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Le corps enseignant arabe prêt à transformer ses syndicats pour transformer l’éducation

Publié 20 décembre 2022 Mis à jour 17 juin 2024

Lors de la 6e Conférence biennale de la Structure interrégionale des pays arabes de l’Internationale de l’Éducation (SIRPA de l’IE), quelque 80 syndicalistes de l’éducation représentant 28 organisations dans 18 pays ont débattu sur le thème « Transformer les syndicats pour transformer l’éducation - Où en sommes-nous ? Quel est le rôle des syndicats de l’éducation ? Quelles sont les prochaines étapes ? ».

La conférence, qui s’est tenue les 14 et 15 décembre à Amman, en Jordanie, a été précédée d’événements pré-conférence, notamment le Caucus sur l’égalité, une session sur l’éducation dans les situations d’urgence dans la région arabe et le Caucus sur l’enseignement supérieur.

Investir dans les systèmes éducatifs et les enseignant·e·s pour lutter contre les inégalités et garantir la démocratie

Lors de l’ouverture de la conférence, la présidente de l’IE, Susan Hopgood, a déclaré qu’au cours de « la pandémie de COVID-19, les fermetures d’établissements et la disponibilité inégale et limitée du télé-enseignement – seuls 48 % des étudiants de la région ont accès à Internet à domicile – ont accentué les inégalités et l’injustice ».

Elle a également souligné qu’une faible part des fonds de lutte contre la pandémie a été utilisée pour soutenir l’éducation – 3 % à l’échelle mondiale et encore moins dans les pays arabes. « L’affaiblissement ou l’effondrement des systèmes éducatifs a eu un effet dévastateur sur la profession enseignante. La négligence à l’égard de l’éducation et l’impact des crises qui ont causé tant de souffrances et d’injustices ont rendu plus urgent que jamais de sauver l’enseignement public et de soutenir ses professionnelles et professionnels », a-t-elle souligné.

« Il est vrai que de nombreux gouvernements ont de réels problèmes de financement. Dans bon nombre de cas, il est difficile de financer non seulement l’éducation, mais aussi d’autres services vitaux comme les soins de santé, le logement, les transports et les infrastructures. Cela signifie qu’il doit y avoir une alternative à la mise en concurrence des lignes budgétaires pour déterminer les plus fortes coupes. Le remède le plus pertinent serait la justice fiscale. L’histoire a montré que les partenariats public-privé les plus réussis ont été fondés sur des entreprises qui payaient des impôts : il s’agit d’alimenter les recettes publiques plutôt que d’en profiter », a-t-elle précisé.

« L’inégalité détruit les communautés et affaiblit la démocratie. La paix est menacée par les régimes autoritaires et les conflits se multiplient au lieu d’être apaisés » a-t-elle ajouté, en soulignant que la survie de la planète n’est pas seulement une préoccupation des citoyens, mais aussi « une source de frustration du fait que les gouvernements ne prennent pas de mesures pour réduire les dégâts provoqués par les émissions de carbone ».

Hopgood a également annoncé que l’Internationale de l’Éducation lancera une vaste campagne à l’occasion de la Journée internationale de l’Éducation, le 24 janvier. « Cette campagne soutiendra les organisations membres dans leur lutte contre les programmes d’austérité et les coupes budgétaires, et créera un consensus autour des changements essentiels ; une transformation basée sur l’amélioration de l’environnement des professionnelles et professionnels de l’enseignement. »

Le rôle crucial du corps enseignant dans la transformation de l’éducation et l’atténuation de la crise mondiale de l’éducation

L’oratrice principale, Tamimi Darwazeh Abeer, directrice du renforcement des capacités et de l’apprentissage de la Campagne arabe pour l’Éducation pour tous et membre suppléante du Conseil d’administration du Partenariat mondial pour l’éducation, a exprimé son soutien à la prochaine campagne de l’IE en faveur de l’augmentation des dépenses publiques dans l’éducation : « Nous appelons toutes les parties et tous les gouvernements nationaux et internationaux, y compris les syndicats d’enseignants arabes, à renforcer l’action conjointe, la coordination et la coopération réelle sur la base du respect, de l’appréciation et de la reconnaissance du droit de nos peuples et de nos sociétés à vivre dans la dignité, la prospérité et la paix, à garantir une éducation de qualité, équitable et inclusive pour tous et à améliorer les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous, comme le prévoit l’objectif de développement durable (ODD) 4 des Nations Unies ».

« Une chose est claire : les enseignantes et enseignants jouent un rôle crucial dans la transformation de l’éducation et l’atténuation de la crise mondiale de l’éducation. Investir dans le corps enseignant revient à investir dans l’avenir et constitue une condition préalable au pouvoir transformateur de l’éducation », a-t-elle également souligné.

Elle a ajouté que la Campagne arabe pour l’Éducation pour tous s’apprête à lancer une campagne régionale de plaidoyer pour exiger des gouvernements un financement adéquat et durable qui réponde aux besoins essentiels et émergents du secteur de l’éducation.

Rapport de l’ACCRS

Manal Hdaife, présidente de la SIRPA de l’IE et responsable de la Public Primary Schools Teachers League in Lebanon (PPSTLL) et Dalila El Barhmi de l’IE ont présenté le rapport régional.

Ce rapport indique que la dette publique a augmenté dans la plupart des pays arabes alors que les inégalités se creusent et que l’éducation publique s’affaiblit. Les organisations membres ont fait pression sur les gouvernements pour qu’ils renforcent leurs efforts en vue d’atteindre l’ODD 4 et ont lancé un appel à l’augmentation des fonds consacrés à l’éducation.

