La technologie dans la profession enseignante : un impact sans précédent
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L’Internationale de l’Éducation (IE) a organisé récemment un événement de consultation destiné à susciter un retour d’information sur le thème de la technologie dans l’éducation.
Les membres de l’IE du monde entier se sont accordés à dire que l’intégration de la technologie dans l’éducation va bien au-delà de la simple présence d’un ordinateur dans une salle de classe. Les technologies de l’information et de la communication ont une incidence croissante sur les programmes d’études, la pédagogie, les systèmes de gestion des enseignants et la nature même de la profession. La technologie ne transforme pas seulement la façon dont nous enseignons, mais aussi ce que nous enseignons, qui enseigne et, comme l’a montré la pandémie, où nous enseignons. Ainsi, les enseignant.e.s ont opéré et mis en œuvre une transition quasi instantanée dans la manière d’enseigner et d’apprendre. Si elle permet l’accès à l’éducation pendant les fermetures d’écoles, la technologie crée également un nouveau contexte auquel les enseignant.e.s et les apprenant.e.s doivent s’adapter et dans lequel il.elle.s doivent naviguer, ce qui implique de nouveaux défis et de nouvelles conséquences.
Un aspect, toutefois, dont on omet souvent de tenir compte est l’impact de la technologie de l’éducation sur la profession enseignante elle-même. Afin de fournir une perspective plus holistique du recours aux technologies dans l’éducation, la consultation s’est concentrée sur la vie professionnelle des enseignant.e.s.
La consultation a donné lieu à des discussions animées et a permis de dégager trois points saillants sur l’impact de la technologie dans l’éducation sur la profession enseignante.
Conditions de travail
La mise en œuvre des technologies et le passage au télétravail ont eu un impact profond sur les conditions de travail et le bien-être des enseignant.e.s et du personnel des services de l’éducation.
Le Rapport mondial de l’IE sur la condition du personnel enseignant 2021 a souligné la crainte que les progrès technologiques et les changements de politique contribuent à l’augmentation de la charge de travail des enseignant.e.s et à la diminution de leur bien-être. Au fur et à mesure que l’accessibilité des enseignant.e.s s’est accrue, les limites entre le lieu de travail et le domicile se sont estompées, dès lors que le droit à la déconnexion a été remis en question.
Alors que la charge administrative devrait théoriquement être allégée, les technologies l’alourdissent dans la pratique, selon les enseignant.e.s, qui ont également exprimé des inquiétudes quant au droit à la vie privée numérique, non seulement en ce qui concerne les données des élèves, mais également celles des enseignant.e.s. À titre d’exemple, l’introduction de systèmes de gestion de la présence au travail des enseignant.e.s peut souvent entraîner des répercussions pour l’enseignant.e, sans pour autant s’attaquer aux causes profondes de l’absentéisme. La facilité de saisie, de stockage et de surveillance des données dans les espaces numériques exige une réglementation et un contrôle stricts, ainsi que des audits réguliers effectués par les enseignant.e.s et leurs syndicats.
Programme d’études et évaluation
Le programme d’études et la pédagogie se transforment également sous l’effet du recours à la technologie dans l’éducation. À mesure que les « compétences numériques » deviennent une priorité, les enseignant.e.s constatent que les matières STEM sont privilégiées par rapport à celles qui peuvent être plus facilement numérisées, au détriment de l’élargissement des possibilités d’apprentissage.
De même, à mesure que les systèmes basculent vers des évaluations numériques, le champ des programmes d’études se contracte pour s’adapter aux tests. Les enseignant.e.s sont également préoccupé.e.s par les façons dont l’inégalité peut être exacerbée lors de l’utilisation de tests numériques (vitesse de frappe, familiarité avec l’appareil, exploration du navigateur de test, etc.).
