Nigeria : Le syndicat prône un enseignement public gratuit et de qualité
Depuis de nombreuses années, le National Union of Teachers (NUT) du Nigeria milite en faveur de l’enseignement public. Il s’est notamment joint à la campagne Réponse globale de l’Internationale de l’Éducation pour lutter contre la privatisation des établissements d’enseignement, qui porte atteinte au droit à l’éducation.
« Le Nigeria est l’un des premiers pays ciblés en Afrique pour la campagne contre la privatisation menée par la fondation politique allemande Friedrich-Ebert Stiftung (FES) », a rappelé Clinton Ikpitibo, directeur de l’administration et de la formation du personnel du NUT et coordinateur de programme pour le projet de Réponse globale.
En 2019, le NUT a déjà affirmé sa détermination à empêcher l’exploitation des pauvres par les marchands de l’éducation. En mai, en collaboration avec l’Internationale de l’Éducation et la FES, il a organisé un atelier dans la capitale, Abuja, auquel ont participé 220 responsables du NUT issus de tous les États du Nigeria. Sous le thème « Le droit à une éducation de qualité : la responsabilité des gouvernements », l’événement visait à sensibiliser le public aux dangers et aux implications de l’éducation à bas prix et à but lucratif au Nigeria.
Un an plus tard, la pandémie de COVID n’a pas arrêté le travail du syndicat dans le cadre de la campagne Réponse globale de l’Internationale de l’Éducation contre la commercialisation et la privatisation de l’éducation. En collaboration avec la FES, le NUT a organisé deux réunions virtuelles de plaidoyer. Ces réunions visaient à :
- Évaluer l’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’éducation, ainsi que la nécessité de mettre en place des mesures de récupération appropriées pour minimiser son impact ;
- Créer un consensus entre les parties prenantes pour une réouverture des écoles en toute sécurité ;
- Discuter des questions relatives à la commercialisation et à la privatisation de l’éducation dans le cadre du COVID-19 ; et
- Réfléchir à la formation des enseignant·e·s professionnel·le·s pour une utilisation efficace des technologies dans l’éducation.
Sensibilisation à l’impact négatif de la privatisation sur l’éducation
Clinton Ikpitibo a souligné que « jusqu’à présent, nous avons réussi à sensibiliser les gens à l’impact négatif de la privatisation/commercialisation sur l’éducation. Nous avons travaillé avec des partenaires tels qu’ActionAid et fait pression en faveur d’une augmentation des investissements dans l’éducation et les écoles publiques, par exemple à Lagos. »
Il a également indiqué que le NUT a reçu des réponses positives de la part des autorités de l’État, aux niveaux local et national. Le syndicat a rencontré les gouverneurs afin de réduire le nombre d’écoles privées. Les parents se sont également impliqués.
Dans certaines régions, ils ont inversé la tendance à la privatisation des écoles : « En surveillant les activités des acteurs de l’éducation, comme dans l’État de River, nous avons fait fermer des écoles privées. À Lagos, neuf établissements de Bridge International Academies ont été fermées. Les activités de la campagne de Réponse globale ont donc limité la propagation des écoles privées », a expliqué Ikpitibo.
Pour Amba Audu Titus, secrétaire national à la publicité du NUT et président du comité d’organisation sur la commercialisation et la privatisation des écoles, « la privatisation crée une ségrégation et consacre les inégalités dans l’éducation. Les enfants des personnes pauvres n’auront pas autant accès à l’éducation que les enfants des personnes riches. L’éducation doit être gratuite et abordable pour tous les enfants, quel que soit le statut de leurs parents. »
Il a averti que « la privatisation porte atteinte au droit à une éducation gratuite, équitable et de qualité pour tous et toutes. Elle porte également atteinte au statut et aux conditions de travail des enseignants et des personnels de soutien à l’éducation, entraînant la précarisation des enseignants. Elle favorise l’emploi d’enseignants non qualifiés, ne répondant pas aux normes minimales requises. »
Il a affirmé catégoriquement que « seuls des enseignants formés professionnellement devraient pouvoir enseigner dans nos écoles ».
Il a poursuivi en disant que « la privatisation piétine les droits des enseignantes et enseignants : ils n’ont pas droit à un salaire minimum, et les normes ne sont pas respectées. Elle sape l’autonomie professionnelle et les libertés académiques, et se concentre sur les affaires. »
Cependant, Titus a également noté des réponses positives, des changements effectués par les autorités gouvernementales, comme l’augmentation de leur engagement envers l’enseignement public.
De nombreux défis à relever
Interrogé sur les principaux défis de la campagne Réponse globale au Nigeria, Ikpitibo a souligné l’énorme population — 200 millions de personnes —, le fait que les États locaux et fédéraux ont leur mot à dire en matière d’éducation, la résistance des propriétaires d’écoles privées, la politique nationale en matière d’éducation au Nigeria qui prévoit la participation d’acteurs non étatiques, l’attrait du grand public nigérian pour la privatisation, la nécessité d’augmenter les fonds pour étendre la campagne à l’intérieur du pays et l’insécurité croissante dans certaines régions.
Il a déploré que : « Le gouvernement laisse tomber le système éducatif, n’accorde pas assez d’attention à l’enseignement public, abandonne presque sa responsabilité de respecter le droit à un enseignement public de qualité. Il n’a pas réussi à fournir des ressources pour l’éducation par le biais d’un système fiscal progressif et équitable. Par rapport aux critères de référence convenus au niveau international, nous sommes loin des objectifs en matière d’allocation/de fourniture de fonds à l’enseignement public. »
Lorsque l’enseignement public est rendu attrayant, les résultats sont au rendez-vous, a-t-il insisté, ajoutant : « Avec la campagne Réponse globale, nous allons de région en région. Les membres sont impliqués par étapes. La région de l’Est est la prochaine région sur laquelle le NUT va agir en termes de privatisation de l’éducation. »
Le soutien financier est essentiel
Titus a également mentionné que le soutien technique et financier de l’Internationale de ducation est essentiel, notamment pour renforcer les capacités des responsables syndicaux et des enseignant·e·s au niveau infranational, pour renforcer la campagne visant à décourager les institutions financières internationales et les partenaires de développement, comme Bridge International Academies, et pour financer la recherche.
En ce qui concerne la recherche, Ikpitibo a souligné que « le projet Réponse globale au Nigeria devra survivre, et nous avons donc besoin de recherches pour connaître l’état actuel de la campagne. Nous avons également besoin d’un soutien financier aux niveaux étatique et local. »
Les efforts du syndicat pour sensibiliser à la campagne Réponse globale
Il a conclu en disant que le NUT était très actif pour faire connaître la campagne, en utilisant différents canaux de communication pour l’amener jusqu’à la base. « Nous avons choisi des publics cibles. Nous avons organisé un lancement public de la recherche pour viser les gouvernements et les parties prenantes de l’éducation. Nous avons participé à des auditions dans les assemblées d’État et nationales. Nous avons eu des réunions directes avec des fonctionnaires. Des communiqués de presse ont également été envoyés. Nous avons distribué des dépliants. Et chaque année, nous utilisons la plateforme offerte par la Journée mondiale des enseignantes et des enseignants pour mettre en lumière la campagne Réponse globale. »