Centrafrique : le gouvernement doit respecter le droit de grève et répondre aux revendications des syndicats par le dialogue
L’Internationale de l’Éducation condamne les menaces à l’encontre des dirigeant·e·s des syndicats de l’enseignement centrafricains ayant déposé un préavis de grève via une plateforme syndicale, et aussi des enseignant·e·s non syndiqué·e·s qui se joindraient à cette action. Elle demande instamment aux autorités compétentes d’engager les négociations afin d’apporter de vraies réponses aux revendications légitimes des enseignant·e·s du pays.
Suite à l’annonce faite par la plate-forme des syndicats des enseignant·e·s appelée « Dynamique des fédérations des enseignants du Fondamental 1,2 et de l’Enseignement Technique», composée du Syndicat National des Enseignants Autonomes de Centrafrique (SYNEAC, organisation membre de l’Internationale de l’Éducation), du Syndicat des Travailleurs pour le Développement (STD) et de la Fédération de l’Enseignement Technique (FET), de reconduire leur grève, le ministre de l’Éducation nationale, Aboubakar Moukadas Noure, a menacé de sanction les enseignant·e·s non affilié·e·s à ces syndicats et qui observeraient ce mot d’ordre.
Lors de leur Assemblée générale du 4 mars à la Bourse de travail à la capitale Bangui, les enseignant·e·s ont condamné les propos du ministre de la Fonction publique, à qui il·elle·s reprochent de les avoir traité·e·s de « sauvages » et de « sans diplômes » durant les premiers jours de grève. Il·elle·s ont ainsi décidé de la reconduction du mouvement de grève pour 21 jours à compter du 7 mars.
« Les propos tenus par le ministre de la Fonction publique à l’égard des enseignantes et enseignants sont un manque de respect. C’est ce comportement, surtout les pressions qui s’en sont suivies, qui nous ont poussés à durcir notre position. Ainsi, nous allons déclencher une grève de 21 jours qui sera observée à partir du 7 mars », a souligné Innocent Kéréguelé, coordonnateur de la plateforme syndicale créée en août 2022.
Historique de l’action revendicative syndicale
C’est la troisième fois en deux mois que les enseignant·e·s du fondamental 1 et 2 entrent en grève sur l’ensemble du territoire national.
Le 23 janvier, la plateforme syndicale a déposé un préavis de grève de trois jours, mais aucune proposition de négociation n’a été faite de la part des autorités.
Entre le 31 janvier et le 2 février, les enseignant·e·s ont observé une grève de trois jours, puis, du 21 au 28 février, une grève de huit jours, toujours sans mouvement positif de la part du gouvernement.
Si la revendication principale des syndicats est la mise en place d’un Statut Particulier des Enseignant·e·s du Fondamental 1 ,2 et de l’Enseignement Technique, ils demandent par ailleurs :
- La revalorisation du salaire brut (+100%).
- La revalorisation de l’indemnité de craie mensuelle de 5.000 FCFA (équivalent 7,6€), montant fixé en 1981, à 50.000 FCFA.
- La création de nouvelles indemnités.
- L’amélioration de leurs conditions de travail.
Un mémorandum détaillant les revendications a par ailleurs été déposé l’an dernier auprès du gouvernement.
Le gouvernement a quant à lui chiffré l’ensemble des demandes à 5 milliards de FCFA (7,6 millions d’euros) et a indiqué ne pas disposer de ces fonds et que les bailleurs étrangers ne pouvaient répondre à cette demande.
Les syndicats ont expliqué que, s’il existe bien un Cadre de Concertation et de Dialogue Social qui a mis en place une commission de dix membres (cinq représentant·e·s gouvernementaux·ales et cinq représentant·e·s syndicaux·ales), cette commission n’a pas fixé d’échéancier , si bien qu’ils n’ont aucune idée de la durée des négociations.
Ils ont aussi déploré le fait de n’avoir pas été contactés après avoir appelé au dialogue et aux négociations via les préavis, mais tout simplement invités à reprendre le travail sans aucune réponse aux revendications.
Ils ont de même fait valoir que les grèves ont été un succès et mobilisé massivement dans tout le pays.
Soutien du mouvement syndical enseignant international
« Suite au dernier préavis de grève déposé, les syndicalistes ont été insultés et menacés d’arrestation, ce qui est totalement inacceptable », s’est insurgé le secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation, David Edwards.
Rappelant que les droits syndicaux sont des droits humains, il a poursuivi en demandant que ceux-ci soient respectés par les autorités publiques centrafricaines : « Le bras de fer entre gouvernement et syndicats des enseignants sur le mot d’ordre de grève de 21 jours doit cesser, et le gouvernement doit engager un vrai dialogue avec les syndicats représentant les enseignantes et enseignants. »
Edwards a aussi exigé qu’aucune sanction ne soit prise contre les dirigeant·e·s syndicaux·ale – Guillaume Lebrun Sesse Brassy, secrétaire général du SYNEAC, Innocent Kereguele, secrétaire général du STD, et Georges Kevin Wikon, secrétaire général de la FET –, ni contre les enseignant·e·s non affilié·e·s à ces syndicats et qui observeraient ce mot d’ordre.
« Nous apportons notre soutien plein et entier aux syndicalistes et aux enseignantes et enseignants de Centrafrique, saluons l’indéfectible solidarité des syndicats centrafricains dans le mouvement actuel et continuerons à observer étroitement leur situation », a-t-il conclu.