Burkina Faso : les syndicalistes enseignant·e·s œuvrent pour la démocratie en dépit des nombreuses crises politiques
Suite à la série de coups d’État perpétrés au Burkina Faso, le dernier en date remontant au 24 janvier 2022, le Syndicat national des enseignants du secondaire et du supérieur (SNESS), soutenu financièrement par la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, a organisé pour ses membres un séminaire pendant lequel les participant·e·s se sont penché·e·s sur les causes et conséquences d’états d’exception tels que les coups d’État.
Les 22 et 23 mars 2022, à Koudougou, les enseignant·e·s du SNESS ont également dressé une feuille de route pour leur Bureau syndical national pour les trois prochaines années que durera la transition vers une nouvelle vie constitutionnelle normale dans le pays.
Causes majeures des coups d’Etat au Burkina
Les principales causes des coups d’État au Burkina identifiées lors des ateliers sont :
- La mal gouvernance politique.
- L’impérialisme qui veut toujours imposer des dirigeant·e·s à sa solde.
- La mal gouvernance économique.
- Les ambitions personnelles.
Conséquences des coups d’état au Burkina
Les participant·e·s ont également souligné les conséquences politiques, économiques et sociales.
Au niveau syndical, il·elle·s ont reconnu que les réductions des libertés liées aux coups d’État concernent aussi les moyens d’action des syndicats, notamment les marches-réunions et même le droit de grève, occasionnant un retard dans les revendications, parfois une remise en cause des acquis et une léthargie dans certains syndicats.
Néanmoins, il·elle·s ont établi que les coups d’État peuvent rappeler, comme en septembre 2015, l’importance des principes fondamentaux de l’unité et de la solidarité entre syndicats.
Importance du syndicalisme en période de crise
Les participant·e·s ont aussi conclu que pendant les états d’exception, les syndicats doivent continuer à promouvoir les intérêts des travailleur·euse·s, et le SNESS ceux des enseignant·e·s du secondaire et du supérieur en particulier.
Un accent particulier a été mis sur le rôle syndical de veille et de contre-pouvoir, de contrôle des abus de pouvoir, notamment sur la défense des acquis, la poursuite des revendications en instance et, au besoin, la formulation de nouvelles revendications.
À cet effet, les activités suivantes pourraient être organisées :
- Sensibiliser, former et informer les militant·e·s et l’opinion publique ; et
- Mener des réflexions et élaborer des stratégies en vue d’un retour à l’État de droit.
Pour le secrétaire général du SNESS, Anatole Zongo, après cet atelier initial à Koutougou, il faudrait étendre dans les 13 régions du Burkina Faso afin d’informer les enseignant·e·s de base. En effet, certain·e·s nouveaux·elles enseignant·e·s n’ont que peu d’informations sur les actualités et les enjeux politiques, économiques et syndicaux.
Il a continué en expliquant que « nous ne pouvons plus tenir de formations partout en raison de l’insécurité. Seulement trois lieux restent possibles : Ouagadougou, Koudougou et Bobodioulasso. Si on doit le faire dans d’autres régions, c’est après la sécurisation du pays. On espère pouvoir le faire dans les années à venir. »
Interrogé sur les stratégies à mettre en place pour le retour à l’État de droit, Zongo a noté que, si les responsables syndicaux·ales sont obligé·e·s de restreindre leur expression, notamment parce qu’il·elle·s sont mis·e·s sur écoute, il·elle·s doivent « titiller le gouvernement, continuer à critiquer, par la presse, par les assemblées générales, pour que chacun et chacune sache qu’on ne peut pas piétiner la démocratie. Malheureusement nous constatons qu’écrire à la presse n’est pas une stratégie qui paie suffisamment. Nous butons sur le fait qu’actuellement les marches et réunions sont interdites. Or, c’est arpenter la rue, dans la capitale et dans les villes, qui est porteur. »
Par ailleurs, a-t-il insisté, des restrictions budgétaires au niveau du ministère de l’éducation ont retiré certaines possibilités d’action au syndicat. En outre, il fait observer « qu’un certain nombre de personnes ont perdu le goût du syndicalisme en raison de la situation. Les gens ont peur de sanctions contre eux-mêmes et leurs familles. »
Renforcement des relations entre syndicats
Il a par ailleurs insisté sur un fait positif : le coup d’État a permis de renforcer les relations entre les six centrales syndicales nationales et les syndicats autonomes.
Ainsi, la Coordination nationale des syndicats de l’Éducation (CNSE) actuellement parle d’une seule voix, a-t-il fait noter, ajoutant que les syndicats ont célébré le 1er mai ensemble, avec une conférence de presse du CNSE.
Pour lui, la feuille de route ne se limite pas au SNESS, car sinon ce ne sera pas assez efficace. « Il faut impliquer aussi d’autres secteurs, comme la santé. Il faut sensibiliser davantage les camarades sur le coup d’État. Nous allons axer nos sensibilisations sur cela. Chaque syndicat a une plate-forme revendicative déposée au ministère de tutelle”.
Il a continué en appelant à « éviter de sombrer dans une léthargie, et entretenir des activités. Sinon cela prendra du temps de réveiller les gens. Comment faire pour garder les gens en veille ? Il faut une union des syndicats. »
Importance de la démocratie dans le syndicat
Au niveau de la persistance et du renouveau démocratique au Burkina Faso, Zongo a mis en avant le rôle d’exemple que le syndicat joue, par son fonctionnement démocratique : « Nous ne pouvons pas prendre de décision sans convoquer le Bureau national. Nous consultons toujours les secrétaires généraux des 13 régions avant. Ensuite on apporte à tout le monde l’information sous forme de synthèse via WhatsApp. On va vers ce que la majorité veut. »
L’autre aspect est la tenue des conseils syndicaux, a-t-il aussi fait valoir. « Au-delà des 13 secrétaires généraux des régions, il y a les secrétaires généraux des provinces. Le Congrès – qui se tiendra en septembre – sera aussi un espace de discussion ouvert, des candidats et candidates aux différents postes dans le syndicat peuvent se signaler. Les délégations se font selon les statuts du syndicat. »
Il a conclu en assurant que « fonctionner de manière démocratique peut contribuer à asseoir la démocratie dans la société ».