De nouvelles études viennent étayer le travail des syndicats pour surmonter les obstacles imposés par le droit d’auteur aux enseignant.e.s et à la profession enseignante
Le 28 septembre, Journée internationale de l’accès universel à l’information, l’Internationale de l’Éducation a organisé un événement en ligne intitulé « Les chemins de la pédagogie : surmonter les obstacles liés au droit d’auteur pour l’accès des enseignant·e·s aux ressources. L’événement a donné lieu au lancement de trois nouveaux travaux de recherche commandés par l’Internationale de l’Éducation sur les régimes de droit d’auteur et leur impact sur l’éducation et les éducateur·trice·s au Kenya, aux Fidji et aux Philippines, ainsi que dans les contextes d’enseignement transfrontalier.
Recherche sur l’impact des restrictions imposées par le droit d’auteur dans le domaine de l’éducation
L’événement a permis de présenter les résultats de recherches récentes menées à l’échelle mondiale sur l’accès et l’utilisation des matériels pédagogiques et d’apprentissage à l’aulne du droit d’auteur.
Dara Dimitrov et Rogena Sterling de l’Université de Waikato, Nouvelle-Zélande, ont présenté leurs conclusions sur l’Accès à et l’utilisation des outils pédagogiques du point de vue du droit d’auteur aux Fidji et aux Philippines. Sur la base des entretiens menés avec des éducateur·trice·s des Fidji et des Philippines, les chercheur·euse·s ont pu conclure que tous les enseignant·e·s souhaitaient offrir la meilleure expérience d’apprentissage à leurs élèves, mais qu’il·elle·s se trouvaient confronté·e·s à des supports obsolètes qui les empêchaient de préparer leurs cours adéquatement. Les éducateur·trice·s des deux pays ont indiqué qu’il était impossible d’enseigner sans enfreindre le droit d’auteur d’une manière ou d’une autre et que le coût et l’accès aux matériels constituaient un obstacle permanent. Les chercheur·euse·s ont recommandé que les lois internationales sur le droit d’auteur soient révisées à des fins éducatives, afin d’accorder de plus grandes concessions en matière d’accès et d’éliminer les obstacles financiers pour les pays en développement.
Catherine et Charles Nandain de la Technical University, au Kenya, ont présenté aux participant·e·s un aperçu de leurs recherches sur l’Accès à et l’utilisation des outils pédagogiques du point de vue du droit d’auteur au Kenya, ainsi que d’autres recherches menées au Sénégal. Les études ont révélé que les enseignant·e·s au Kenya et au Sénégal sont confronté·e·s à des difficultés liées au coût et à l’accessibilité du matériel pédagogique, ce qui a un impact sur la qualité de l’éducation. En outre, les enseignant·e·s éprouvent souvent des difficultés à comprendre les lois sur le droit d’auteur ou ne connaissent pas suffisamment la législation en vigueur, ce qui peut entraîner des risques juridiques. Les chercheur·euse·s recommandent que les lois sur le droit d’auteur soient régulièrement mises à jour afin de prendre en compte les évolutions technologiques. Des efforts doivent également être entrepris pour simplifier le libellé de la loi, fournir des orientations claires et sensibiliser les éducateur·trice·s et autres parties prenantes aux dispositions relatives aux exceptions au droit d’auteur dans le domaine de l’éducation.
Aurora Escudero de l’Université autonome de Barcelone et de l’Université de Glasgow a présenté les résultats d’un bref examen de la législation sur le droit d’auteur et de son impact sur l’éducation en Amérique latine. Les expert·e·s interrogé·e·s dans le cadre de l’étude ont souligné que la législation sur le droit d’auteur dans la région est obsolète et que les exceptions sont très strictement encadrées. Alors que les pays à revenu élevé évoluent vers un régime plus souple d’exceptions à des fins éducatives, les pays à revenu moyen sont à la traîne. Les expert·e·s ont, par ailleurs, souligné que les exceptions en faveur de l’éducation sont essentielles pour garantir l’équité dans l’éducation, éliminer le risque de sanctions juridiques à l’encontre des éducateur·trice·s, lever les limitations actuelles sur la pédagogie et lever aussi les incertitudes concernant la propriété intellectuelle des ressources éducatives créées par les éducateur·trice·s.
