Le développement de zones libres de tout travail d’enfant, un outil majeur pour protéger le droit à l'éducation des enfants
« Cette lutte contre le travail des enfants se fonde sur la conviction partagée par l’Internationale de l'Education (IE) que l’éducation est un droit humain », a déclaré Pedi Anawi, coordinateur régional de l’IE pour la région Afrique. « Nous croyons qu’aucun enfant ne doit être laissé pour compte. »
Le travail des enfants empêche ces derniers de recevoir l’éducation à laquelle ils ont droit. Le café de coopération au développement (CD) organisé en ligne le 20 juin dernier est revenu sur les efforts stratégiques déployés par l’Internationale de l'Education et plusieurs organisations membres et partenaires du monde entier afin de mettre un terme au travail des enfants.
Création de zones libres de tout travail d’enfant
Les zones libres de tout travail d’enfant désignent des zones, telles qu’un village, qui s’engagent à éliminer toute forme de travail des enfants. Dans ces zones libres de tout travail d’enfant (ZLTE), les enseignant·e·s, les autorités locales, les chef·fe·s de village, les employeurs, les parents et les enfants coopèrent pour que les enfants quittent le travail et aillent à l'école.
A l’occasion du café de coopération au développement, M. Anami et Samuel Grumiau, un consultant de l’IE chargé de promouvoir la suppression du travail des enfants, ont décrit l’engagement des syndicats de l'éducation envers la création de ZLTE. Les syndicats de l'éducation contribuent actuellement au développement de ZLTE dans 12 pays en Afrique, Asie, Europe et Amérique centrale.
Pour créer une ZLTE, les syndicats de l'éducation commencent par choisir la zone où la déployer avant de mener une étude de fond. Après avoir identifié une zone qui pourrait convenir, les syndicats collaborent avec les autorités locales pour que leur projet soit approuvé et cherchent à nouer des partenariats avec d’autres parties prenantes.
Le rôle des enseignant·e·s et des membres du personnel de soutien à l'éducation
Une fois que le projet reçoit suffisamment de soutien des autorités et communautés locales, les enseignant·e·s et les directeurs·rices d’école suivent une formation pour pouvoir identifier les cas de travail des enfants et savoir comment y faire face. Une formation plus poussée est ensuite dispensée aux enseignant·e·s des points focaux, qui prendront des initiatives dans leurs écoles et communautés.
Les enseignant·e·s des points focaux jouent un rôle fondamental, en ce qu'ils·elles veillent à l’intégration de la lutte contre le travail des enfants au sein des communautés, par exemple en créant des associations contre le travail des enfants qui organisent des activités de sensibilisation sur l’importance de l’éducation et les dangers du travail des enfants. Ces activités peuvent prendre la forme de danses, de pièces ou de concours de dessins et d’écriture.
En outre, ces enseignant·e·s contribuent de manière significative aux mesures de prévention grâce auxquelles ils·elles peuvent identifier les enfants les plus susceptibles d’arrêter l’école dans leurs salles de classe.
Les zones libres de tout travail d’enfant en pratique
Lors du café de CD, Pilirani Kamaliza, coordinateur des programmes et du projet de ZLTE du Teacher’s Union of Malawi (TUM), et Matilda Zani, responsable du département juridique de l’Independent Trade Union of Education of Albania (SPASH), ont présenté les avancées enregistrées par leurs communautés depuis le début des ZLTE.
Au Malawi, la ZLTE a atteint un double objectif et s’est traduite par la création d’un dialogue social communautaire ainsi que par la rédaction de règlements contre le travail des enfants. Le dialogue social communautaire est une stratégie qui consiste à poursuivre la sensibilisation sur les questions liées au travail des enfants et à susciter l’intérêt des parents vis-à-vis de l’éducation des enfants. Il implique l’ensemble des acteurs et parties prenantes de la communauté, y compris les chef·fe·s, les ecclésiastiques, les autorités scolaires et les entrepreneurs. Les règlements de la communauté sont le fruit de ce dialogue social.
