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Les syndicats de l’éducation en cours de reconstruction en Asie-Pacifique

Publié 25 octobre 2022 Mis à jour 17 juin 2024

La 9e Conférence régionale de l’Internationale de l’Éducation Asie-Pacifique (IEAP), intitulée « Reconstruire la région Asie-Pacifique : Les éducateur·trice·s et leurs syndicats à l’avant-garde d’un avenir durable », a fourni aux syndicalistes du secteur de l’éducation de la région et d’au-delà une occasion unique de se rencontrer, d’échanger leurs expériences, de nouvelles perspectives, de nouvelles idées, et de réfléchir aux moyens d’obtenir des conditions de travail décentes pour tou·te·s les employé·e·s du secteur de l’éducation, une éducation de qualité pour tous les enfants, ainsi qu’un avenir durable et juste pour tou·te·s.

Du 18 au 20 octobre 2022 à Siem Reap, Cambodge, les délégué·e·s syndicaux·ales de la région Asie-Pacifique ont profité de nombreuses opportunités de réseautage, écouté des présentations de haut niveau inspirantes et participé à des sessions approfondies sur des questions clés, telles que le renouveau syndical, le changement climatique, l’égalité des genres, les droits humains et syndicaux, le financement de l’éducation, la numérisation et l’innovation. La conférence a été précédée d’une journée entière d’événements pré-conférence qui ont abordé la question des femmes, de l’enseignement supérieur, de l’éducation au changement climatique et des jeunes dans les syndicats.

Le premier jour, les participant·e·s ont été accueilli·e·s par des dirigeant·e·s des syndicats de l’éducation cambodgiens. Après avoir sensibilisé les participant·e·s à leur situation, Ouk Chayavy, président de la Cambodia Independent Teachers’ Association (CITA), a demandé la réintégration de 11 membres de la CITA, ainsi que la libération de cinq syndicalistes locaux emprisonnés.

Dans son allocution de bienvenue, le président du Comité régional de l’IEAP, Masaki Okajima, du Japan Teachers’ Union, a souligné qu’après des années de pandémie, il apparaît clairement que « l’enseignement en ligne ne peut pas remplacer pleinement les avantages de l’enseignement scolaire. Les écoles sont essentielles au développement émotionnel, social, mental et physique. » Il a par ailleurs souligné que le bien-être des enseignant·e·s est directement lié à celui des élèves.

Les gouvernements doivent prendre de toute urgence des mesures audacieuses pour garantir une éducation de qualité

« L’idée que la technologie est une ‘solution miracle’ est, au mieux, erronée. Elle ouvre simplement la porte à des entreprises de l’industrie des technologies de l’éducation mues par le profit et plus intéressées par l’extraction de données et leurs résultats financiers que par une éducation de qualité pour toutes et tous », a déclaré Susan Hopgood, présidente de l’Internationale de l’Éducation, dans son allocution d’ouverture.

Elle a ajouté que « toutes les enseignantes et tous les enseignants doivent bénéficier de salaires décents, d’une reconnaissance, d’une autonomie professionnelle et d’un développement professionnel de qualité. Les gouvernements doivent prendre des mesures audacieuses sans tarder. »

Évoquant le défi de promouvoir le syndicalisme parmi les éducateur·trice·s, elle a souligné que, « en tant que dirigeantes et dirigeants de nos syndicats, nos voix comptent et doivent être entendues. Nous devons faire preuve d’audace pour démontrer toute la puissance de notre présence et asseoir notre crédibilité unique pour coordonner et mobiliser afin de lutter contre la désinformation et toutes les forces anti-démocratiques. »

Dans son discours, Graeme Buckley, directeur de l’équipe sur le travail décent pour l’Asie de l’Est et du Sud-Est et le Pacifique au sein du bureau Asie-Pacifique de l’Organisation internationale du Travail, a déploré que « dans de nombreuses régions, les droits ont été érodés ou les voix écartées d’une manière qui n’est pas constructive et qui ne favorise pas le dialogue social. C’est là que l’action syndicale s’avère essentielle : essentielle pour mettre les enseignantes et enseignants au centre de la transformation de l’éducation, mais essentielle aussi pour défendre les droits des travailleuses et travailleurs. La façon dont les syndicats répondent aux défis et aux changements déterminera l’avenir de l’éducation. »