Kimberly Anastacio, de l’American University, aux États-Unis, a présenté une nouvelle étude commandée par l’Internationale de l’Éducation portant sur l’enseignement transfrontalier dans l’ère numérique, intitulée Higher Education in the International Digital Economy: Effects of Conflicting Copyright Regimes on Cross-Border Teaching (en anglais). L’étude comprend une enquête auprès de 214 enseignant·e·s de cinq régions, ajoutant la voix des enseignant·e·s aux recherches existantes. Plus de 50 % des enseignant·e·s ont déclaré avoir rencontré des problèmes de droit d’auteur ou ne pas être sûr·e·s que tel était le cas. La confusion quant à la législation en vigueur était une constante. Les études ont montré que les enseignant·e·s accordent la priorité à l’éducation de leurs élèves, mais qu’il·elle·s sont en même temps contrariés par le fait d’être contraint·e·s de trouver des solutions de rechange, de devoir se résoudre à des compromis et de devoir renoncer à des expériences pédagogiques gratifiantes. Des modifications à la législation sur le droit d’auteur qui étendent les exceptions et les limitations à l’utilisation à des fins éducatives dans toutes les juridictions ont été recommandées, de même que d’autres mesures visant à résoudre les problèmes auxquels les enseignant·e·s se voient confronté·e·s.
Les syndicats prennent les devants
Elizabeth Fong (AUSPS, Fidji), Grace Nyongesa (UASU, Kenya), David Robinson (ACPPU, Canada) et Miriam Socolovsky (CONADU, Argentine) ont discuté des implications des nouvelles recherches pour le travail des syndicats de l’éducation à l’avenir.
Se félicitant de la nouvelle étude sur l’impact de la législation en matière de droit d’auteur sur l’éducation aux Fidji, Elizabeth Fong a déclaré que les syndicats devaient maintenant utiliser ces données pour orienter leur travail, soulignant que « nos enfants et nos jeunes sont privés de l’accès aux meilleures informations en raison des restrictions imposées par le droit d’auteur et d’une législation qui n’a pas pris en compte les petites économies en développement. Les syndicats ont beaucoup à faire dans le domaine du droit d’auteur. »
Abordant la situation au Kenya, Grace Nyongesa a souligné le rôle des syndicats dans la sensibilisation des éducateur·trice·s aux lois sur le droit d’auteur et dans la participation active à la révision de ces lois pour s’assurer qu’elles répondent aux besoins des élèves et des enseignant·e·s.
Miriam Socolovsky a évoqué l’importance de garantir l’accès universel à la connaissance et l’autonomie professionnelle des travailleur·euse·s de l’éducation.
David Robinson a, pour sa part, parlé de l’expérience de son syndicat dans la défense d’une meilleure législation en matière de droit d’auteur. En travaillant aux côtés des enseignant·e·s et des étudiant·e·s, le syndicat a réussi à apporter des modifications importantes à la législation canadienne sur le droit d’auteur, qui reconnaît désormais explicitement l’éducation comme une finalité de l’utilisation équitable. L’ACPPU est également intervenue récemment dans plusieurs litiges, où elle a fait valoir que la législation sur le droit d’auteur doit mettre en balance les droits des créateur·trice·s et ceux des utilisateur·trice·s. Le syndicat a également eu recours à la négociation collective pour s’assurer que les universitaires conservent le droit d’auteur des travaux qu’il·elle·s produisent.
Les syndicats de l’éducation qui participaient à l’événement de l’Internationale de l’Éducation se sont engagés à poursuivre leurs efforts aux niveaux national et international afin de garantir des exceptions au droit d’auteur dans le domaine de l’éducation.
Plaidoyer international
L’Internationale de l’Éducation est membre de la Coalition A2K (Access to Knowledge, A2K), qui représente des éducateur·trice·s, des chercheur·euse·s, des bibliothécaires et d’autres utilisateur·trice·s des connaissances dans le monde entier. La coalition a récemment publié une analyse des questions clés à l’ordre du jour de la prochaine réunion du Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Cette analyse (enanglais) s’oppose au traité proposé sur la protection des organismes de radiodiffusion, propose une voie à suivre en ce qui concerne les limitations et les exceptions, et appelle à l’arrêt des travaux relatifs à une redevance de prêt payante pour les bibliothèques. L’Internationale de l’Éducation participera à la réunion du Comité qui se tiendra à Genève du 6 au 8 novembre 2023.