S’attaquer au sort trop souvent négligé des enseignantes et enseignants réfugié·e·s
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À l’occasion de la Journée mondiale des enseignantes et des enseignants 2023, il est essentiel de lever le voile sur une question qui reste largement ignorée : le sort des enseignantes et des enseignants réfugié·e·s. Depuis 1994, nous nous réunissons chaque année pour célébrer les contributions remarquables des personnels enseignants du monde entier. Mais combien de fois nous arrêtons-nous pour considérer les défis uniques auxquels sont confrontés les enseignantes et les enseignants qui n’ont eu d’autre choix que de quitter leur foyer ? Le thème de cette année, « Les personnels enseignants dont nous avons besoin pour l’enseignement que nous voulons : un impératif mondial pour en finir avec la pénurie d’enseignantes et d’enseignants », offre une occasion unique de mettre en lumière leur contribution héroïque souvent méconnue.
Des défis persistants au-delà des « murs de la classe » pour les personnels réfugié·e·s
Imaginez un instant que vous n’ayez pas d’autre choix que de quitter votre pays d’origine et tout ce que vous connaissez. Imaginez maintenant que vous arrivez dans un nouveau pays et que vous découvrez que les diplômes pour lesquels vous avez travaillé si dur ne sont plus reconnus. Votre capacité professionnelle n’existe plus. Même si vous avez la chance d’obtenir un poste pour enseigner, celui-ci est assorti d’un statut professionnel fortement diminué, d’un soutien minimal pour obtenir des qualifications et entrer dans le système national, et d’un salaire réduit, car la lutte pour obtenir un financement pluriannuel prévisible pour les personnels enseignants ou les populations réfugiées continue d’être l’un des plus grands défis auxquels sont confrontés les systèmes éducatifs des pays d’accueil. Dans de nombreux cas, les enseignantes et enseignants réfugié·e·s ne sont tout simplement pas pris·e·s en compte dans la planification nationale s’agissant d’augmenter les effectifs enseignants, la définition du budget ou les réformes en matière de rémunération, de rétention ou de développement professionnel.
L’étude du HCR intitulée Teachers in Refugee and Displacement Settings : Policies, Practices & Pathways for Improving Teacher Quality & Workforce Sustainability (en français: "Les personnels enseignants dans les zones affectées par les déplacements de population et accueillant des réfugié·e·s: politiques, pratiques et pistes pour améliorer la qualité de l'enseignement et la pérennité des effectifs") révèle que les personnels enseignants en situation de déplacement forcé évoluent fréquemment dans des environnements de classe complexes avec des qualifications, un soutien ou une rémunération limités [1]. En particulier, pour les personnels enseignants qui sont aussi réfugiés, les opportunités sont encore plus limitées parce que leur travail est rarement protégé par les normes de travail des pays d’accueil. Ce manque de reconnaissance et de soutien institutionnel pour les personnels enseignants dans les zones d’accueil des populations réfugiées a des conséquences négatives sur la scolarisation, les résultats et le bien-être des enfants réfugié·e·s et des communautés d’accueil.
Pour les personnels enseignants des camps de réfugié·e·s du monde entier, ces défis ne sont pas hypothétiques : c’est leur réalité quotidienne.
Nous louons souvent la résilience des réfugié·e·s, leur courage et leur détermination. Mais qu’en est-il de celles et ceux qui, malgré des circonstances aussi difficiles, s’engagent pour éduquer la prochaine génération ? Ce ne sont pas seulement des enseignantes et des enseignants ; ce sont des phares d’espoir, des piliers de stabilité et des symboles de normalité pour des enfants traumatisé·e·s par la guerre et les déplacements. Leurs histoires, dans des pays comme le Tchad et l’Ouganda, reflètent des défis persistants, qu’il s’agisse d’une rémunération inadéquate entraînant l’attrition des enseignantes et des enseignants, de ressources pédagogiques insuffisantes ou d’opportunités de formation limitées. N’oublions pas non plus les enseignantes réfugiées, qui sont confrontées à des obstacles uniques et supplémentaires, mais qui jouent un rôle crucial dans l’amélioration des chances d’accès à l’éducation pour les filles, tout en apportant d’immenses bénéfices en termes d’éducation et de protection.
Le rôle crucial des syndicats de l’éducation
Dans ce contexte, l’étude montre comment les syndicats de l’éducation peuvent contribuer à renforcer la reconnaissance et le soutien des personnels enseignants réfugiés. Les résultats de l’enquête ont révélé les efforts louables des syndicats de l’éducation dans des pays comme le Cameroun, le Tchad, le Malawi, le Pakistan, l’Ouganda et la Syrie pour sauvegarder les droits des personnels enseignants, garantir une rémunération versée à temps et donner la priorité au bien-être des enseignantes et des enseignants. Le contexte européen nous offre des exemples tangibles de l’impact des interventions syndicales. Pendant la période tumultueuse de la crise syrienne et, plus récemment, de la crise ukrainienne, les syndicats ont activement soutenu leurs collègues de Syrie et d’Ukraine, en leur fournissant des informations sur l’accès à la formation, aux services sociaux et aux opportunités d’enseignement.
Pourtant, il reste encore beaucoup à faire. Le Pacte mondial sur les réfugié·e·s souligne l’importance du partage du fardeau et des responsabilités, et invite les pays d’accueil à soutenir l’inclusion des réfugié·e·s dans les systèmes éducatifs nationaux. Les syndicats de l’éducation ont la possibilité de plaider en faveur de l’inclusion des enseignantes et enseignants réfugié·e·s dans les systèmes nationaux, en soutenant l’amélioration de leurs conditions de travail et l’accès à des opportunités de développement professionnel. Ce faisant, non seulement ils renforcent la solidarité entre enseignantes et enseignants, mais ils améliorent également l’expérience éducative des élèves réfugié·e·s, en leur fournissant des modèles de rôles qui reflètent leurs expériences.
Le Forum mondial sur les réfugié·e·s (FMR) de 2023 est une occasion en or. Nous avons besoin d’une collaboration internationale, d’une mise en commun des ressources et d’un échange d’expertise. L’équipe de travail sur le personnel enseignant du FMR, dirigée par l’Internationale de l’Éducation (IE), a identifié un ensemble de mesures proactives - de l’établissement de mécanismes financiers qui garantissent un financement continu des salaires des personnels enseignants à la promotion d’un dialogue qui implique les personnels dans les processus de prise de décision. Les syndicats de l’éducation peuvent s’engager activement auprès des enseignantes et des enseignants réfugié·e·s, écouter leurs expériences et les défis recontrés, défendre leurs droits et leur inclusion à tous les niveaux politiques et veiller à ce que les personnels enseignants réfugiés ne soient pas seulement vus, mais aussi entendus, valorisés et renforcés dans leur capacité d’agir.
Alors que nous reconnaissons et applaudissons les contributions monumentales des enseignantes et des enseignants dans le monde entier, il est temps de s’assurer que les enseignantes et les enseignants réfugié·e·s, soutenu·e·s par le cadre solide des syndicats, soient au premier plan, défendant une éducation de qualité pour toutes et tous.
Le HCR a commandé cette étude afin d’explorer et de mieux comprendre les différents profils des enseignantes et des enseignants travaillant auprès des populations réfugiées et déplacées — et notamment la gestion des personnels enseignants, de leur développement professionnel et de leur bien-être — pour permettre au HCR, aux partenaires et aux acteurs étatiques de fournir aux personnels enseignants dans ces contextes un soutien, des ressources et un développement des capacités plus ciblés et plus efficaces.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.