Philippines : les éducateur·trice·s présentent des recommandations à l’OIT pour assurer la protection des droits syndicaux
L’Internationale de l’Éducation (IE) a accueilli la récente mission tripartite de haut niveau de l’Organisation internationale du Travail (OIT) aux Philippines. Cette mission est le résultat d’un long plaidoyer des militant·e·s des droits humains et des militant·e·s syndicaux·ales de ce pays, ainsi que des institutions nationales membres de l’IE, soit l’ Alliance of Concerned Teachers (ACT), la Federation of Free Workers-Trade Federation VIII (FFW), la National Alliance of Teachers and Office Workers (SMP-NATOW) et la Teachers' Organisation of the Philippine Public Sector (TOPPS).
Après plus de trois ans de campagne et de retards du gouvernement, la mission tripartite de haut niveau de l’OIT aux Philippines a finalement eu lieu du 23 au 26 janvier.
La mission a enquêté sur des plaintes syndicales à propos d’exécutions extrajudiciaires, de recours aux « étiquettes rouges » et d’autres harcèlements syndicaux aux Philippines. L’une de ses recommandations clés adressées aux autorités publiques philippines est d’établir « un organe unique mandaté par le président et habilité à identifier et à résoudre de façon exhaustive tous les cas en suspens d’exécutions extrajudiciaires et d’enlèvements présumés liés au travail en utilisant un plan d’action précis, incluant un calendrier, des ressources et une reddition de comptes ». Le gouvernement philippin doit rendre compte des progrès accomplis à l’OIT avant la Conférence internationale du travail de 2023, qui commencera le 5 juin.
Recommandations de l’ACT
Pendant le dernier jour de la mission, l'ACT, l’une des institutions ayant déposé le plus grand nombre de plaintes auprès de l’OIT, a proposé des recommandations pour protéger les droits syndicaux aux Philippines.
Les recommandations de l’ACT incluent :
- Rendre justice de façon efficace à toutes les victimes de violation de la liberté d’association grâce à des enquêtes, poursuites, condamnations et punitions immédiates des auteurs, et accorder les réparations appropriées aux victimes et à leur famille.
- Abroger toutes les lois et tous les décrets qui permettent de violer les droits d’organisation et de libre association des enseignant·e·s et des travailleur·euse·s philippin·e·s, tels que le décret 70 et la loi antiterroriste. La force opérationnelle nationale pour mettre fin au conflit armé communiste local doit également être supprimée.
- Cesser la mise en œuvre de campagnes anti-insurrectionnelles à l’origine d’attaques contre les syndicats et les syndicalistes telles que le profilage illégal, le recours aux « étiquettes rouges », le harcèlement, les fausses accusations, les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires.
- Stopper l’interférence de la police, des militaires et des agences gouvernementales civiles dans les processus syndicaux tels que les élections d’accréditation, la négociation de conventions collectives, l’organisation syndicale ainsi que d’autres activités syndicales.
- Adopter une législation visant à obtenir, pour les enseignant·e·s et les travailleur·euse·s du secteur public, le droit à la négociation collective et aux activités pacifiques concertées, y compris le droit de grève.
- Criminaliser juridiquement le recours aux « étiquettes rouges ».
- Fournir aux victimes des attaques contre les droits des enseignant·e·s et des syndicats une assistance juridique et une protection contre les représailles, y compris dans les régions isolées.
- Inviter le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies et des rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur le droit à l’éducation et sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression à mener des enquêtes indépendantes sur les enseignant·e·s et des éducateur·trice·s aux Philippines.
Aucune action positive du nouveau gouvernement pour améliorer les vies des travailleur·euse·s
« L’enquête de quatre jours de la mission aux Philippines a permis, nous l’espérons, de donner à ses membres une image précise des attaques fréquentes commanditées par l’État contre les travailleuses et travailleurs et leurs syndicats. Nos enseignantes et enseignants attendent de la mission de l’OIT qu’elle contraigne le gouvernement philippin à enfin arrêter ses violations systémiques et systématiques de la liberté d’association », a souligné Raymond Basilio, secrétaire général de l’ACT et membre du Bureau exécutif de l’IE.
Il conclut ainsi : « Sept mois au pouvoir et l’administration Marcos n’a pas fait une seule action positive pour améliorer la situation de nos travailleuses et travailleurs aux prises avec des salaires bas et des prix hauts, pendant que les attaques contre nos droits syndicaux se poursuivent après l’ancien régime Duterte. Pendant que nous intensifions notre défense des droits des travailleuses et travailleurs aux échelles locale et nationale, nous espérons obtenir le soutien d’organismes internationaux pour responsabiliser le gouvernement sur ses violations des droits du travail et sa négligence concernant le bien-être des travailleuses et travailleurs. »
Solidarité internationale
« L’Internationale de l’Éducation et les syndicats de l’éducation partout dans le monde sont pleinement solidaires de leurs collègues philippins », a déclaré le secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation David Edwards, ajoutant : « Nous soutenons et continuerons à soutenir leur lutte jusqu’à ce que leurs droits syndicaux soient pleinement respectés et appliqués. Nous exhortons le gouvernement à garantir les droits humains et les droits syndicaux et à stopper immédiatement les attaques choquantes contre la population, en particulier les étudiantes et étudiants autochtones, les défenseuses et défenseurs des droits humains, les journalistes et les défenseuses et défenseurs de la paix. »
L’Internationale de l’Éducation continuera à surveiller de près les situations des activistes de l’éducation et de leurs syndicats aux Philippines.