Les syndicats de l’éducation exhortent les gouvernements à financer un enseignement inclusif
« Les syndicats sont un lieu d’inclusion », a déclaré Kevin Bates, Secrétaire fédéral de l’ Australian Education Union (AEU), aux participant·e·s à la conférence « Diversity in Education » (La diversité dans l’éducation), un événement organisé dans le contexte de la WorldPride à Sydney. Des syndicats de l’éducation du monde entier ont participé à la WorldPride à Sydney, une manifestation mondiale qui célèbre durant deux semaines les droits des lesbiennes, gays, bisexuel·le·s, transgenres et intersexes (LGBTI)+.
Organisée le 28 février par l’AEU et la New South Wales Teachers Federation (la Fédération des enseignant·e·s de Nouvelle-Galles du Sud, NSWTF), avec le soutien de l’Internationale de l’Éducation, la conférence « Diversity in Education » est un forum international LGBTI+ à l’intention des éducateur·trice·s dont l’objectif est de créer une prise de conscience et de mieux appréhender les acquis et les défis auxquels sont confronté·e·s les travailleur·euse·s LGBTI+ dans les écoles, tout en offrant une occasion de renforcer la communauté.
Promouvoir les droits des étudiant·e·s et des enseignant·e·s LGBTI+
Des représentant·e·s des organisations membres de l’Internationale de l’Éducation (IE), à savoir l’AEU, la National Education Association (NEA)/États-Unis, la Fédération syndicale unitaire-Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (FSU-SNUipp)/France, le Gewerkschaft Erziehung und Wissenschaft (GEW)/Allemagne, le New Zealand Post Primary Teachers’ Association/Te Wehengarua (NZPPTA)/Nouvelle-Zélande, l’ Educational Institute Of Scotland (EiS)/Écosse, le National Tertiary Education Union (NTEU)/Australie, l’ Independent Education Union (IEU)/Australie, la Friendly Islands Teachers Association (FITA)/Tonga et la Samoa National Teachers’ Association (SNTA) se sont joint·e·s à d’autres militant·e·s, membres de la société civile et syndicalistes afin de renforcer la solidarité et la communauté et d’apprendre les uns des autres comment promouvoir les droits de nos étudiant·e·s et enseignant·e·s lesbiennes, gays, bisexuel·le·s, transgenres, intersexes, en questionnement et autres personnes de genre divers.
Au gré des débats en plénière, des panels internationaux et des plus de 25 ateliers dirigés par des enseignant·e·s et leurs représentant·e·s syndicaux·ales, les intervenant·e·s à la conférence ont présenté diverses perspectives en vue d’améliorer la protection et le respect des droits des lesbiennes, gays, bisexuel·le·s, transgenres, intersexes, en questionnement et autres étudiant·e·s et enseignant·e·s de genre divers dans les écoles. Parmi les principaux thèmes abordés figuraient également le rôle des syndicats en vue d’assurer le respect des droits des LGBTI+ ainsi que les stratégies visant à rendre les syndicats plus inclusifs.
Au cours des ateliers :
- Le NTEU a fait part de sa campagne en cours visant à mettre en place un congé d’affirmation de genre au profit des travailleur·euse·s.
- L’IEU a présenté un exposé sur le soutien apporté par le syndicat au personnel et aux élèves LGBTI+ dans les écoles à sensibilité religieuse.
- L’EiS a décrit le rôle joué par le syndicat en faveur du respect des droits des étudiant·e·s et des enseignant·e·s LGBTI+, y compris en ralliant en 2021 l’engagement national du gouvernement à l’égard d’un programme d’études inclusif au profit des LGBTI+, faisant de l’Écosse le premier pays au monde à instituer un tel programme.
- La NZPPTA a mis en lumière le rôle joué par la Rainbow Taskforce du syndicat (groupe de travail arc-en-ciel) en dispensant aux enseignant·e·s de tout le pays des formations au développement d’écoles plus inclusives.
- Le GEW a évoqué des stratégies de soutien aux élèves trans, intersexes et non binaires à l’école.
- L’AEU Tasmanie a souligné le rôle de l’organisation syndicale dans la réalisation des droits des LGBTI+.