De sérieuses inquiétudes ont aussi été soulevées quant à la question de savoir qui possède et développe le programme d’études. Dans la mesure où les enseignant.e.s placent une part croissante de leur contenu sur des plates-formes numériques telles que Google Schools, la propriété du programme, des ressources et du contenu qu’il.elle.s ont élaboré, qui peut inclure des feuilles de travail, des lectures, des vidéos, des fichiers audio et des conférences, n’est pas clairement établie. Une fois téléchargé sur la plateforme, le contenu devient la propriété de l’employeur, ce qui n’empêche pas l’entreprise technologique d’y accéder et d’en exploiter les données.
Dans le même temps, un nombre croissant d’entreprises EdTech se lancent dans l’élaboration de programmes d’études, qu’elles vendent en complément des dispositifs de formation. Les nouvelles formes d’ « enseignement virtuel » par le biais de cours en ligne, de cours particuliers numériquement optimisés, voire de réseaux sociaux, signifient que les écoles seront de plus en plus dépendantes de l’infrastructure numérique fournie par les géants de la technologie, ainsi que des ressources, des outils et des plateformes fournis par le secteur de la technologie de l’éducation. Les affiliés de l’IE ont fait part de leurs inquiétudes quant au manque d’informations sur les montants et les données échangés dans les contrats entre les systèmes éducatifs et ces entreprises. Cela soulève la question de savoir qui crée et fournit le contenu gratuit et de haute qualité qui est présenté dans les écoles : des enseignant.e.s possédant des compétences et une expérience professionnelles ou les géants de la technologie ?
Rien sur les enseignant.e.s sans les enseignant.e.s
Les décisions concernant la planification, la mise en œuvre, la réglementation et l’évaluation de la technologie englobent la formation, les programmes d’études, la pédagogie et les matériels ou équipements utilisés. Les enseignant.e.s, les directeur.rice.s d’école et le personnel des services éducatifs doivent être inclus dans ces décisions.
Dans le cadre d’une étude réalisée par l’IE en 2020, intitulée Enseigner avec la technologie, 45 % des personnes interrogées ont indiqué qu’elles n’étaient pas du tout consultées à propos de l’introduction des nouvelles technologies numériques, tandis que 29 % ne l’étaient que sur « quelques aspects ». La prise de décision unilatérale par le haut implique que les enseignant.e.s n’ont pas la possibilité de soulever des questions ou de signaler des problèmes avant la mise en œuvre. Il en va de même pour le suivi et l’évaluation de la technologie.
Des syndicalistes ont expliqué à l’aide d’exemples comment le passage rapide aux évaluations en ligne, avec une participation limitée des syndicats, a conduit à une mise en œuvre hasardeuse.
Le dialogue social, aussi limité soit-il, constitue une avancée majeure, notamment dans les espaces de négociation collective. La transformation numérique de et dans l’éducation doit être reflétée dans les conventions collectives. Au début de la pandémie de Covid-19, la Confédération des travailleur.euse.s de l’éducation de la République d’Argentine (CTERA), une organisation membre de l’IE, a conclu une importante convention collective avec le gouvernement, visant à restructurer le travail dans l’éducation pendant le confinement et à combattre la surcharge de travail imposée par le télétravail. Cette convention définissait pour la première fois le concept de droit à la déconnexion et imposait au ministère de l’Éducation d’investir dans la fourniture de ressources technologiques pour l’enseignement à distance.
La technologie n’est pas près de disparaître des écoles, et bon nombre des défis auxquels nous sommes confrontés en ce qui concerne les technologies éducatives, notamment en matière d’équité, d’accès et de qualité, étaient déjà présents avant la pandémie. Il est néanmoins urgent de tirer des enseignements de ces expériences, d’évaluer l’impact et de mesurer les effets positifs et négatifs des nouvelles manières de travailler avec la technologie dans l’éducation. La façon dont nous utilisons la technologie doit découler de choix délibérés et ne doit pas être acceptée aveuglément comme « la nouvelle normalité » pour la profession enseignante, sans qu’aucune question ne soit posée.
Un rapport récapitulant les principales conclusions de cet événement est disponible en ligne.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.