Le bien-être des personnels enseignants – Un défi mondial
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La publication du Baromètre international de la santé et du bien-être du personnel de l’éducation (I-BEST 2023) offre une occasion extraordinaire d’entendre directement la voix de plus de 26.000 personnels éducatifs du monde entier. Si le profil et le contexte des pays participants varient considérablement, je suis frappée de voir les points communs entre les grandes tendances décrites par l’équipe de recherche. Il va de soi qu’il existe des différences notables en termes d’expérience de l’autonomie au travail, d’accès aux soins de santé et de salaires entre les pays participants, mais on observe une convergence des questions clés liées au bien-être du personnel.
Pour commencer, nous devons nous réjouir du fait que s’ils devaient recommencer, la majeure partie du personnel de l’éducation choisirait encore de travailler dans des établissements scolaires. La passion et l’engagement du personnel de l’éducation sont peut-être l’atout principal que possèdent nos systèmes d’éducation dans le monde. Un travail qualitatif de suivi pourrait s’interroger sur les résultats inférieurs enregistrés au Maroc, au Cameroun et au Japon, mais, globalement, cette constatation apporte de l’espoir face à ce qui serait, sans cela, un tableau sombre de la santé de la profession dans le monde.
Mon organisation étudie la santé et le bien-être du personnel de l’éducation de manière systématique [1]. Dès lors, une grande partie de ce qui est mentionné ici m’est familier, compte tenu de notre travail local au Royaume-Uni et de la recherche récente que nous avons entamée pour l’Internationale de l’Éducation (à paraître). En particulier, trois résultats me semblent préoccupants.
Premièrement, le mauvais équilibre entre vie professionnelle et vie privée est un thème qui revient partout dans le monde. L’étude I-BEST fait état de résultats étonnamment médiocres en France, en Belgique, au Royaume-Uni et au Canada. Bien que l’Argentine, le Maroc, la Suisse et le Cameroun obtiennent un meilleur score pour cet élément, plus d’un tiers des enseignantes et enseignants de ces pays font néanmoins état d’un déséquilibre malsain. C’est important en raison de l’effet considérable que peut avoir un mauvais équilibre entre vie professionnelle et vie privée sur les personnes concernées. Selon le Rapport mondial 2017 sur le bonheur, « Les personnes que le travail laisse trop fatiguées pour profiter des dimensions non professionnelles de leur vie font état de niveaux d’affect positif sensiblement inférieurs à ceux des personnes qui ne le sont pas » [2]. Cet élément peut être corrélé avec le stress, l’épuisement professionnel, l’intention de quitter le métier et un effet négatif sur les résultats des enfants et des jeunes [3].
Deuxièmement, je suis étonnée de la convergence des réponses concernant le statut peu élevé perçu de la profession enseignante. Il reste du travail à faire pour comprendre comment le Japon enregistre une tendance positive sur ce point (et par rapport à d’autres professions), mais l’expérience des personnels en France et en Belgique est particulièrement préoccupante. La pandémie de COVID-19 a montré combien les communautés ont besoin des enseignantes et des enseignants, mais avoir besoin n’équivaut pas à valoriser. La professeure Tanya Overden-Hope souligne le fait que « les agences qui contrôlent le recrutement des personnels enseignants et supervisent leur rétention n’ont pas compris l’importance du ‘statut’ dans la détermination de l’ensemble des circonstances qui contribuent au déclin du nombre d’enseignantes et d’enseignants stagiaires et à l’augmentation du taux d’attrition des personnels enseignants » [4].
Troisièmement, l’émergence de la violence sur le lieu de travail dans le secteur de l’éducation est un thème qui doit alerter les responsables politiques partout. Une fois encore, le Japon représente une anomalie, avec 4 % du personnel rapportant une expérience de violence au travail. Dans tous les autres pays et territoires, un taux étonnant de 22 à 40 % des personnes interrogées signalent avoir été victimes de violence sur le lieu de travail. La plupart des auteur·e·s sont des élèves, des collègues et des parents, bien qu’au Maroc et au Cameroun, notamment, la violence soit due à des acteurs extérieurs à la communauté scolaire.
Ces facteurs sont reliés entre eux de diverses manières selon les différents contextes nationaux et régionaux. Le fait que la satisfaction au travail des personnels éducatifs soit aussi faible est néanmoins révélateur de l’effet corrosif que produisent ces facteurs dans tous les environnements. Moins de la moitié des effectifs est satisfaite de son travail au Cameroun, au Maroc, au Royaume-Uni et en France.
Education Support préconise une approche systémique du bien-être du personnel de l’éducation [5]. Les résultats de l’I-BEST 2023 renforcent cette conviction et mettent en évidence la nécessité d’améliorer la situation au niveau de l’élaboration des politiques éducatives nationales et du processus décisionnel au sein des établissements scolaires. En parallèle, nous espérons que les personnels éducatifs pourront être soutenus et prendre soin de leur propre bien-être à la lumière des demandes excessives auxquelles ils font face.
À la lecture du rapport et des données, il n’est pas difficile de relier les pointillés entre les graves problèmes de recrutement et de rétention de personnel enseignant. Au fil du temps, l’attrait de la profession s’amenuise en raison des expériences négatives liées au travail en milieu scolaire. L’ingratitude de la tâche apparaît aux enfants et aux jeunes et rares sont les parents qui encourageront leurs enfants à s’engager dans une carrière dans l’enseignement.
À court terme, nous nous faisons des illusions si nous pensons que des professionnel∙le∙s peinant à concilier vie professionnelle et vie privée, jouissant d’un statut peu élevé et exposés à de la violence sur le lieu de travail pourront être en mesure de faire de leur mieux au travail.
Il est temps de réfléchir à de nouvelles pistes pour améliorer la satisfaction au travail des personnels enseignants tant qu’ils demeurent dans la profession.
Gibson, S., and Carroll, C. (2021). Stress, Burnout, Anxiety and Depression: How they impact on the mental health and wellbeing of teachers and on learner outcomes
Ovenden-Hope, T (2022). A status-based crisis of teacher shortages? Research in Teacher Education, Vol 12, No.1 pp 36-42.
Mc Brearty, S (2020). (blog post). Part of a series ‘Researching education and mental health: From ‘Where we are now’? to ‘What’s next?’. Teacher wellbeing: A systemic perspective
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.