« Ces règlements sont suivis par l’ensemble de la communauté, afin de veiller à ce que tous les enfants fréquentent l’école dans cette zone en particulier », a précisé M. Kamaliza. « Avec les règlements, nous avons remarqué une augmentation de la scolarisation et une diminution de l’absentéisme. »
Les syndicats de l'éducation albanais FSASH et SPASH ont également observé des retombées positives au sein de leurs communautés grâce à leurs projets contre le travail des enfants. Mme Zani a expliqué l’importance de prêter attention aux élèves vulnérables, notamment celles et ceux de la communauté Rom, pour veiller à leur retour en classe et éviter le décrochage scolaire. Elle a précisé comment le syndicat opérait: « Nous cherchons à identifier les matières préférées et les intérêts de chaque élève. Si un élève se passionne pour la musique ou le sport, nous essayerons de promouvoir cette matière dans les activités de l’école. Nous regroupons aussi les enfants pour promouvoir l’apprentissage par les pairs. Dans certaines écoles, les élèves se mobilisent et organisent des collectes de vêtements ou de nourriture pour enfants venant de familles plus pauvres. »
Incidences pour les communautés
Pour Trudy Kerperien, Vice-présidente du Comité syndical européen de l'éducation (CSEE), le développement d'une ZLTE entraîne un environnement scolaire plus favorable, un meilleur contrôle de l’absentéisme scolaire et permet de mieux comprendre les droits des enfants ainsi que le travail des enfants.
La formation proposée aux enseignant·e·s sur la création de ZLTE s’est accompagnée d’autres retombées positives pour la communauté. Comme l’a précisé M. Kamaliza, au Malawi, « nous avons remarqué qu’avec cette formation, nos enseignants pénalisaient moins fréquemment les élèves. Nous encourageons un apprentissage dans la joie et veillons à ce que les enseignants fassent preuve de gentillesse envers les enfants pour qu’ils se sentent les bienvenus lorsqu’ils se rendent à l’école. » En Albanie, les actions contre le travail des enfants auraient permis à plus de 2 800 enfants de retourner sur les bancs de l’école et empêché la déscolarisation de 6 600 élèves.
L’IE entend poursuivre ses partenariats avec ses organisations membres et ses partenaires, notamment l’Algemene Onderwijsbond (Aob), le syndicat allemand Gewerkschaft Erziehung und Wissenschaft (GEW), la Fair Childhood Foundation et Mondiaal FNV, afin de mettre en œuvre des projets contre le travail des enfants.
Renforcement des syndicats
Les syndicats de l'éducation gagnent en puissance lorsqu'ils œuvrent de concert avec les acteurs et les parties prenantes de leurs communautés pour lutter contre le travail des enfants. En renforçant les syndicats de l’éducation, c’est la lutte pour une éducation publique de qualité qui avance.
Le développement de projets contre le travail des enfants, tels que les ZLTE, s’est traduit par une hausse significative du nombre de membres des syndicats de l'éducation des zones cibles et a en outre influencé positivement la capacité ainsi que la position des syndicats de l'éducation au sein du dialogue social.
M. Kamaliza a observé « qu’en promouvant l’éducation à l’école et l’assiduité scolaire des apprenants, l’opinion générale du public sur le syndicat a évolué. Le grand public fait désormais confiance aux syndicats d'enseignants, ce qui n’était pas le cas lorsque nous nous concentrions uniquement sur les problèmes des enseignants. »
Et de continuer: « Nos formations sur le travail des enfants contribuent aussi à l’augmentation du nombre de membres de notre syndicat et incitent les enseignants à nous rejoindre. Nous avons remarqué une amélioration de la relation entre nos membres et les autorités en charge de l’éducation dans les districts depuis la mise en œuvre de ces projets, ce qui nous aide à nous faire entendre par rapport à d’autres difficultés rencontrées par les enseignants. »