligne les écarts considérables entre ce qui est attendu des enseignant·e·s et ce que permettent les lois en matière de droit d’auteur, et salue la proposition du groupe des pays africains, considérée comme une avancée dans la bonne direction.
On peut lire dans cette déclaration : « Nous saluons les initiatives des nombreux pays représentés dans cette salle qui reconnaissent le rôle important des enseignant·e·s, qui refusent d’ignorer que les législations actuelles en matière de droit d’auteur placent les enseignant·e·s dans une situation de vulnérabilité et qui sont prêts à aller au-delà de vagues déclarations concernant les obstacles juridiques potentiels ».
La proposition du groupe africain a été massivement soutenue par le groupe des pays d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC). Les pays industrialisés représentés ont rejeté cette proposition, en particulier ceux qui continuent à s’opposer catégoriquement à toute initiative visant à créer un instrument contraignant à l’échelle mondiale pour soutenir l’éducation, la recherche et les institutions culturelles à travers le monde. Une fois la décision prise de consacrer les prochaines étapes à la préparation de boîtes à outils et de directives, il a été convenu que le secrétariat commencerait à travailler sur les points suivants:
- Inviter à présenter des recherches sur les obstacles liés au droit d’auteur auxquels se heurtent les enseignant·e·s et les chercheur·euse·s travaillant dans le cadre de projets éducatifs ou de recherche transfrontaliers (cours en ligne auxquels participent des élèves de plusieurs pays, collaboration entre équipes de recherche, etc.).
- Développer des boîtes à outils pour aider les membres à définir des lois et des politiques en faveur de l’éducation, de la recherche et de la préservation du patrimoine culturel.
- Présenter une étude de cadrage des limitations et exceptions pour la recherche et une boîte à outils pour la préservation du patrimoine culturel.
Aucune décision n’a été prise pour les prochaines étapes relatives à l’extraction de textes et de données, la Recommandation de l'UNESCO sur une science ouverte, la protection des dérogations contractuelles et les seuils de sécurité.
L’ Internationale de l’Éducation maintient ses engagements concernant les actions qui ont été décidées et celles en suspens, afin de garantir que les points de vue des enseignant·e·s et des chercheur·euse·s soient pris en compte en tant créateur·rice·s et utilisateur·rice·s.
Le résumé de la présidence de la 42e réunion du comité est disponible ici.