Ces échanges ont clairement mis en évidence le rôle essentiel des enseignant·e·s dans la promotion des droits des LGBTI+ dans les écoles, tout comme le rôle décisif des syndicats en vue d’assurer le respect des travailleur·euse·s LGBTI+, aux niveaux sectoriel et professionnel.
Correna Haythorpe, Présidente de l’AEU, a déclaré à la conférence : « Nous sommes déterminés à lutter pour et à protéger les droits sectoriels, professionnels et civils de nos membres et, de fait, les droits de toutes les personnes LGBTQIA+ à travers le monde ».
Selon elle, pour que les milieux éducatifs embrassent une culture de soutien et d’inclusion, les gouvernements et leurs ministères doivent se placer à l’avant-garde et fixer les normes. « Pour établir des systèmes inclusifs, nous devons nous pencher sur la question des ressources », a-t-elle déclaré.
La force du public : Ensemble on fait école !
La Présidente de l’IE, Susan Hopgood, a appelé à un financement plus important de l’éducation, soulignant le fait que « la diminution des investissements publics dans l’enseignement public se traduit par un système éducatif fondamentalement moins inclusif, ce qui se répercute sur les groupes les plus marginalisés et les plus vulnérables ».
Elle a mis en relief les outils essentiels à la réalisation d’une éducation inclusive et de qualité, y compris pour les élèves LGBTI, et notamment :
- Une éducation complète au genre et à la sexualité fondée sur des preuves scientifiques et des normes relevant des droits humains.
- La formation initiale et le perfectionnement professionnel continu des enseignant·e·s.
- L’octroi de ressources au profit d’organisations d’élèves LGBTI dans les écoles.
- Des programmes scolaires, des ressources et du matériel inclusifs.
Hopgood a également déploré le fait que les personnels de soutien à l’éducation, à l’instar des conseiller·ère·s scolaires ou des travailleur·euse·s sociaux·ales des services à la famille, « soit souvent les premiers à partir lorsque les gouvernements prennent le parti de l’austérité plutôt que de l’humanité ».
Elle a poursuivi en expliquant qu’à travers la campagne de l’IE La force du public : Ensemble on fait école !, les syndicats de l’éducation du monde entier unissent leurs forces pour construire un enseignement public inclusif de qualité pour toutes et tous : « Nous nous mobilisons pour financer intégralement les systèmes d’enseignement public et résister aux coupes budgétaires, à l’austérité et à la privatisation. La force du public : Ensemble on fait école ! est un appel urgent aux gouvernements pour qu’ils investissent dans l’enseignement public, un droit humain fondamental et un bien public, et qu’ils investissent davantage dans les enseignantes et enseignants, le facteur le plus important pour parvenir à une éducation de qualité. »
Les enseignant·e·s, agent·e·s du changement
Le rôle particulier des enseignant·e·s a lui aussi été célébré par les conférencier·ère·s. qui ont déclaré qu’en tant qu’éducateur·trice·s, syndicalistes, défenseur·euse·s des droits humains et membres de la communauté mondiale, les enseignant·e·s jouent un rôle essentiel dans la promotion de l’inclusion et de la diversité dans leurs écoles et dans la perception d’un sentiment de sécurité, de considération et de respect pour les élèves et les familles LGBTI.
La conférence « Diversity in Education » s’inscrivait dans le cadre d’un vaste programme d’événements à l’occasion de la Sydney WorldPride. Les participant·e·s ont ainsi eu l’occasion de célébrer le bonheur collectif de la communauté LGBTQIA+ mais aussi de définir des stratégies et d’apprendre les uns des autres comment promouvoir plus avant les droits des élèves et des enseignant·e·s LGBTQIA+ dans nos écoles, au sein de nos communautés et dans nos syndicats.
