Les travailleur·euse·s mettent en commun diverses stratégies en faveur de l’inclusion au sein des syndicats professionnels et des systèmes éducatifs
Des membres de divers syndicats professionnels se sont réunis à l’occasion du 6e Forum des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT+) dans le cadre d'une collaboration Internationale de l’Éducation (IE)/Internationale des Services Publics (ISP) qui s’est tenu le 13 octobre 2023 à Genève (Suisse), un moyen de réaffirmer la nécessité pour les travailleur·euse·s, notamment ceux∙celles du secteur de l’enseignement public, de montrer qu’existent des pratiques porteuses d’espoir quant à la façon dont les syndicats, dans leur protection des droits des LGBT+, œuvrent à la création de lieux de travail, de syndicats, d’écoles et de communautés qui soient inclusifs, et que les syndicats font front dans la lutte contre l’émergence d’un discours anti-LGBT+, de discriminations et de violences envers les personnes LGBT+.
En ouverture de l’événement, Marjolaine Perreault, membre du Bureau exécutif de l’IE, a, au nom de l’IE et de l’ISP, rappelé aux participant·e·s que, au cours des vingt dernières années, l’IE et l’ISP se sont unies pour former une alliance forte dans la lutte en faveur des droits des travailleur·euse·s LGBT+, comme l’atteste le fait que le premier forum commun des deux organisations s’est tenu en pré-ouverture du Congrès de l’IE qui avait été organisé en 2004 à Porto Alegre, au Brésil.
« Partout dans le monde, nombre de nos affiliés ont assumé le devoir de défendre les membres LGBT+ », a-t-elle souligné, ajoutant : « il reste encore beaucoup de travail à faire, car nous assistons à l’émergence grandissante, organisée à l'échelle mondiale, de dirigeantes et dirigeants politiques qui alimentent la rhétorique anti-LGBT+ et la violence dont ces derniers sont l’objet, et ceci, en invoquant une prétendue panique morale, se servant de la vie des LGBT+ comme si ces derniers étaient des pions dans leur jeu politicien. Et, sur bien des plans, nos écoles sont en première ligne de cette panique morale, le lieu même où ces dirigeantes et dirigeants cherchent à nous diviser. »
Perreault a ajouté : « Nous savons qu'en tant que syndicalistes et défenseuses et défenseurs des droits humains, nous avons un rôle essentiel à jouer dans la promotion de l'inclusion et de la diversité sur nos lieux de travail – qui sont, pour beaucoup, des points d'ancrage solides fédérant les communautés qui les fréquentent. Un rôle essentiel, également, dans la protection des droits fondamentaux de nos membres LGBT+, et des étudiants/élèves et communautés LGBT+. »
Prenant pour exemple le cas de son propre pays, elle a remarqué que « dans certaines provinces canadiennes, on a instauré de nouvelles lois, qui se sont accompagnées du retrait de budgets jusque-là destinés à la formation du personnel scolaire sur les réalités de la diversité sexuelle et de genre. Pourtant, dans les syndicats de l’éducation, il existe une volonté criante d’être mieux formé et outillé sur ces questions, dans tous les secteurs d’emploi. »
Elle a conclu par ces mots : « Ce forum est l’occasion idéale pour renforcer notre unité, consolider les réseaux syndicaux LGBT+, nous engager dans une solidarité et une collaboration intersectorielles et rendre notre action politique en faveur des droits humains plus inclusive et visible à toutes et tous. Le moment est venu de renforcer nos capacités en tant que mouvement syndical international. »
Développer des syndicats inclusifs
Confirmant l’idée que développer des syndicats inclusifs signifie repenser les structures, les politiques, les pratiques et les revendications collectives des syndicats afin de pouvoir refléter la diversité des membres qui les composent, Meredith Peace, présidente de la section de l’État de Victoria du Syndicat australien de l’éducation (Australian Education Union) a expliqué : « il est important d'élaborer des politiques fortes au sein de nos syndicats, des politiques qui reflètent les besoins, les croyances et les valeurs de nos membres, en particulier de nos membres LGBT+. »
Linda Bogle-Mienzer, du Syndicat des services publics des Bermudes (Bermuda Public Services Union), a tenu à souligner que « statistiquement, un·e travailleur·euse passe plus de temps au travail qu'à la maison, et, donc que, si le travail n'est pas un lieu où l’on se sent en sécurité, alors tout ce temps que nous y passons, nous le passons avec des gens qui disent que nous n’avons pas le droit d’être nous-mêmes. Dans la mesure où les syndicats jouent un rôle essentiel dans cette transformation des lieux de travail en espaces sûrs, nous devons d’abord garantir que les syndicats eux-mêmes soient des espaces sûrs. »
Combattre le retour de bâton anti-LGBT+
Dans un monde marqué par de multiples crises, les angoisses et les craintes peuvent offrir un terreau aux pourvoyeurs de haine. Au cours d'une table ronde centrée sur l’observation de ce phénomène mondial qu’est la diffusion grandissante des idéologies et des mouvements associés à cette haine sur nos lieux de travail et dans nos sociétés, Michael Barry de la Fédération américaine des enseignant·e·s (American Federation of Teachers, AFT) a souligné l’acuité de ce problème aux États-Unis et combien la collaboration est cruciale pour lutter contre la censure et promouvoir les droits LGBT+.