Dans son message vidéo adressé à la conférence, Ethel Agnes P Valenzuela, directrice de l’Organisation des ministres de l’Éducation de l’Asie du Sud-Est, a affirmé que « la crise climatique est aussi notre crise de l’éducation. L’éducation est également la principale solution. Nous devons profiter de ces opportunités pour renforcer les compétences des enseignantes et enseignants et des directrices et directeurs d’école afin d’avancer vers la résilience et la durabilité des systèmes éducatifs dans toute la région. »

Pour Shoya Yoshida, secrétaire général de la région Asie-Pacifique de la Confédération syndicale internationale, « les syndicats doivent aller au-delà du syndicalisme traditionnel et doivent pouvoir travailler avec les différents acteurs de la société, dont la priorité est de garantir un travail décent ».

Il a ensuite appelé l’Internationale de l’Éducation « à jouer un rôle crucial », étant donné que « les conditions de travail dans votre secteur sont directement liées à la qualité de l’éducation et, par conséquent, la négociation collective de vos affiliés est essentielle non seulement pour les intérêts des enseignantes et enseignants, mais aussi pour ceux des élèves, des enfants, des générations futures et de la société dans son ensemble ».

Les enseignant·e·s et les élèves sont à l’avant-garde des luttes démocratiques

Dans son discours, le secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation, David Edwards, a souligné que, dans la région de l’IEAP, les enseignant·e·s et les élèves sont à l’avant-garde des luttes démocratiques. « La lutte a commencé. Nous savons qu’il ne s’agit pas seulement d’une crise de l’éducation. C’est une crise pour la démocratie. Bien sûr, les pays ouverts et libres offrent aux citoyennes et citoyens de meilleures chances de mener une vie utile que les dictatures fermées. Mais la démocratie doit être féroce. Elle doit être organisée pour vaincre ses adversaires. Pour que la démocratie prospère, nous devons nous battre. Cela signifie qu’il faut identifier les institutions qui travaillent contre nous. Il faut exploiter notre pouvoir pour contrôler ces institutions et veiller à ce qu’elles agissent en faveur de nos élèves et de notre planète. Les enseignantes et enseignants sont depuis longtemps en première ligne. »

En ce qui concerne les défis spécifiques auxquels le mouvement syndical de l’éducation est confronté, il a déclaré que « l’investissement public dans un secteur public fort est le seul moyen de garantir que nous reprenons la voie de l’éducation inclusive et équitable. L’Internationale de l’Éducation a joué un rôle de premier plan dans les efforts visant à accroître les investissements en matière d’éducation grâce à une fiscalité équitable et efficace, en appelant les gouvernements à intensifier leurs actions et à investir dans les enseignantes et enseignants et les systèmes éducatifs. »

Edwards a par ailleurs annoncé : « Lors de la Journée internationale de l’Éducation, le 24 janvier, nous lancerons une campagne exhortant tous les gouvernements à investir dans l’avenir, dans les éducatrices et éducateurs et dans l’éducation. Je suis convaincu que, tous ensemble, en tant que mouvement syndical mondial uni, nous pouvons changer le discours et faire en sorte que chaque gouvernement reconnaisse enfin que l’argent dépensé pour notre profession (pour nos salaires, notre soutien, notre développement professionnel et notre bien-être) n’est pas un coût mais un investissement vital. C’est ainsi que nous reconstruisons l’éducation. »

Pour développer la stratégie de la campagne dans les mois à venir, l’Internationale de l’Éducation consulte ses collègues dans toutes les régions. « Nous devons être en première ligne de ce mouvement en faveur du changement. Il ne s’agit plus de persévérer, mais de l’emporter sur les intérêts particuliers. Nous ne répondons plus aux défis auxquels nous sommes confrontés, nous créons un mouvement pour répondre au moment présent. Pour nos élèves, pour notre planète, pour notre profession », a conclu Edwards.

Les syndicats de l’éducation d’Asie-Pacifique s’engagent dans un processus de renouvellement

Anand Singh, coordinateur régional principal de l’IEAP, a rendu compte du travail du bureau régional de l’IEAP au cours des cinq dernières années et de la vision de la région alors qu’elle s’engage dans un processus de renouvellement.