Il met également l’accent sur le fait que le corps enseignant de la région arabe est confronté à des défis sans précédent alors qu’il s’efforce de fournir une éducation à des millions d’enfants touchés par les conflits et la pauvreté. Il est essentiel d’exploiter l’expérience acquise pour bâtir des systèmes éducatifs plus résilients dans lesquels les enseignant·e·s occupent une place centrale.

Le rapport souligne également que les organisations membres des pays arabes sont confrontées à de mauvaises conditions de travail et à des environnements éducatifs inappropriés. Il existe une fracture numérique et un manque d’infrastructures, la moitié des élèves n’ayant pas accès à Internet pour leur éducation.

Il montre aussi clairement que les politiques éducatives actuelles des pays arabes sont nettement insuffisantes pour faire face aux crises du changement climatique et doter les étudiant·e·s des connaissances, des compétences et de l’attitude nécessaires pour assurer la durabilité de notre planète. Le corps enseignant arabe est prêt à se joindre à la campagne Enseignez pour la planète de l’IE.

Lors de la deuxième journée de la conférence de la SIRPA de l’IE, les organisations membres ont discuté des principales priorités en matière d’éducation dans la région arabe.

En ce qui concerne l’investissement durable pour transformer l’éducation, les délégué·e·s ont condamné la tendance à la privatisation du secteur de l’éducation, exhorté les gouvernements à augmenter leurs budgets et demandé aux organisations internationales de fournir un appui financier et des conseils sur les programmes scolaires.

Ils ont également appelé les gouvernements à coopérer et à respecter le droit de grève pacifique sans réduire les salaires et encouragé les syndicats à faire pression sur les gouvernements pour protéger les droits des enseignant·e·s.

« Deux tiers des pays à faible revenu ont considérablement réduit leurs budgets consacrés à l’éducation et aux enseignantes et enseignants. Cela a des répercussions sur leurs conditions de travail : leurs salaires sont bas et diminuent en termes réels, ou ont été gelés », a déclaré la secrétaire générale adjointe de l’IE, Haldis Holst, qui a ensuite détaillé les trois piliers de la prochaine campagne de l’IE :

  1. Investir dans un enseignement public de qualité, investir dans la profession
  2. Affronter, stopper et inverser la tendance à la privatisation et à la marchandisation de l’éducation
  3. Transformer le discours en faveur d’un enseignement public de qualité

Le système de contrôle de l’OIT garantit la pleine application des normes internationales à la profession enseignante

Le spécialiste principal Lejo Sibbel a pris la parole au nom de l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour expliquer le système de contrôle régulier de l’OIT qui permet de créer un dialogue entre l’OIT et les gouvernements afin d’assurer la pleine application des conventions et recommandations dans les lois et dans la pratique.

Il a également souligné que le Comité conjoint OIT/UNESCO d’experts sur l’application des Recommandations concernant le personnel enseignant fournit des orientations aux gouvernements, aux employeurs, aux syndicats d’enseignants et aux autres parties prenantes sur l’élaboration de politiques efficaces concernant les enseignant·e·s.

Résolution sur la transformation des syndicats pour transformer l’éducation

Au cours de la conférence, les délégué·e·s ont adopté une résolution intitulée « Transformer les syndicats pour transformer l’éducation », qui exhorte les gouvernements à protéger les droits humains, à respecter les normes internationales du travail et à reconnaître la valeur de l’éducation pour le développement durable et la construction de sociétés décentes, prospères et équitables, en les invitant à participer et à contribuer aux efforts des Nations Unies pour transformer l’éducation.

La résolution appelle en outre les gouvernements à financer intégralement un enseignement public de qualité, à améliorer le statut du corps enseignant et à s’assurer qu’il bénéficie d’une formation et d’une évolution professionnelle de qualité.

Enfin, elle réaffirme l’engagement des organisations de l’éducation en faveur d’un syndicalisme libre et indépendant.

Objectif clé : veiller à ce que tous les garçons et toutes les filles aient accès à un enseignement public de qualité pour un avenir meilleur

Dans ses remarques finales, la présidente de l’IE, Susan Hopgood, a indiqué que « les problèmes et les défis sont énormes, mais nous ne devons pas nous contenter d’en parler, nous devons travailler ensemble pour pouvoir opérer des changements. Nous devons faire en sorte que les enfants, garçons et filles, aient accès à un enseignement public de qualité pour un meilleur avenir. »

Elle a félicité les délégué·e·s d’avoir pu débattre des problèmes clés de l’éducation dans les pays arabes sous l’angle des actions à mener et de la manière de susciter des changements collectivement, soulignant que « la transformation des syndicats est un thème d’une importance capitale à aborder tout en s’attelant à la tâche de transformer l’éducation. La prochaine campagne doit être pertinente dans vos pays et pour vos membres, et nous avons besoin que les syndicats traduisent le message et le transmettent. »

En conclusion de la 6e Conférence biennale de l’IE ACCRS, la présidente Manal Hdaife a déclaré : « Je vous invite à être unis, soudés et solidaires, et à travailler sur un pied d’égalité, main dans la main, pour faire avancer nos syndicats afin de transformer l’éducation. Nous espérons être à la hauteur de la responsabilité que vous nous avez confiée et revenir dans nos syndicats en portant des enseignements utiles et des idées motivantes. Fidèles à nos aspirations, nous sommes convaincus que rien n’est impossible. Nous n’avons pas perdu et ne perdrons pas espoir ».