« L’AFT a toujours adopté une position ferme contre les projets de loi du type ‘Don’t say gay’ (Ne parlez pas des gays) », a-t-il déclaré. « Ces projets de loi tentent de censurer les enseignantes et enseignants et ils marginalisent les enfants concernés et leurs familles. Les enseignantes et enseignants se sentent menacés, mais la collaboration, c’est la force, et les syndicats doivent collaborer entre eux ! »
Matilda Zani, représentant le Syndicat professionnel de l’éducation d’Albanie (Independent Trade Union of Education of Albania, SPASH-ITUEA), a expliqué que son syndicat avait organisé un atelier destiné à consolider l’affirmation que les droits des LGBT+ sont des droits humains.
« Le harcèlement moral et physique dont sont victimes les personnes LGBT+ et la stigmatisation dont ils font l’objet ont un impact sur la santé mentale et le bien-être des travailleuses et travailleurs. Notre travail est de sensibiliser, de lutter contre les discriminations sociales et économiques. Mon syndicat a organisé un atelier portant sur ces problèmes, pour insister sur l’idée que les droits LGBT+ sont des droits humains. »
Pour des services publics sensibilisés aux problématiques queers
Un autre panel a débattu autour du rôle des travailleur·euse·s LGBT+ dans le secteur public, considéré·e·s comme l'avant-garde du mouvement visant à concevoir et à fournir des services publics inclusifs, à l’écoute des problèmes et porteurs de changement.
Parmi les divers sujets abordés, les membres du panel ont tenté de répondre à la question suivante : quel type de développements dans les secteurs de l'éducation et de la culture, les éducateur·trice·s et leurs syndicats peuvent-ils appuyer afin de soutenir les personnes LGBT+ ?
Atsushi Takehana, du Syndicat des enseignant·e·s du Japon (Japan Teachers’ Union, JTU), a tenu à déclarer : « Quand j'enseigne, je mets l'accent sur l'éducation aux droits humains, qui fait partie du programme scolaire japonais. Au Japon, il existe une discrimination contre les groupes minoritaires. Quand j’aborde ce sujet avec mes élèves, je leur dis : ‘Dans votre classe, il y aura toujours un membre d’un groupe minoritaire, à commencer par moi-même.’ »
Pour Justine Mercer, présidente nationale du syndicat de l’enseignement supérieur (University and College Union, UCU) au Royaume-Uni, son syndicat « peut s’enorgueillir d’une histoire marquée par la lutte en faveur des droits LGBT+. Nous avons un représentant LGBT+ au sein de notre conseil d'administration et un comité LGBT+. Nous avons également une charte LGBT+ (en anglais) qui vise à contrer les attaques et la couverture négative de la part des médias, qui ont ciblé les personnes LGBT+ ces dernières années. »
Un autre excellent exemple de formation syndicale réussie sur les droits LGBT+, et qui a porté notamment sur la manière de faire en sorte que les personnes LGBT+ se sentent reconnues et en sécurité au sein de leurs syndicats, a été rapporté par Pau Farcia Orritz, de la Fédération de l’enseignement des Commissions ouvrières (Federación de Enseñanza de Comisiones Obreras, FECCOO) espagnole : « Nous ne devons pas perdre de vue l’approche intersectionnelle. Il n’y a pas de fierté sans féminisme, il n’y a pas de féminisme sans fierté. »
Quelques jours après que le Forum LGBT+ IE/ISP s’est tenu, le Congrès de l’ISP a adopté un 28e amendement à son plan d’action, appelant les syndicats professionnels à « établir un comité mondial de coordination LGBTQA+, qui se réunira régulièrement de façon virtuelle, au moins une fois tous les six mois, et qui comprendra des coordinateur·trice·s régionaux·ales élu·e·s parmi les membres des comités de coordination régionaux. Le comité de coordination mondial nommera une personne pour assurer la liaison et un·e observateur·trice auprès du Conseil exécutif mondial de l’ISP. »
Les grandes lignes de la politique de l'IE en faveur de la promotion de l'inclusion et de la diversité dans les établissements d’enseignement, ainsi que de la protection des droits fondamentaux des adhérent·e·s aux syndicats et des élèves/étudiant·e·s LGBT+, peuvent être consultées ici. L’IE et l’ISP sont fières de collaborer avec d'autres fédérations syndicales du monde entier afin de promouvoir les droits des LGBT+ dans le monde du travail. Pour de plus amples informations sur le sujet, on pourra consulter ce lien.