Il a déclaré que la période couverte par le rapport a été marquée par la persistance du sous-financement chronique de l’éducation et l’expansion de la commercialisation et de la privatisation de et dans l’éducation et les services publics, ainsi que par l’impact de ces conditions qui ont été aggravées par les défis sans précédent liés à la pandémie de COVID-19.

L’Internationale de l’Éducation et ses syndicats en Asie-Pacifique ont continué à soutenir leurs membres et à défendre les droits et le bien-être des éducateur·trice·s et des apprenant·e·s.

Bien qu’il s’agisse d’une période incertaine marquée par des restrictions en matière de santé et de sécurité, des fermetures d’écoles quasi universelles et des changements majeurs dans la façon dont les sociétés fonctionnent, les éducateur·trice·s et leurs syndicats se sont adapté·e·s et ont innové pour continuer à promouvoir et à protéger un enseignement public de qualité et inclusif pour tou∙te∙s, à faire progresser le statut et les droits des enseignant·e·s et du personnel de l’éducation, à défendre leurs droits syndicaux et leurs libertés professionnelles, et à renforcer la force et la capacité collectives pour lutter contre les menaces néolibérales et antisyndicales persistantes qui planent sur l’enseignement public.

« Face à cette crise de la démocratie, l’IEAP continuera à promouvoir la campagne de l’Internationale de l’Éducation pour les droits dans la région Asie-Pacifique : encourager les éducatrices et éducateurs et leurs syndicats à participer à des actions politiques et de la société civile, continuer à résister aux politiques autoritaires et travailler avec des réseaux à vocation civique pour faire pression en faveur d’une abrogation des décisions autocratiques, en particulier dans le domaine de l’éducation », a déclaré Singh.

Pour consulter le rapport dans son intégralité (en anglais), cliquez ici.

La reprise de l’éducation après la pandémie et l’avenir du travail dans le domaine de l’éducation

Le deuxième jour de la conférence s’est ouvert par un panel intitulé « La reprise de l’éducation après la pandémie et l’avenir du travail dans le domaine de l’éducation », modéré par Susan Hopgood, présidente de l’Internationale de l’Éducation. Cette séance plénière s’est penchée sur les liens multisectoriels plus larges, qui vont au-delà de l’éducation, pour y inclure la protection sociale, l’environnement, les droits et la solidarité, et s’est concentrée sur les actions nécessaires pour assurer une reprise holistique et inclusive.

Sharan Burrow, secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale (CSI), a réaffirmé le soutien de la CSI en faveur de l’éducation climatique : « Nous savons que, pour faire face à la crise climatique, les éducatrices et éducateurs doivent exiger avec détermination une transition juste, qui place les personnes et la planète au cœur de toutes les politiques publiques. Votre soutien et vos revendications en faveur d’une éducation climatique obligatoire revêtent une importance capitale, et je suis très heureuse de pouvoir engager la CSI à appuyer cette campagne mondiale. »

Apolinar Tolentino, représentant régional de l’IBB – la Fédération syndicale internationale regroupant des syndicats libres et démocratiques ayant des membres dans les secteurs du bâtiment, des matériaux de construction, du bois, de la sylviculture et des secteurs connexes – a appelé les délégué·e·s de la conférence à défendre activement la démocratie en adoptant des résolutions et des plans d’action. « La répression d’État ne se produit pas seulement au Myanmar. Elle a lieu aux Philippines, au Cambodge, à Hong Kong. Sans démocratie, nous ne pouvons survivre en tant que mouvement syndical. Nous travaillerons ensemble avec vous pour veiller à ce que le mouvement survive en défendant la démocratie. »

Meera Chandran, professeure adjointe au Centre d’excellence pour la formation des enseignant∙e∙s de l’Institut Tata des sciences sociales, à Mumbai, Inde, a également présenté les principaux résultats de leurs recherches sur l’impact de la COVID-19 sur l’éducation et l’enseignement dans la région Asie-Pacifique. Entre autres observations, elle a noté que « la principale préoccupation de nombreuses enseignantes et de nombreux enseignants est le manque d’interaction avec leurs collègues et leurs élèves. Cet aspect est encore plus important que les préoccupations concernant l’augmentation de la charge de travail, qui est considérable. Cela en dit long sur la nature relationnelle du travail des enseignantes et enseignants. »

Les participant·e·s se sont réparti·e·s en sessions sous-régionales : Asie du Nord, Asie du Sud, Asie de l’Ouest, Asie du Sud-Est et Pacifique.