La Parade du Mardi Gras
Les festivités ont été lancées avec la Mardi Gras Parade, aussi appelée Sydney Gay and Lesbian Mardi Gras, où les membres de l’IE ont défilé en témoignage de leur soutien aux enseignant·e·s et aux étudiant·e·s de la communauté LGBTQIA+. Selon les organisateur·trice·s, la 45e édition du Mardi Gras de Sydney était l’un des plus importants défilés jamais organisés, incluant plus de 12.000 participant·e·s et des milliers d’observateur·trice·s. À ses débuts en 1978 en Nouvelle-Galles, la Parade du Mardi Gras, qui était alors une manifestation pour les droits des homosexuel·le·s, avait été réprimée par la police qui s’en était pris aux membres de la communauté LGBTQ+. La New South Wales Teachers Federation participe à la Parade du Mardi Gras depuis plusieurs années. Comme l’a expliqué son Vice-président, Henry Rajendra, « il est important que nos familles et nos élèves LGBTQIA+ voient leurs enseignantes et enseignants participer au défilé, car cela leur rappelle qu’ils les considèrent et les cautionnent ».
Conférence sur les droits humains de la WorldPride
Les délégué·e·s de l’IE ont également participé à la Conférence sur les droits humains de la WorldPride de Sydney, la plus importante conférence sur les droits humains des LGBTQIA+ jamais organisée dans l’hémisphère Sud. Les participant·e·s, qui ont exploré durant trois jours diverses questions liées aux droits humains des personnes LGBTQIA+, ont ainsi mené une réflexion sur leur position à cet égard, sur leur vision de l’avenir et sur leur contribution à une évolution de la situation. Les délégué·e·s syndicaux·ales se sont fait l’écho de la voix des éducateur·trice·s et des syndicalistes lors de la conférence.
La question de la mise en place d’établissements d’enseignement inclusifs a été discutée lors de tables rondes dirigées par des représentant·e·s de l’AEU, de l’EiS et du GEW. Les stratégies de collaboration entre parents et enseignant·e·s et l’importance du perfectionnement professionnel continu des enseignant·e·s sur les questions liées à l’inclusion des LGBTQIA+ dans les écoles ont ainsi figuré parmi les questions clés examinées.
Hilario Benzon, Directeur associé du Département des droits humains et civils de la NEA au Center for Racial and Social Justice (Centre pour la justice raciale et sociale), a prononcé un discours liminaire sur le thème L’égalité dans l’éducation : créer des espaces sûrs au profit des enseignant·e·s et des étudiant·e·s. Il a proposé un aperçu des législations anti-LGBTI+ et anti-genre introduites en un temps record aux États-Unis, dont beaucoup se répercutent directement sur les programmes d’études, sur les établissements scolaires ou sur les programmes de sport à l’école. Il a également insisté sur les plus de 327 projets de loi introduits jusqu’à présent en 2023, qu’il a décrits comme « une attaque coordonnée contre l’enseignement public et la communauté LGBTQIA+ ». Poursuivant sa démonstration, Benzon a évoqué les efforts déployés par la NEA pour résister à ces projets de loi, à travers des programmes de formation et de perfectionnement professionnel de ses membres à appliquer en classe, une formation sur la prise de contact avec les autorités locales et les organes de l’État, des guides de communication et l’établissement de partenariats avec d’autres organisations de la société civile, entre autres initiatives. Et d’ajouter : « Malgré toutes ces attaques, nous devons poursuivre notre quête de liberté, de libération et de bonheur, sans exception ! ».
Appel à l’action
La Présidente de l’IE, Susan Hopgood, a souligné que « la force collective des enseignantes et enseignants, des militantes et militants et des syndicats de l’éducation est telle que nous sommes en mesure d’insuffler des changements même lorsque les gouvernements ne sont pas disposés, sont incapables ou sont hostiles à offrir une éducation de qualité, qui soit inclusive ou qui garantisse aux personnes LGBTI la jouissance égale de leurs droits humains. Élevons-nous contre l’intolérance et la discrimination, chaque fois que nous en sommes témoins. Veillons à faire de nos syndicats et de nos écoles des lieux plus inclusifs pour les personnes LGBTI. »
L’expérience de l’IE à la WorldPride de Sydney s’est soldée par la participation de ses délégué·e·s à un puissant final, rassemblant près de 50.000 personnes pour une marche des fiertés historique sur le célèbre Harbour Bridge à Sydney, fermé pour l’occasion (pour la première fois depuis 2000).
L’IE se réjouit à l’idée de faire perdurer cet esprit de solidarité et de bonheur lors de la prochaine WorldPride, qui se tiendra au printemps 2025 à Washington D.C., aux États-Unis.