Syndicalisme de l’éducation et peuples autochtones : un engagement ferme en Amérique latine
Des enseignant·e·s syndicalistes issu·e·s de diverses communautés autochtones et affilié·e·s à des organisations membres de l’Internationale de l’Éducation en Amérique latine (IEAL) se sont rendu·e·s dans la ville de Panama le 4 septembre dernier pour participer à la 10e Réunion régionale consacrée à l’enseignement public et aux peuples autochtones. Organisé du 4 au 6 septembre, cet événement était inscrit dans la continuité d’un processus lancé en 2009 à Antigua, au Guatemala, dont la dernière réunion s’est tenue en 2022 à Asunción, au Paraguay.
Dialogue et réflexion sur l’enseignement public et les peuples autochtones
Au cours de la séance d’ouverture, les participant·e·s ont abordé les défis communs auxquels sont confrontés les peuples autochtones en Amérique latine, notamment la lutte pour la reconnaissance de leurs terres ancestrales et l’accès à un enseignement public qui respecte les valeurs des diverses cultures et traditions autochtones. Également présentes à la réunion, les autorités du ministère panaméen de l’Éducation ont souligné l’importance de l’enseignement public, considéré comme un moyen de combler les lacunes et de promouvoir l’égalité des genres dans le monde politique.
Combertty Rodriguez, coordinateur principal du bureau régional de l’IEAL, a insisté sur l’importance d’établir une relation solide entre les organisations syndicales et les populations autochtones. L’objectif principal est de permettre aux syndicats de l’éducation de comprendre et d’aborder efficacement les besoins des enseignant·e·s autochtones et des populations autochtones en général.
Fátima Silva, vice-présidente du Comité régional de l’IEAL et secrétaire générale de la Confédération nationale des travailleur·euse·s de l’éducation du Brésil (CNTE), a animé une activité de présentation au cours de laquelle chaque participant·e a fourni des informations concernant son identité, son organisation syndicale, sa formation et son expérience dans le domaine de l’éducation. Elle a souligné la diversité des participant·e·s et l’importance de comprendre les réalités des peuples autochtones dans la région.
Par ailleurs, la chercheuse Gabriela Bonilla a présenté l’Observatoire latino-américain des politiques éducatives (OLPE), en insistant sur la politique éducative régionale et son impact sur les populations autochtones. Au cours de cette séance, un document d’information à ce sujet a été distribué aux personnes présentes. La présentation de l’OLPE a été suivie de discussions en groupes au cours desquelles les participant·e·s ont échangé leurs avis concernant les programmes d’études, le rôle des enseignant·e·s selon le point de vue autochtone et le débat sur les modes d’enseignement présentiel et virtuel. Leurs points de vue ont été intégrés au document de travail qui sera distribué ultérieurement aux organisations syndicales participantes.
Commémoration de la Journée internationale des femmes autochtones
La deuxième journée de réunion, le 5 septembre, a été dédiée aux célébrations de la Journée internationale des femmes autochtones, instituée en mémoire de Bartolina Sisa, une femme autochtone aymara assassinée en 1782, après avoir lutté contre la domination espagnole. Au cours d’une table ronde ayant pour thème la situation des enseignantes autochtones, les représentantes de divers pays ont eu l’occasion d’échanger leurs points de vue.
Les intervenantes ont abordé la question des inégalités et des discriminations auxquelles sont confrontées les femmes autochtones au sein de l’éducation et sur les lieux de travail, en soulignant la nécessité de leur offrir la possibilité de participer aux processus politiques et aux prises de décisions. Elles ont également dénoncé les violences dont sont victimes les filles et les femmes autochtones, ainsi que leur exclusion des systèmes éducatifs.
Edi Serigy, éducatrice autochtone du peuple Tipinambá au Brésil, a décrit en détail l’enseignement scolaire autochtone, ainsi que les progrès et les régressions en matière de droits des peuples autochtones au Brésil. Plusieurs avancées importantes ont été soulignées, telles que la création du ministère des Peuples autochtones et d’une commission nationale de l’enseignement scolaire autochtone.
Fátima Silva a complété cette présentation en expliquant en détail le contexte politique au Brésil et les progrès soutenus par le gouvernement progressiste dans un contexte de polarisation politique.
De nouvelles revendications pour l’enseignement et les peuples autochtones
Par ailleurs, durant cette activité, les participant·e·s ont travaillé à la préparation de la déclaration de la 10e Réunion régionale consacrée à l’enseignement public et aux peuples autochtones. La déclaration est disponible en intégralité ici.
Cette déclaration appelle à une réforme en profondeur des politiques publiques dans la région, en vue de garantir un enseignement public gratuit, de qualité et culturellement pertinent pour tous les peuples autochtones d’Amérique latine. Elle défend l’intégrité des territoires autochtones et plaide en faveur de leur autonomie et d’une augmentation significative du financement public de l’enseignement autochtone.
Y sont également soulignées l’importance de former et de recruter des enseignant·e·s autochtones et celle, en particulier, d’enseigner dans les langues maternelles. Par ailleurs, il est proposé de créer des programmes d’études basés sur les visions du monde autochtones, en adoptant une approche inclusive reflétant la diversité des cultures et traditions des peuples autochtones.
La participation active des femmes aux processus décisionnels et à la lutte contre les violences sexistes est une priorité absolue. La déclaration revendique également des salaires équitables et des conditions de travail décentes pour le personnel de l’éducation autochtone et reconnaît son rôle fondamental dans la transmission des connaissances et des cultures.
Les infrastructures et l’accès aux services de base dans les établissements scolaires autochtones sont considérés comme des conditions essentielles pour garantir une éducation de qualité. Le document met également en garde contre la fracture numérique et technologique à laquelle sont confrontées les communautés autochtones et préconise d’y remédier par la formation et l’accès à des outils technologiques appropriés.
Dans un monde en évolution constante, il importe de mettre l’accent sur les dangers de la privatisation et de la commercialisation de l’éducation, qui menacent d’exclure les élèves autochtones des systèmes éducatifs. Il est proposé de décoloniser les programmes d’études et le financement de l’éducation afin de garantir un enseignement véritablement inclusif et respectueux des identités autochtones.
L’utilisation responsable des technologies numériques et l’inclusion de l’intelligence artificielle dans l’éducation autochtone doivent être alignées sur des principes d’égalité, les droits humains et la diversité culturelle. La réglementation de l’intelligence artificielle est essentielle pour éviter les préjugés et la discrimination.
Enfin, un appel est lancé pour renforcer l’organisation et la représentation syndicales des peuples autochtones au sein de l’éducation, en reconnaissant l’importance de maintenir une voix unie et puissante pour défendre leurs droits et leurs aspirations.
La 10e Réunion régionale consacrée à l’enseignement public et aux peuples autochtones, organisée au Panama, s’est révélée un espace fondamental de dialogue et de réflexion sur les défis éducatifs et sociaux auxquels sont confrontés les peuples autochtones en Amérique latine.
Cette déclaration se veut le reflet d’un engagement ferme à promouvoir l’éducation autochtone et à défendre les droits de ces peuples dans la région.