Il·elle∙s se sont ensuite divisé·e·s en sous-groupes sur les thèmes suivants : Investir dans les enseignant·e·s, investir dans l’éducation pour une reprise durable ; Défendre les droits humains et syndicaux et la démocratie ; Éducateur·trice·s pour une transition juste ; Promouvoir une reprise inclusive.

Se préparer à relever les défis futurs

La dernière journée de la 9e Conférence régionale #EIAP2022 a débuté par un panel intitulé « Les syndicats de l’éducation se préparent à relever les défis futurs », modéré par le secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation, David Edwards.

Pour Correna Haythorpe, présidente fédérale de l’ Australian Education Union, « l’espoir est essentiel à ce que nous faisons, dans nos syndicats, et pour nos membres. Et c’est tout à fait naturel pour nous, en tant qu’enseignantes et enseignants, car nous croyons fondamentalement en un monde meilleur – un monde que nos élèves vont créer, et que nous espérons façonner à travers elles et eux. »

Soulignant l’importance de donner aux jeunes et aux femmes l’accès aux opportunités et aux plateformes de direction, Unifah Rosyidi, présidente du Persatuan Guru Republik Indonesia, a déclaré : « Les fonctions de direction représentent l’aspect le plus important. Je suis aujourd’hui très heureuse car, depuis la base jusqu’aux plus hauts niveaux, tant de jeunes femmes sont impliquées. »

Monika Sharma, vice-présidente de l’aile féminine de la All India Primary Teachers Federation, a souligné comment les syndicalistes peuvent tirer le meilleur parti des nouvelles opportunités de connectivité apparues depuis la pandémie. « En raison de la migration soudaine de l’éducation vers des plateformes en ligne, nous, enseignantes et enseignants et élèves, avons dû apprendre à utiliser les technologies. Au début, c’était un casse-tête pour nous toutes et tous, mais maintenant nous en bénéficions. En tant que syndicalistes, nous sommes désormais en mesure d’organiser n’importe quelle réunion, n’importe quand, n’importe où, en moins de temps et sans aucune dépense. Grâce à ces nouvelles connaissances, nous nous sentons désormais plus à l’aise avec le fait d’être connectés. »

Parlant de la forte proportion de jeunes et de femmes à la tête de son syndicat, Tsetsegmaa Gendenjamts, secrétaire internationale de la Federation of Mongolian Education and Science Unions, a souligné : « Sur les 102 membres de notre Bureau exécutif, plus de 81 % sont des femmes et 33 % sont des jeunes. Le comité permanent pour la jeunesse compte 12 membres et parmi elles et eux, cinq représentants sont issus d’écoles secondaires, trois de jardins d’enfants, deux d’universités et und’une zone rurale. »

Andy Tosasai, de la Solomon Island National Teachers Association, a expliqué comment, durant son mandat de président, le syndicat a résisté à la tendance à la baisse des affiliations au syndicat. « Le défi lié à l’augmentation et au maintien du niveau d’affiliation est énorme. Cette année, nous avons réussi à augmenter le nombre de membres et à inverser la tendance. Cela a été possible grâce au renforcement des systèmes de communication des réseaux, du recrutement et des activités de plaidoyer. Le recrutement est un engagement qui doit être pris pour obtenir une augmentation de l’affiliation, quel que soit l’environnement de travail. Le recrutement doit se concentrer sur les nouvelles employées et nouveaux employés et les jeunes enseignantes et enseignants. »

Résolutions adoptées lors de la conférence

Les délégué·e·s ont adopté sept résolutions lors de la conférence :

Pour conclure les travaux de la conférence, les délégué·e·s ont accueilli les nouveaux membres du Comité régional de l’IEAP et ont remercié le président sortant du comité, Masaki Okajima, pour sa contribution et sa direction exceptionnelle de la région.

Pour de plus amples informations sur la conférence (en anglais), veuillez cliquer ici.